samedi 29 juillet 2006

La liste noire (Guilty by suspicion)


Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéma américain a déjà connu quelques années difficiles, mais ce n’était rien par rapport aux années du maccarthysme. ET c’est durant cette période sombre que nombre de carrières ont vu leurs fins, comme l’illustre La liste noire.

Qu’est-ce que le maccarthysme ? C’est très simple : dans les années 50, les USA « subissaient » la « menace » du bloc communiste, qui s’installait un peu partout : Guerre Froide, Mao Tsé-Tung au pouvoir, début de la Guerre de Corée… Bref, les USA avaient peur, et c’est pourquoi le sénateur Joseph McCarthy a jugé bon de « traquer » les communistes et leurs idées perverses sur le territoire américain. Rapidement, le monde du cinéma fut mis à l’épreuve, avec une liste de supposé communistes (contenant entre autres les noms de Sterling Hayden, Joseph Losey, Arthur Miller, Robert Rossen, Charles Chaplin…) et la fameuse liste des « 10 d’Hollywood » dont faisait partie Dalton Trumbo. Sous la contrainte, et pour ne pas se voir refuser l’accès à la profession, certains artistes donnèrent des noms de personnes adhérant à l’idéologie communiste. Le cas le plus célèbre reste Elia Kazan, dénigré dès cet instant dans tout le monde du cinéma (ce qui le poussa à réaliser Sur les quais, comme pour justifier son acte…). Le maccarthysme prit fin vers 1954, après la chute du pouvoir de McCarthy, qui mourut alcoolique en 1957. On estime à plusieurs milliers de personnes qui ont vu leurs vies détruites à cause de cette « chasse aux sorcières ».

C’est cette période sombre que décrit La liste noire, dont le titre original Guilty by suspicion est beaucoup plus équivoque. Comment, par simples pressions morales, la carrière et même la vie d’un brillant cinéaste fut détruite pour finalement peu de choses. Si les noms sont fictifs, il n’est pas bien difficile de faire des rapprochements avec la réalité : Chris Cooper joue le rôle d’un cinéaste qui balance ses amis (Elia Kazan ?) tandis que De Niro joue un cinéaste pour qui son art est tout, et qui finalement s’exilera en Europe (Chaplin ?).

Irwin Winkler, producteur averti, signe là son premier film en tant que réalisateur. Si le rendu de l’époque est génial (on sent pleinement la paranoïa qui règne partout), on regrettera quelques faiblesses narratives, comme l’apitoiement du meilleur ami de De Niro quand il vient lui demander pardon car il veut le donner aux juges… Heureusement, dans l’ensemble le film tient la route et ne sombre pas trop dans les stéréotypes. Il y a même des détails amusants, comme de revoir le tournage d’un western qui s’apparente au Train sifflera trois fois, œuvre dénonçant volontiers le maccarthysme…

Evidemment, c’est la prestation de De Niro qui domine le film, dont les moments de doutes sont très bien rendus. Sans en faire de trop, De Niro colle à l’esprit torturé de son personnage, vit ses doutes, ses craintes et ses coups durs. Lui qui avait déjà côtoyé l’univers d’Hollywood des années 50 avec Le dernier nabab retrouve rapidement ses marques et écrase ses partenaires, que ce soit Chris Cooper, Annette Bening ou Georges Wendt… A noter les apparitions rapides de Martin Scorsese en… cinéaste et Tom Sizemore.

Un film certes un peu faible niveau scénario, ainsi que dans la mise en scène, mais dont le sujet mérite qu’on ne l’oublie pas, histoire de ne pas répéter les mêmes erreurs. Enfin, si c’est possible…

Note : ***

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