samedi 29 juillet 2006

Phantom of the Paradise


Qu’on se le dise, Brian de Palma n’est pas un amateur. Contemporain du « Nouvel Hollywood » (qui réunit la génération Scorsese, Coppola et autres Spielberg), on souvent tendance à l’oublier, tout au mieux à le classer comme technicien hors pair. Mais pourtant, il en a déjà signé des chefs-d’œuvre, et Phantom of the Paradise en est un !

Brian de Palma, c’est aussi le roi du « pastiche », n’hésitant pas à s’inspirer directement (quand il ne remake pas carrément) de ses modèles pour construire un film, tout en oubliant pas d’y apporter sa touche personnelle. Ainsi, comment oublier Scarface, Les Incorruptibles (avec sa séquence digne du Cuirassé Potemkine), Mission : Impossible, Obsession (qui s’inspire de Vertigo), Pulsions lorgnant du côté de chez Psychose, Blow Out adaptant Blow Up au monde du ciné, Body Double qui s’inscrit dans le sillon de Fenêtre sur cour… Bref, que du lourd. Et pour son huitième film (déjà), De Palma s’attaque au mythe du Fantôme de l’opéra, teinté de Faust et avec cette éternelle ombre d’Hitchcock planant tout le long du film (à l’instar de cette scène, jubilatoire, parodiant la scène de la douche de Psychose).

Et déjà, De Palma affiche une rigueur et une technique irréprochable. Un exemple marquant reste cette scène de la répétition, filmée en split-screen, où Winslow Leach pose une bombe dans un accessoire que l’on emmène sur scène, sous les yeux du propriétaire du Paradise… Entres effets de montage (surimpressions notamment), mouvements de caméra ou techniques particulières, De Palma prouve qu’il a du talent à revendre. Il possède même l’humour noir qui permet au film de ne pas sombrer dans le grand n’importe quoi en offrant par exemple le rôle du magnat musical fou au compositeur du film, Paul Williams…

Des acteurs très à l’aise dans leurs personnages d’ailleurs, avec mention à Paul Williams justement, qui joue les diables blonds avec une conviction sans faille. De leurs côtés, Jessica Harper chante bien, William Finley joue les psychotiques à merveille tandis que George Memmoli est idéal en producteur avide et Gerrit Graham se déchaîne. Car oui, j’oubliais de le préciser, De Palma est également un excellent directeur d’acteur…

Evidemment, on ne peut parler de Phantom of the Paradise sans parler de sa b.o., typique des années 70 mais qui, avec le recul, donne au film une nouvelle dimension kitsch, qui permet à l’œuvre de mieux vieillir encore. Entre le rockabilly et la pop, le métal et l’opéra, tous les genres sont mélangés pour créer une bande son aussi décalée que l’ensemble du film.

Grand Prix au Festival d’Avoriaz 1975, le film ne pêche vraiment que par son final, un peu foutraque, où l’on a l’impression d’assister à quelque chose qui n’a rien à voir avec l’ensemble de l’œuvre. Mais tant pis, car pendant 1h30 on a passé un moment… d’enfer.

Note : ****

This is Spinal Tap


Dans l’univers des documentaires, les groupes musicaux ont une place à part. The last waltz de Martin Scorsese, Woodstock (dont le même Martin Scorsese assura le montage)… Il y a pourtant dans cet univers musical un film à part, qui a inversé les tendances : Spinal Tap.

Pourquoi inverser les tendances ? Tout simplement parce que le groupe s’est formé APRES le film, et non pas avant. En effet, Spinal Tap n’est pas un « rockumentaire » mais bien un « documenteur ». Le groupe, fictif, a été formé pour le besoin du film, et a poussé le vice jusqu’à signer la b.o. Vu le succès du film, l’équipe fut obligée de reformer le faux groupe pour enregistrer un vrai album… Heureusement que tous les comédiens étaient de véritables musiciens !

Enfin, menteur, façon de parler, puisque nombre d’éléments du film sont inspirés de faits réels : le musicien étouffé dans son vomi, c’est arrivé au chanteur d’AC/DC ; le batteur qui explose en plein solo, c’est arrivé aux Scorpions ; le guitariste blond qui succombe à l’influence de sa copine… c’est arrivé aux Status Quo ; la scène introuvable dans le labyrinthe des couloirs… c’est arrivé aux Led Zeppelin ! Etc.

Il est quand même étonnant de voir ces comédiens amateurs s’en sortir aussi bien. Pour des gens qui n’ont pas spécialement d’expérience cinématographique, il s’e sortent très bien, mais peut-être est-ce dû au fait qu’ils ont écrit le scénario avec le réalisateur Rob Reiner.

En effet, il s’agit ici du premier film de Rob Reiner, futur réalisateur de Quand Harry rencontre Sally, qui prouve qu’il possède plus qu’un don pour la comédie. Arrosé de vitriol, son scénario n’en contient pas moins une certaine tendresse envers le rock, envers ce groupe sur le déclin ou, plutôt, décliné depuis longtemps au passé… Si son style faux documentaire ne fait pas long feu (avec des gens comme Patrick MacNee (ex-star de Chapeau melon et bottes de cuir) comme producteur musical, difficile d’y croire), l’ensemble reste cohérent, parodie clairement affichée mais sans être méchante.
D’un point de vue musical, le film n’est pas triste, les différents morceaux s’inspirant précisément des groupes que le film parodie : Led Zep’, AC/DC, Scorpions… Ce ne sont que des copies mais bigrement réussies, séparant chaque scène comme s’il s’agissaient de sketches.

Une œuvre fraîche et amusante, où l’on ri de bon cœur tout en s’en mettant plein les oreilles. Ca se veut de l’esprit Monty Python, s’en est pas très loin. Rob Reiner, roi de la comédie ? Absolument.

Note : ****

Cars

Au royaume l’animation 3D, deux studios sont rois : Dreamworks avec son armée de Shrek, Gang de requins et Madagascar, et Pixar, leader et précurseur avec Toy Story, auquel ont suivi des films comme 1001 pattes, Monstres & Cie et autres Monde de Némo et Indestructibles. Genre tout autant prisé par les adultes que par les enfants, l’animation 3D est aussi le milieu où les innovations sont les plus flagrantes. Tel est le cas de Cars qui, l’air de rien, constitue une bombe technique !

Réalisé par John Lasseter, présent depuis le début des studios et ayant à chaque fois participé aux films sortis, Cars donne rapidement le ton : le film est un vent de fraîcheur comme on aimerait en avoir bien souvent. La réalisation est impeccable : Lasseter réussit en effet à donner à son film des effets saisissants, comme lors des courses sur le circuit : c’est simple, on a l’impression d’assister à une vraie course ! Mais le plus beau reste à venir : le ray tracing. Qu’est-ce ? Il s’agit d’une technique permettant aux voitures de refléter leur environnement de manière réaliste, ce qui implique que la voiture devient une vraie voiture ! Un travail qui paraît insignifiant mais qui s’avère colossal, la complexité des calculs étant impressionnante. De ce point de vue, Cars laisse loin dans le rétro ses opposants : sa réalisation est irréprochable.

