mercredi 13 juillet 2005

Punishment Park


Fable politique inspirée par l'application du McCarren Act, une loi d'exception votée en 1970 à la faveur d'une aggravation du conflit au Nord-Vietnam, autorisant à placer en détention "toute personne susceptible de porter atteinte à la sécurité intérieure". Dans une zone désertique du sud de la Californie, un groupe de condamnés est amené, contre la promesse de leur libération, à traverser jours le désert à pied, sans eau ni nourriture, pour atteindre le drapeau américain sans être capturés par les forces spéciales armées et motorisées lancées à leur poursuite.

Interdit de diffusion pendant plus de trente ans (le film commence seulement à pouvoir, sous certaines conditions, être vu depuis quelques semaines alors qu’il date de 1971!), Punishment Park est certainement l’un des films les plus provocateurs qui soit : dénonçant l’esprit ultra-conservateur de certains magistrats américains, le film condamne la tyrannie (c’est ainsi qu’il faut la nommer, n’ayons pas peur des mots) du pouvoir en place. Si le film, réalisé en pleine période Nixon, touchait en plein dans la cible, il a perdu un peu de sa verve sous Clinton pour, grâce à Bush, retrouver pleine possession de son pamphlet politique.

Dans sa manière d’appréhender les choses, Peter Watkins a été un précurseur : Punishment Park est en effet un des premiers films à confondre si fortement fiction et documentaire qu’on fini par ne plus savoir se repérer. Contemporain de l’Orange Mécanique de Stanley Kubrick, qui mettait en scène une jeunesse en perdition, Punishment Park lui met en scène une jeunesse abusée, séquestrée, bafouée pour avoir le courage de défendre ses opinions, surtout si elles sont contraires à celles de la majorité des citoyens américains en faveur de la guerre. C’est ainsi que de la guerre du Vietnam et de Nixon, le film a gardé sa même ampleur politico-sismique avec Bush et l’Irak. De ce point de vue, de cette capacité à s’adapter aux grands dictateurs que l’on ne veut pas reconnaître comme tel, Punishment Park ressemble à Brazil.

Ce qu’il y a de cruel dans ce film, c’est que l’on sait condamnés ces pauvres malheureux dont certains sont là par hasard ; voilà le problème du film, trop anarchiste et rebelle pour admettre les thèses de son opposant, aussi infimes soient-elles. Un parti pris intégral qui mène à une vision limitée d’une situation tout à fait plausible.

En dépit, l’aspect film fauché recoupe parfaitement avec l’aspect documentaire : deux lieux (la "salle" des jugements (vite bâclés d’ailleurs) et le désert), aucun comédien professionnel, des discours parfois insensés mais, hélas, toujours des mêmes bouches, c’est à dire les plus fortes.

Pourtant, malgré cette aversion certaine et hélas trop flagrante du film, Punishment Park se situe haut, très haut dans le style pamphlet tragique, tout aussi percutant que le style Michael Moore et beaucoup plus efficace que le léger Fahrenheit 9/11, même si les sujets sont différents.

Film choc donc, sur lequel le temps ne semble avoir emprise ni sur la forme (ô joie!) ni sur le contenu (ça c’est moins chouette…) : un chef-d’œuvre ? Allez, c’est dit.

Note : ****

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