Hélas, on ne peut pas en dire autant de son scénario. Si on en arrivait à s’éloigner du gnan-gnan avec Les Indestructibles, on retombe dedans à vitesse grand V ici. D’une banalité sans nom, le scénario ne possède rien de bien original, pire il en est rapidement réduit à quelques situations cocasses, tout au plus. A peine 3 ou 4 répliques qui font mouches, et encore trop subtiles pour les enfants, lesquels seront vite blasés des gags à répétitions. Pire encore, on échappe plus cette fois au manichéisme et au côté moralisateur de Disney ; on croyait Pixar libéré de son emprise, que nenni. Y a le méchant vraiment méchant, l’antipathique finalement gentil, le héros qui va prendre conscience des valeurs comme l’amitié, l’amour… Ca sent la guimauve à plein nez, et cela ne s’arrête jamais. On apprend que c’est pas bien de tricher pour gagner, que l’important n’est pas de gagner mais de participer, que les amis comptent plus que tout… Pitié. Et cela en devient à ce point agaçant que le film perd de sa saveur. On en finit par oublier la beauté visuelle du film pour n’en retenir que sa morale à deux balles et la tentative de glisser un message métaphorique : la civilisation détruit plus qu’elle n’aide. Paradoxal pour un genre qui a supplanté la 2D…

Un film qui mitige donc, aussi beau que vide. En espérant que Pixar se ressaisisse rapidement, car leur potentiel est loin d’être pleinement exploité…

Note : **

La liste noire (Guilty by suspicion)


Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéma américain a déjà connu quelques années difficiles, mais ce n’était rien par rapport aux années du maccarthysme. ET c’est durant cette période sombre que nombre de carrières ont vu leurs fins, comme l’illustre La liste noire.

Qu’est-ce que le maccarthysme ? C’est très simple : dans les années 50, les USA « subissaient » la « menace » du bloc communiste, qui s’installait un peu partout : Guerre Froide, Mao Tsé-Tung au pouvoir, début de la Guerre de Corée… Bref, les USA avaient peur, et c’est pourquoi le sénateur Joseph McCarthy a jugé bon de « traquer » les communistes et leurs idées perverses sur le territoire américain. Rapidement, le monde du cinéma fut mis à l’épreuve, avec une liste de supposé communistes (contenant entre autres les noms de Sterling Hayden, Joseph Losey, Arthur Miller, Robert Rossen, Charles Chaplin…) et la fameuse liste des « 10 d’Hollywood » dont faisait partie Dalton Trumbo. Sous la contrainte, et pour ne pas se voir refuser l’accès à la profession, certains artistes donnèrent des noms de personnes adhérant à l’idéologie communiste. Le cas le plus célèbre reste Elia Kazan, dénigré dès cet instant dans tout le monde du cinéma (ce qui le poussa à réaliser Sur les quais, comme pour justifier son acte…). Le maccarthysme prit fin vers 1954, après la chute du pouvoir de McCarthy, qui mourut alcoolique en 1957. On estime à plusieurs milliers de personnes qui ont vu leurs vies détruites à cause de cette « chasse aux sorcières ».

C’est cette période sombre que décrit La liste noire, dont le titre original Guilty by suspicion est beaucoup plus équivoque. Comment, par simples pressions morales, la carrière et même la vie d’un brillant cinéaste fut détruite pour finalement peu de choses. Si les noms sont fictifs, il n’est pas bien difficile de faire des rapprochements avec la réalité : Chris Cooper joue le rôle d’un cinéaste qui balance ses amis (Elia Kazan ?) tandis que De Niro joue un cinéaste pour qui son art est tout, et qui finalement s’exilera en Europe (Chaplin ?).

Irwin Winkler, producteur averti, signe là son premier film en tant que réalisateur. Si le rendu de l’époque est génial (on sent pleinement la paranoïa qui règne partout), on regrettera quelques faiblesses narratives, comme l’apitoiement du meilleur ami de De Niro quand il vient lui demander pardon car il veut le donner aux juges… Heureusement, dans l’ensemble le film tient la route et ne sombre pas trop dans les stéréotypes. Il y a même des détails amusants, comme de revoir le tournage d’un western qui s’apparente au Train sifflera trois fois, œuvre dénonçant volontiers le maccarthysme…

Evidemment, c’est la prestation de De Niro qui domine le film, dont les moments de doutes sont très bien rendus. Sans en faire de trop, De Niro colle à l’esprit torturé de son personnage, vit ses doutes, ses craintes et ses coups durs. Lui qui avait déjà côtoyé l’univers d’Hollywood des années 50 avec Le dernier nabab retrouve rapidement ses marques et écrase ses partenaires, que ce soit Chris Cooper, Annette Bening ou Georges Wendt… A noter les apparitions rapides de Martin Scorsese en… cinéaste et Tom Sizemore.

Un film certes un peu faible niveau scénario, ainsi que dans la mise en scène, mais dont le sujet mérite qu’on ne l’oublie pas, histoire de ne pas répéter les mêmes erreurs. Enfin, si c’est possible…

Note : ***

La grande bouffe


Au royaume des cinéastes, Marco Ferreri n’était pas ce qu’on pouvait appeler des plus sages ; as de la provoc, son œuvre tend à être méconnu du grand public, et c’est bien dommage. Heureusement, La grande bouffe nous rappelle quel artiste il était, avec sa propre vision de l’homme et de sa décadence.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans ce film, de décadence : 4 amis, tous issus de milieux différents (comme pour saisir toutes les nuances qu’il peut exister dans la société), s’offrent un week-end pour mourir. Il faut mourir le ventre plein, la libido assouvie, mourir comme on l’a décidé. Cette volonté d’aller à la rencontre de sa propre fin (à l’encontre de sa propre faim ?) relève de la philosophie, d’une volonté de dominer sa Destinée.

La grande bouffe est une analyse, à l’aide d’un scalpel rouillé comme pour laisser des marques, d’une société en perdition. On gaspille la nourriture alors que le Tiers-monde meurt de faim, on ne songe qu’à forniquer sans se soucier de ce que cela engendre au niveau des émotions, on ri de gags scatos, on ne pense qu’à soi-même, on veut tout dominer mais, face à l’adversité, on se rétracte. Ferreri souligne nos imperfections au feutre rouge, rouge comme le vin, rouge comme le sang du cochon, rouge comme le symbole de l’amour et du sexe…

Pour participer à cette orgie funeste, Ferreri convoque des légendes : Philippe Noiret, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi et Marcello Mastroianni. Autant de grands noms qui, l’espace d’un film pour leur ami commun, se laissent emporter par leurs pulsions, leurs inspirations. Car Ferreri leur donne une liberté de ton exceptionnelle, non seulement dans l’improvisation mais aussi dans l’exagération. Cela s’avère déstabilisant de prime abord mais, au final, c’est bien dans l’esprit du film. Il convient alors d’applaudir Noiret et surtout Tognazzi, immense, tandis que Piccoli et Mastroianni cabotinent de temps à autres. A ce quatuor désormais entré dans la légende il faut ajouter Andréa Ferréol, dernier modèle de civilisation qui sombrera dans la même décadence que nos compères. Comme si, inéluctablement, l’Homme était condamné à subir l’influence néfaste de ses semblables et ainsi courir à sa perte…

En dépit des apparences, La grande bouffe n’est pas seulement un pamphlet à l’égard des hommes ; c’est aussi une mise en garde, pour que tout cela ne soit qu’un film, et un immense appel à l’amour de la part de Ferreri. Celui qui riait des insultes criées à Cannes n’a jamais caché s’être reconnu dans le personnage de Noiret, le plus mélancolique de tous et, surtout, le plus écorché. Le film choque mais le film est émouvant. Comme dirait Piccoli pour décrire l’œuvre : « Un cri désespérant de tendresse, possible ou impossible. »

Il n’y a rien d’étonnant à ce que le film fut hué à sa sortie ; il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il soit devenu l’objet d’un culte de nos jours ; il n’y aurait rien d’étonnant si, au vu de son sujet, on en parle encore dans 100 ans…

Note : ****

lundi 24 juillet 2006

Viens chez moi, j'habite chez une copine


Il est des comédies qui, à leur sortie, connaissent un succès populaire incroyable mais qui, l’âge aidant, ne vieillissent pas si bien que ça. Tel est le cas de Viens chez moi, j’habite chez une copine, comédie de Patrice Leconte qui, il faut l’avouer, paraît désuète de nos jours.

Le plus gros problème sans doute réside dans la conception même du film. Un bon film est celui qui est écrit AVANT le choix des acteurs. L’ennui ici, c’est que l’on sent le film écrit pour (et par) Michel Blanc, avec son opposé comme partenaire : Bernard Giraudeau. Le coup du tandem improbable, on l’a vu mille fois, avec ses modèles du genre (Gérard Depardieu et Pierre Richard chez Veber, Michel Blanc et Gérard Lanvin dans Marche à l’ombre). Ici, il est vrai qu’il fonctionne assez bien, mais il n’est pas aussi marquant que les précités.

Puis, soyons honnêtes, Patrice Leconte n’est pas spécialement le roi des comédies. Il sait choisir ses collaborateurs, il sait les filmer convenablement, point barre. On ne lui en veut pas, ce n’es pas tout le monde qui a eu son flair pour le Splendid par exemple. Mais ses films traversent aussi difficilement les époques, le problème étant lié à un besoin viscéral de coller à la réalité de l’époque. Du coup, 20 ans après, ce n’est plus la même chose, exemple flagrant avec la b.o. signée Renaud, devenue culte il est vrai mais que l’on sent bien d’une autre génération…

Mais heureusement, Michel Blanc est là, avec sa gueule de loser, sa manière unique d’emmerder son monde. Plus d’une fois on se dit que le genre de situation qu’il provoque, on les a connues avec un son meilleur ami aussi. Son personnage de perdant opportuniste est le seul à ne pas changer à rester d’actualité car, au fond, on est tous un peu pareil. Ce n’est pas une analyse freudienne mais Blanc a réussi à cerner le type même du gars moyen.

Les gags s’enchaînent donc, un peu inégaux, mais drôles car sans arrière-pensées. Ce n’est pas Viens chez moi, j’habite chez une copine qui a révolutionné le genre c’est vrai, mais de temps à autre, ça fais bougrement du bien de rire sans réfléchir.

Note : **

13 tzameti


/!\ ATTENTION CRITIQUE SPOILER /!\

13 Tzameti fut annoncé comme une bombe : lauréat du Grand Prix du Jury dans la section Films de fiction à Sundance, Lion du futur à la Mostra de Venise, sitôt sorti et déjà racheté par Brad Pitt pour en faire un remake, bref la légende qui s’est formée autour de la réussite du film a été un fameux coup de pub. Si bien que l’on a envie de découvrir ce fameux chef-d’œuvre le plus tôt possible. Dès lors, quelque chose m’échappe : ou bien je suis passé à côté de quelque chose, ou bien mes goûts cinématographiques ne sont plus ce qu’ils étaient !

Saluons quand même les points positifs, à savoir la réalisation, la photo et l’idée principale.

Il serait malhonnête de dire que Gela Babluani a mal réalisé son film. C’est même le contraire : sa réalisation est, en elle-même, une jolie réussite. Ayant réussi à instaurer un climat inquiétant, froid comme la mort, l’auteur parvient à faire monter calmement l’angoisse, le stress de ce qui va arriver, jusqu’au point de non-retour, l’arrivée au château, et la découverte du jeu macabre qui s’y livre. Et si la direction d’acteur n’est pas toujours des meilleures, il faut dire que le choix des comédiens est plus que judicieux, la plupart ayant de vais « gueules » comme on dit, des visages qu’on oublie pas de sitôt.

Le noir et blanc qui illustre ce film est également un très bon choix, accentuant encore un peu plus cette idée de mort qui plane tout au long du film. Contrasté, il garde quand même les traces du film à petit budget, ce qui n’enlève rien à son charme.

L’idée même du jeu sadique est elle aussi une réussite : poussant le sadisme de plus en plus loin, cette idée de roulette russe à plusieurs est d’une intensité sans nom surtout lorsque le moment fatidique est là, à portée de milliseconde. Mais attention tout de même à l’interprétation.

Car au final, à force d’assiste à ce jeu malsain, on finit par y prendre plaisir, par attendre impatiemment de savoir qui sera l’adversaire final du héros (car il ne peut évidemment pas mourir…). Du coup, de simple spectateur on devient voyeur, proche de ceux des émissions de téléréalités, et la distanciation nécessaire pour apprécier le film se perd.

Quant au plus gros problème du film, ses longueurs, il réside dans une solution toute simple : 13 Tzameti ne devait être à la base qu’un moyen métrage de 40 minutes. Et cela se sent, cela se sent terriblement. La mise en place de l’histoire profile déjà 30 minutes sur les 90 au total. Quant au final, prévisible, il tire tout autant en longueur. Cela devient tellement agaçant qu’on ne prête même plus attention au comédien principal, frère du réalisateur et acteur bien loin d’être convaincant…

Un film qui marque les esprits, c’est vrai, mais peut-être pas de la manière qu’on le voudrait ; tandis que certains vont crier au génie, d’autres vont découvrir une arnaque sans nom. En moyen métrage, le film aurait été une bombe ; en long métrage, il s’agit d’un pétard mouillé.

Note : **

jeudi 20 juillet 2006

Bernie


Il est de ces artistes qui ont vraiment un univers à part, un monde qui leur est propre quitte parfois à sembler hermétique. Albert Dupontel est de ceux-là, comique dérangé et dérangeant, qui s’il sait se faire sage pour les films des autres, sait aussi titiller là où ça fait mal, dans la morale bien pensante.

Bernie vient de cette volonté de faire un film en marge du genre, une comédie acide sur fond de constat social déplorable. Acide oui, car ils sont nombreux les moments où l’on ri puis, l’instant d’après, on a du mal à avaler sa propre salive…

Dupontel est barje, qu’on se le dise, mais un barje modéré. Il a l’art de servir de la comédie morbide, mais de telle manière qu’on finit par l’accepter. Ainsi, quelques dialogues semblent crus (« quand j’aurai fini de t’enculer, on pourra voir le soleil se lever ! ») ou même agressifs (lorsque Bernie arrache la tête d’un oiseau avec ses dents, et dit en la mangeant : « ce qui est embêtant dans les oiseaux, c’est les becs ! ») mais dans le fond, c’est dans l’esprit du film, du 3918e degré, donc ça passe.

D’autant que Dupontel a une volonté de bien faire, de styliser sa mise en scène en la chargeant de symboles (la scène d’ouverture) ou de chercher des effets un peu inédits (la caméra pivotant rapidement sur elle-même, pour représenter le point de vue d’un gyrophare…). D’autant que le montage rapide permet au film de ne pas laisser le spectateur trop choqué par ce qu’il voit, en lui offrant une scène plus ou moins normale pour le remettre de ses émotions.

Il faut aussi admettre que Dupontel a su, pour son premier film aussi barré, s’offrir un casting des plus alléchants. Roland Blanche, Roland Bertin, Hélène Vincent, Paul le Person et Claude Perron sont les personnages de cette histoire de dingue, mais ils ne semblent aucunement dérangés par ça. Mieux encore, ils se laissent aller à leur pulsions, et offrent ainsi une dimension tragi-comique à leurs personnages qui se ressent à travers le film.

C’est quand même un peu dommage que le scénario soit plutôt léger d’ailleurs, même s’il permet certains niveaux de lecture, il n’en demeure pas moins basique. On en tient pas trop rigueur remarquez, le choc des images étant assez important pour nous faire oublier le manque d’originalité et de rigueur du script…

Un premier film qui ne ressemble à aucun autre, drôle et violent, qui ne laisse pas indifférent. Bernie choque, Bernie provoque, Bernie n’est pas à mettre dans toutes les mains, mais Bernie est personnel. N’est-ce pas le propre des grands artistes ?

Note : ***

Marathon Man


A une époque où les USA subissent des retours de vestes phénoménaux (Vietnam, Watergate…), le thriller paranoïaque domine avec brio l’ensemble des productions. Des films comme Serpico, Les hommes du Président, Conversation secrète ou encore Les trois jours du Condor sont autant de chef-d’œuvre qui ont su tirer profit de cette période sombre. Et Marathon Man n’est pas en reste, histoire d’un jeune étudiant en histoire qui se retrouve malgré lui impliqué dans un trafic de diamants appartenants à un ancien officier nazi.

Aux commandes, John Schlesinger, réalisateur britannique déjà impressionnant dans sa manière de traiter de l’amitié et du sexe dans Macadam cowboy. Il retrouve une foi de plus Dustin Hoffman donc pour dénoncer quelques trucs qui n tournent plus très rond au pays de l’Oncle Sam. Sa réalisation est efficace, bien qu’elle prend un peu de temps à tout mettre en place. Une fois tous les éléments en place, l’angoisse grimpe vitesse grand V. Le sommet du stress réside sans doute dans cette douloureuse scène de torture où Laurence Olivier arrache à vif les dents de Dustin Hoffman. Une scène qui choqua tellement lors des projections tests qu’elle du être écourtée…

Pour les amateurs, le choc Hoffman-Olivier constituera un morceau de choix : la vieille génération face aux acteurs de l’Actor’s studio. Anecdote : pour être au top de son jeu, Dustin Hoffman passa réellement des nuits blanches et courait vraiment plusieurs kilomètres pour être crédible. Lorsque Laurence Olivier apprit cela, il lui demanda : « Pourquoi ne pas tenter de jouer ? C’est bien plus simple ! ». Toujours est-il que chacun est vraiment bon dans son rôle, Hoffman jouant comme à son habitude les américains moyens pris malgré lui dans une histoire qu’il ne maîtrise pas ; Roy Scheider est plus que correct mais c’est surtout Laurence Olivier qui écrase tout et tout le monde, dans le rôle de cet ancien SS. Une scène troublante est d’ailleurs celle où le docteur Szell parcourt le quartier juif pour trouver acquéreur de ses diamants : Olivier démontre alors une angoisse profonde et maîtrisée, qui atteint son sommet lorsqu’il est reconnu par d’anciennes victimes.

Si Marathon Man est un thriller efficace, il n’en reste pas moins une réflexion sur la société contemporaine, constamment sous pression par le gouvernement. Qui est juste et qui est mauvais, impossible à dire. C’est sans doute pour cela que l’ombre du maccarthysme plan tout au long du film, à travers la mort du père du héros. On décide de s’attaquer aux petits communistes alors qu’on laisse les grands en paix, un peu comme on s’acharna sur de petits officiers nazis au profit des chefs qui trouvèrent facilement refuge en Amérique Latine pour la plupart…

Un thriller maîtrisé donc, qui laisse un temps de répit de prime abord pour pouvoir se lancer pleinement dans un marathon contre la mort. Implacable et impeccable.

Note : ***

dimanche 16 juillet 2006

La Cible (The Target)


Le premier film (et non des moindres) de Peter Bogdanovich que cette Cible.

Fin des années 60, un jeune cadre, évoluant dans un climat serein et normal, se découvre un penchant de plus en plus grand pour les armes, et se voit pris d’une irrésistible envie de tuer à tout va. Pendant ce temps, un ancien acteur de film d’horreur décide de tirer sa révérence…

Pour son premier film, Bogdanovich ne dispose pas de beaucoup de moyen. Néanmoins, il parvient à obtenir Boris Karloff ce qui, en plus de lui assurer un petit succès, offre à son récit une dimension unique, comme un écho à la réalité. Pour preuve, Bogdanovich joue lui-même le rôle d’un cinéaste… Il n’empêche, le manque d’argent se fait hélas ressentir sur le film, qui s’il y gagne en efficacité perd un peu par la récurrence des plans similaires et des décors limités. On en tiendra pas rigueur évidemment, mais cela fait prendre au film un léger coup de vieux…

Coup de vieux que le scénario ne subit pas. Heureusement d’ailleurs, vu son sujet : ce n’est pas tant les pulsions meurtrières d’un individu et la tension de savoir si l’acteur succombera ou non qui importe, c’est le regard que lance Bogdanovich sur la société moderne. De manière implicite, Bogdanovich prouve que de nos jours, ce ne sont plus les vampires et autres créatures qui effraient les gens, mais leurs voisins. Pourquoi avoir peur d’un loup-garou alors que son propre fils peut s’avérer un meurtrier en puissance ? Bogdanovich démontre la fin d’une époque, de toute une génération qui pouvait se balader tranquillement en rue, qui criait à la vue d’un Frankenstein ou d’une Momie ; dorénavant, plus rien ne les effraie, si ce n’est les faits divers. Un hasard si l’époque du film coïncide avec l’abolition du code Hays, de la censure et par-là même un changement de ce qui choque ou non ? Pas sûr…

Dans son propre rôle, Karloff est impressionnant, acteur fatigué, usé par des années de métier mais dont, au final, personne ne se souvient. On ne peut hélas pas en dire autant de Tim O’Kelly, qui en fait parfois un peu trop pour rendre son personnage de cadre moyen taré crédible.

Dommage donc que le film n’ait pas eu un budget plus confortable, ce qui aurait amélioré probablement l’ensemble du film et surtout permis de trouver des acteurs plus audacieux, plus expérimentés pour accompagner Karloff. On est dans un film influencé Roger Corman, et ça se sent. Mais bon, dans le fond on s’en fiche alors autant savourer le film.

Note : ***

dimanche 9 juillet 2006

L'étrangleur de Boston (The Boston Strangler)


Un excellent thriller que cet Etrangleur de Boston.

Partant de faits authentiques, L’étrangleur de Boston raconte l’enquête concernant un serial killer ayant pour habitude de tuer ses victimes en profitant de son métier de plombier. L’histoire ne fut jamais clairement élucidée, l’assassin présumé souffrant de schizophrénie (donc de dédoublement de personnalité) et n’ayant donc jamais été clairement reconnu coupable…

Un film de serial killer de plus me direz-vous ? Pas exactement. Cette fois, ce n’est pas tant l’assassin en lui-même qui est exploité ici (celui-ci n’apparaissant qu’à la moitié du film et son nom étant cité de suite, pour annuler d’office les pistes des policiers…) mais bel et bien l’âme humaine et ses méandres, le côté sombre de l’homme. Un mari adultère aime étrangler les femmes pour ses plaisirs sexuels, un intellectuel savoure les jeux sadomasochistes, un pauvre diable dort à même les ressorts de son lit en collectionnant les sacs à mains… Autant de personnages troubles et dérangés qui constituent une galerie effrayante du Boston contemporain (les faits se déroulant durant les années 60, à l’époque de l’assassinat de Kennedy). Ce n’est que parmi ses malades que l’on retrouve l’assassin, finalement le moins probable puisque schizophrène. Une façon de dire que la société est malade, et comme le précise l’épilogue, qu’il faudrait songer à soigner les gens avant qu’il ne soit trop tard…

A la réalisation, un habitué du cinéma pop-corn intelligent puisqu’il s’agit de Richard Fleischer, réalisateur entre autres de 20 000 lieues sous les mers, Les Vikings, Tora ! Tora ! Tora ! ou encore Soleil vert. Déjà habitué au thriller avec L’assassin sans visage, Fleischer impose ici son style, à savoir une mise en scène sans fioritures, efficace dans sa manière de créer une ambiance : nous sommes en plein Boston des années 60, en prise à la paranoïa collective alors que le pays subit déjà une grave crise personnelle (guerre du Vietnam, assassinat de Kennedy…). La petite touche qui fait la différence, c’est que Fleischer apporte un nouvel élément de la construction narrative : le split-screen. Ce procédé qui consiste à diviser l’écran en plusieurs morceaux fut en effet utilisé pour la première fois dans ce film, et sera réutilisé plus tard avec talent par de nombreux cinéastes, Brian De Palma en tête…

Reste que le trio d’acteurs est excellent : Georges Kennedy est l’archétype du détective consciencieux tandis qu’Henry Fonda joue les investigateurs avec son calme habituel. La performance à saluer est donc celle de Tony Curtis, qui trouve là le rôle de sa carrière (vu que c’est quasiment toujours un contre-emploi qui constitue le clou d’une carrière…) en abandonnant les playboys ou les comiques de service pour devenir ce psychopathe halluciné. La scène finale, où il mime dans le vide la reconstitution d’un meurtre, est littéralement bluffante, tout comme son regard continuellement vide sur ce visage déformé.

Un film qui fit date dans l’histoire du cinéma pour son procédé technique, et une preuve de plus qu’il faut réhabiliter Richard Fleischer a rang des cinéastes incontournables. Un thriller angoissant, analysant la folie du meurtrier tout autant que la société dans laquelle il évolue. Une réussite du genre.

Note : ***

samedi 8 juillet 2006

Le Parrain (The Godfather)


Un film désormais mythique que ce Parrain.

Il serait inutile d’expliquer ce qu’est le Parrain, l’histoire des Corleone, leurs bonheurs, leurs malheurs, leurs trahisons, leurs membres… Il serait éventé de rappeler l’importance du Parrain dans l’histoire du cinéma, la révélation Pacino, la seconde vie de Brando, les Oscars, l’influence du film sur le genre, la consécration Coppola… Mais, finalement, qu’est-ce qui a permis au Parrain de devenir si incontournable ?

Soyons honnêtes, disons tout : les acteurs, le scénario, la réalisation, la musique, bref tout dans ce film était fait pour façonner un chef-d’œuvre éternel.

Le scénario par exemple, adaptation du roman de Mario Puzo déjà sacré best-seller. Il faut dire qu’auparavant, on avait jamais réellement osé aborder la mafia et en faire des héros de film. Seuls quelques cinéastes avaient tenté cette approche dans les années 30, comme Howard Hawks, mais ça s’arrêtait là, et encore on ne faisait nullement l’apologie de ce mode de vie. Ici, la mafia se voit offrir un nouveau visage, un esprit bien plus humain que tout ce qu’on avait pu lui offrir auparavant. Cette fois, la mafia devient une famille, avec ses joies et ses disputes. Le patriarche devient une figure emblématique, ses fils deviennent ses fidèles serviteurs. Avec ses passions déchirées, ses amitiés trahies, ses morts d’êtres chers, ses questions de vengeance, Le Parrain s’approche nettement plus de la tragédie antique que du simple drame ou du film policier. Récit fleuve, Le Parrain contient également une partie de chaque genre du cinéma : du policier, de la romance, de la comédie, du drame… Un patchwork qui permet au Parrain de ne pas cibler trop précisément son public et, en devenant universel, de traverser les âges.

Pour mettre ce chef-d’œuvre en image, il fallait bien un cinéaste solide, un rêveur, un idéaliste qui pensait pouvoir refaire le cinéma comme il le voulait, un jeune gaillard intellectuel et populaire à la fois. Ce réalisateur, ce fut Francis Ford Coppola, issu du « Nouvel Hollywood » et scénariste confirmé (Paris Brûle-t-il ?, Patton…). S’il ne doit son salut qu’à la patience et un petit peu de chance (Sergio Leone, Otto Preminger, Arthur Penn, Peter Yates et Costa-Gavras ayant refusé de réaliser le film), Coppola a réussi à insuffler au film un cachet unique, une sorte de mysticisme qui planerait dans le reste de sa carrière, à travers une mise en scène que certains jugeront académique mais qui, en réalité, regorge d’intelligence, de sens et de professionnalisme. Propos du réalisateur : « J'ai toujours pensé Le Parrain comme l'histoire d'un roi et de ses trois fils. Le plus âgé a reçu la passion et l'agressivité, le deuxième, sa douceur et ses gestes enfantins ; et le troisième, sa ruse et son calme. » Rien d’étonnant à trouver un côté tragique, shakespearien à son film. En revanche : « C'était dans mon intention de faire un film authentique sur des gangsters italiens, sur somment ils vivaient, comment ils se comportaient, la façon dont ils traitaient leurs familles, célébraient leurs rituels. » Une intention louable certes, mais non aboutie. Peut-on vraiment affirmer que la mafia existe comme cela ? Difficile à croire, notamment pour Scorsese qui, quelques années plus tard, offrira une vision moins romanesque de ce monde avec Les Affranchis… Il n’empêche que le film est maîtrisé de bout en bout, regorgeant de scènes désormais cultes et de moments forts, le plus souvent sublimés par la photographie de Gordon Willis.

Et bien sûr la musique de Nino Rota. Car c’est aussi ça qui a compté dans la légende du Parrain : cet air de musique reconnaissable entre mille, chargé d’émotion et de nostalgie, qui offre aux images un cachet quasi mystique, comme si nous assistions à un récit universel, une lutte perpétuelle entre le Bien et le Mal sans savoir vraiment où sont l’un et l’autre… Une partition sublime largement acclamée depuis.

Il ne restait plus à Coppola qu’à trouver les acteurs qui aideraient le film à entrer définitivement au panthéon des classiques. Si James Caan, Talia Shire ou Robert Duvall n’eurent pas trop de mal à être choisis, si Marlon Brando fut le choix initial du réalisateur et de l’écrivain (bien que le nom de Laurence Olivier ait circulé), Al Pacino fut en revanche à l’instar de Coppola un petit veinard. Avant son nom, les choix se portaient sur Warren Beatty, Jack Nicholson, Dustin Hoffman et même Ryan O’Neal… Moralité ? Caan, Duvall, Cazale et Sterling Hayden sont très bons, Pacino est bien malgré quelques fautes de parcours et Brando explose littéralement l’écran. Ce n’est pas tant dans sa façon de jouer que dans son personnage que Brando impressionne : un homme fatigué, dépassé, devant cédé sa place à une nouvelle génération. Il gardera toujours son importance, il restera éternellement l’icône qu’il est mais il doit partir. Comme un écho à la réalité…

Au vu de ses arguments, rien d’étonnant que Le Parrain soit devenu un mythe cinématographique, et le premier véritable « blockbuster » (il fut le premier film à dépasser la barre des 100 millions au box-office américain). Peut-être sa légende est-elle quelque peu usurpée, peut-être le film ne mérite pas autant d’éloges qu’on lui fait, mais on s’en fiche. Le récit nous touche, sans doute parce qu’il est humain, et que tout en conservant la part de fantasme qu’il nous évoque, il nous donne l’illusion de vivre cette tragédie. Un mélange de cinéma intimiste et populaire, intellectuel et violent. Une œuvre rare.

Note : *****

Fast and furious


De l’action bien ficelée que ce Fast and furious.

A la base pourtant, rien de bien excitant : de belles gueules inconnues (Vin Diesel et Paul Walker), un cinéaste peu convaincant (Rob Cohen = Dragon, l’histoire de Bruce Lee, Cœur de dragon, Daylight…) et un scénario tenant sur maximum deux pages (en tenant compte de la page de garde).

Et pourtant ! Le film réunit tous les ingrédients pour plaire au public, et ça marche ! La recette ? Facile.

Tout d’abord, comme cité plus haut, prenez des gueules que personne ne connaît mais qui sont irrésistibles. Paul Walker et surtout Vin Diesel sont idéaux, le dernier possédant même un charisme animal qui en fait fondre plus d’une. Vu qu’ils ne sont pas connus, ils ne coûtent pas chers, et le spectateur les voyant conduire les bolides avec des supers nanas se dira « quelle chance celui-là ! » ou encore « et bien je lui prédis une belle carrière ! ». C’est tellement glorifiant de faire une remarque que l’on croit intelligente…

Ensuite prenez de la belle carrosserie. Attention qu’ici, il faut prendre l’expression dans les deux sens du terme : de la bagnole de feu et des filles à en tomber par terre. C’est aussi à ça qu’un film tient son succès, au nombre de jolis minois (si possible aux formes généreuses) à la seconde. Et vu qu’on est bien loin d’un drame existentialiste norvégien, on est en droit d’avoir de la jolie pépée quand même. Niveau voitures de compet, aucun souci non plus, comme ça ces messieurs ne seront pas jaloux de voir leurs demoiselles baver devant Walker et Diesel.

Il y a quand même le petit plus qui fait la différence, c’est la réalisation. Mettez n’importe quel blaireau aux commandes d’un tel film, ça marchera à degré variable. Mettez un gars qui sait en foutre plein la vue, et le résultat est garanti succès. Même si Rob Cohen n’est pas le roi de la caméra, il faut reconnaître qu’en matière d’action il se débrouille bien, et ici encore plus en offrant cette impression de vitesse au film (les plans, le son et le montage aidant) qui faisait aussi autrefois la force d’un Mad Max.

Quant au scénario… Eh ben rien à redire… Comment critiquer une face A4 ? Même si certains verront prétexte à dire que Fast and furious est un film sur l’amitié, sur l’amour… On préférera ne rien répondre.

Le parfait petit exemple de la machine à pop-corn et donc à sous. Divertissant et assez bien foutu : même si l’ensemble est creux, la forme n’est pas des plus déplaisante.

Note : **

American Dreamz


Une attaque parodique envers les USA que cet American Dreamz.

A la réalisation, rien de spécialement rassurant : Paul Weitz, auteur d’American Pie entre autres, bref loin d’avoir un humour des plus subtils. Et ne nous voilons pas la face, American Dreamz n’a rien de très fin : si le Président est une copie à peine voilée de Georges Bush, les extrémistes islamistes et l’Américain moyen sont dessinés avec des traits gros comme ça, des stéréotypes qui à défaut d’être vraiment amusants deviennent lassants et prévisibles.

Il faut dire que le scénario n’a pas grand chose d’extraordinaire non plus, cette envie de dénoncer le rêve américain, désormais supplanté par un besoin de notoriété quoiqu’il en coûte. Pêchant d’abord par ses stéréotypes, le scénario est également faible dans sa linéarité, le fait de pouvoir prévoir à l’avance la scène suivante. Du coup, le film se passe et nous on regarde sans vraiment être convaincu.

Même les acteurs ne semblent pas plus convaincus que ça par le projet. Dennis Quaid joue un peu en retrait les présidents dépressifs, Willem Dafoe cabotine encore et encore tout au long du film, Chris Klein se défend comme il peut alors que Mandy Moore est peut-être celle qui s’en sort le mieux dans cette comédie, après Hugh Grant fidèle à lui-même en présentateur égocentrique et ironique, un rien acide, bref pas loin du personnage qu’il interprétait déjà dans Bridget Jones.

L’auteur veut visiblement dénoncer ce qui ne va plus aux USA (un gouvernement bancal, des télé-réalités de plus en plus extrêmes, un rêve américain brisé, une cupidité sans nom, un danger ambiant dû au terrorisme…) mais à trop vouloir se protéger avec l’appellation « comédie », le film devient lassant. On s’amuse bien de quelques gags, mais dans l’ensemble, on sent l’échec. Peut-être qu’en d’autres mains, s’eusse été différent, mais en l’occurrence, c’est loin de la perfection…

Note : *

Dikkenek


De l’humour belge corsé mais stéréotypé que ce Dikkenek.

Dikkenek, c’est un peu le rejeton du cinéma belge, le film qui a été conçu dans l’esprit de C’est arrivé près de chez vous et son ton corrosif. Acteurs déjantés, situations incroyables et surtout dialogues à peine dit aussitôt cultes sont les ingrédients de base de ce genre de comédie qui ne plaira pas à tout le monde. Oui mais la comparaison s’arrête seulement dans la théorie, et c’est là que le bât blesse.

Oui mais voilà, à trop vouloir copier tontons Belvaux et Poelvoorde, Olivier Van Hoofstadt en fait un peu trop et transforme son film en une simple enfilade de sketchs où priment les dialogues « trop démentiels », du genre : (Marion Cotillard, expliquant les dangers de la route à une enfant avec une énorme cicatrice au visage) « Si aujourd’hui tu ressembles plus à Albator qu’à Candy, c’est parce que ta mère n’est qu’une tutte ! ». Politiquement incorrect donc jouissif, mais hélas à la portée limitée (par des belgicismes ou même néologismes…) et parfois dans les limites de la tolérance.

Il y aussi cette volonté de vouloir choquer gratuitement, comme ce règlement de compte à peine dissimulée avec l’IAD (école de cinéma belge) dont Van Hoofstadt fait passer les étudiants (âgés) pour des ringards limite débiles. Le pire reste peut-être le stéréotype du Belge moyen, parlant avec un accent immonde, ne buvant que de la bière, insultant à tout va et limite un obsédé sexuel. Si la plupart des Belges auront assez de recul pour se moquer d’eux-mêmes, il faut se dire que ce ne sera pas le cas de tout le monde, pire encore que le film sera perçu plus comme une moquerie qu’une comédie en France par exemple.

Sans compter qu’il n’y rien de bien original dans ce film, que ce soit le scénario ou les acteurs. On offre tout à François Damiens, vedette du petit écran belge et qui mérite qu’on s’attarde sur lui il est vrai. Mais Marion Cotillard semble perdue, Jean-Luc Crouchard copie pleinement le style Poelvoorde, Dominique Pinon est finalement peu présent… reste Florence Foresti qui tire encore bien son épingle du jeu, réussissant à imposer son style à travers son personnage.

Une comédie à voir entre potes, peut-être en dvd dans le salon, une pinte à la main et une fricadelle dans l’autre, histoire de se sentir pleinement belge et de se marrer des bouffonneries parfois extrêmes des autres clampins. A éviter quand on veut voir un bon film, à matter quand on veut se marrer sans chercher à s’e souvenir le lendemain.

Note : **

Capote


Une biographie étonnante que ce Truman Capote.

Resituons quand même le personnage pour les néophytes. Truman Capote n’est en fait qu’un des plus grands génies de la littérature américaine. Journaliste, scénariste (pour John Huston et Jack Clayton), dialoguiste (pour Vittorio De Sica) mais surtout romancier adulé (Diamants sur canapé, adapté par Blake Edwards avec Audrey Hepburn), il allait changé la façon d’écrire pour les années à venir en réalisant son chef-d’œuvre, De sang-froid, roman s’inspirant d’un fait divers et ayant pour particularité d’être le premier roman non fictionnel écrit comme un article de presse.

C’est à l’élaboration de ce livre que s’intéresse le film. Pas de biographie complète, non, rien qu’un aperçu des années qu’à passer Capote à écrire son livre, la manière dont il s’y est pris et ce qu’il lui en a coûté. Le titre est donc mensonger (on est en droit d’attendre la vie complète de Capote à l’écran), mais on ne s’en plaindra, évitant de ce fait les écueils d’une énième biographie supplémentaire sur un artiste de légende.

Pour illustrer ces quelques années de la vie de l’écrivain, Bennett Miller opte pour une réalisation volontairement lente, posée, qui ne cherche absolument pas à briller par quelques artifices que ce soit. Si quelques fausses notes se font ressentir (plus des facilités que des erreurs d’ailleurs), il n’en demeure pas moins que la réalisation de Truman Capote s’approche du film mature, celui qu’aurait pu réaliser un ancien cinéaste, une œuvre quasi crépusculaire. Etonnant de la part de ce jeune cinéaste dont c’est le premier film.

Le scénario est tout aussi abouti, s’intéressant nettement plus aux sentiments, aux émotion humaines, à la personnalité complexe de l’écrivain qu’à peindre une époque, décrire le processus de création ou s’en prendre à une certaine classe pseudo-intellectuelle de l’Amérique puritaine pourtant avide d’événements morbides. Il y avait matière à faire un film acide sur de nombreux points, mais les scénaristes ont préféré rester concentrés sur la personnalité de Capote. Un bien pour un mal, peut-être, quelques égratignures à une certaine manière de pensée américaine n’ayant pas été de trop dans ce film un rien trop sage.

Mais si dans l’ensemble, le film s’en tire avec les honneurs, c’est surtout grâce à ses interprètes, d’une Catherine Keener sublime à un Clifton Collins Jr très bon, en passant par un Chris Cooper déboussolé à souhait, le film tient la route. Tous sont pourtant écrasés par la composition de Philip Seymour Hoffman, enfin acclamé à l’unanimité (Golden Globe et Oscar du Meilleur Acteur) et à juste titre. Si sa transformation est remarquable (silhouette, coiffure, manière de parler…), c’est également dans les silences qu’il impressionne le plus, laissant paraître un Capote fragile, presque écorché vif. Le reste du temps, Truman est un manipulateur, alcoolique, hautain, spirituel, sensible, mégalomane, épuisé, égocentrique, bref un être humain avec ses qualités et surtout ses défauts. Dommage que l’on insiste toujours sur les vices des personnages que l’on adapte au cinéma…

Une œuvre plus que correcte, surprenante de la part d’un jeune auteur et qui fait surtout la part belle à ses acteurs, en particulier Philip Seymour Hoffman qui trouve là, et à l’heure actuelle, le rôle de sa carrière.

Note : ***

lundi 3 juillet 2006

Les frères Grimm (Brothers Grimm)


Du divertissement costaud mais hélas superficiel que ces Frères Grimm.

Il faut dire pour la défense du film que la barre était placée très haut : en effet, voilà près de 7 ans que l’on attendait le retour de Terry Gilliam, génial réalisateur de L’armée des 12 singes et surtout Brazil, dont le projet The man who killed Don Quixotte fut victime de l’acharnement du sort. Alors quand on sait qu’au générique se trouve quelques acteurs aux noms évocateurs (Matt Damon et Heath Ledger en tête d’affiche, Monica Bellucci en sorcière se préoccupant de sa beauté éternelle…) et que l’univers des contes des frères Grimm est juste ce qu’il faut au cinéaste pour offrir un film unique, on ne pouvait que s’attendre à un petit chef-d’œuvre en soi.

Hélas, hélas, trois fois hélas, rien de tout cela. Non pas que le film soit mauvais, loin de là. On peut même dire que dans le genre divertissement pété de thunes, Les frères Grimm s’en tirent très bien, avec des effets spéciaux maîtrisés et un univers un peu particulier.

Mais ce n’est pas tant le spectateur que le cinéphile qui parle ici. En soi, Frères Grimm est un film de bonne facture, divertissant, amusant, stylisé, bref un film pop-corn standard réalisé dans le feutré. Sauf qu’à la réalisation c’est Terry Gilliam, et là on passe tout de suite à autre chose.

Parce que Terry Gilliam, c’est quand même l’un des cinéastes les plus décalés et les plus visuels de sa génération, pour ne pas dire du paysage cinématographique mondial actuel. Créant constamment un univers oppressant, angoissant et délirant, où la peur se mêle aux cadrages qui font sortir le film des sentiers battus, on était en droit de s’attendre à quelque chose de cette trempe avec ce film. Mais où sont les trouvailles de Bandits, bandits, Brazil ou même Las Vegas Parano ? Si on peut pardonner à Terry Gilliam d’avoir cédé aux pressions des studios, on tolère moins facilement la vente de son âme et de sa personnalité au profit d’un standard hollywoodien.

Si encore les acteurs venaient à nous surprendre, mais non. On ne leur en veux pas, mais le trio de tête est loin d’être inoubliable… Matt Damon semble effacé, Moncia Bellucci se fait bie rare et Heath Ledger ne semble pas toujours en accord avec son personnage… Rien de bien méchant, et des interprétations convenables dans l’ensemble, mais pas de quoi se relever la nuit non plus.

Même le scénario n’est guère passionant. Si Gilliam nous a déjà fasciné (Brazil, Armée des 12 singes) ou déçu (Las Vegas Parano) avec ses scénarios, ils avaient au moins un point commun : ils étaient imprévisibles. Or ici, on sent la scène suivante arriver comme si on était devin. Et si le manichéisme n’est pas loin, c’est surtout la prévisibilité du scénario qui plombe tout.

A titre de comparaison, Frères Grimm est à Terry Gilliam ce que Noces funèbres est à Tim Burton : l’assurance d’avoir les studios en poche, quitte à sacrifier un peu de son univers. On apprécie, mais sans plus. On se dit que ça sent le déjà vu, mais en moins bien. Et on se dit qu’on attend impatiemment le prochain film du cinéaste pour le voir revenir à son propre univers, sans autre influence que la sienne…

Note : **

Inside Deep Throat


Un documentaire un peu trop classique que cet Inside Deep Throat.

Petit rappel historique : en 1972, en pleine explosion des mœurs dans une société post-Woodstock, le porno marche gentiment jusqu’à ce qu’un film fasse son apparition, un film qui va non seulement révolutionner le genre mais aussi toute une manière de vivre. Ce film, c’est Gorge Profonde, porno décalé (une femme voit son clitoris se situer dans sa gorge !) qui va devenir le film le plus rentable de l’histoire (25 000 dollars investis, 600 millions de bénéfices !) mais aussi le plus polémique (mafia, censure, procès…).

Evidemment, en partant sur un sujet pareil, on sait que le documentaire ne va pas être du sucre pour salon de thé. Le piège qu’il va surtout falloir éviter, c’est de dévoiler des images de Gorge Profonde qui n’auront pas spécialement leur place dans un documentaire d’investigation. Hélas, les cinéastes succombent à la tentation.

Déjà à la base, on est déstabilisé : on s’attend à un brûlot contre la morale américaine, une ode à la libération sexuelle, une attaque envers la mafia qui contrôle une partie du monde du cinéma… Rien de tout cela. Au mieux, on a l’impression d’assister à un making of de Gorge Profonde, avec ses interviews du réalisateur, de l’acteur et de quelques personnes ayant participées au tournage.

De temps à autre cependant, les réalisateurs veulent jouer les Woodward et Bernstein (journalistes du Washington Post ayant enquêté sur l’affaire du Watergate, et dont l’indic était surnommé… Gorge profonde) et comprendre le comment du pourquoi : d’où venait cet engouement pour le porno ? Quel rôle la mafia a-t-elle réellement joué dans l’exploitation du film ? Pourquoi le gouvernement a-t-il réagi de telle façon face au succès populaire du film ? A travers quelques témoignages, les cinéastes veulent qu les réponses se dévoilent d’elles-mêmes. Seulement voilà : ce qu’on apprend, on s’en doutait déjà !

A ce moment-là, on se dit que c’est pas grave, que l’essai était intéressant. Sauf que là, tout dérape : on montre les images de cul du film. Et on se dit que l’intérêt de ces images dans le documentaire est inexistant. Et c’est à ce moment-là que le postulat tombe : Inside Deep Throat n’est rien de plus qu’un documentaire voyeuriste, prétentieux, creux et misant tout sur son sujet pour trouver du public.

On retiendra donc qu’il est facile de s’attaquer à un sujet épineux pour faire un documentaire ; savoir en tirer parti et réaliser un travail constructif dessus l’est beaucoup moins, et ce n’est pas Inside Deep Throat qui nous démentira.

Note : **