mardi 27 décembre 2005

Les Noces funèbres (Corpse Bride)


Je vais certainement m’attirer quelques foudres mais, pour moi, une petite déception de la part de Tim Burton que ces Noces funèbres.

Pourtant, tout partait d’un bon esprit : une adaptation d’un vieux conte, un défi technique, un contraste avec le cinéma d’animation contemporain basé sur la 3D, un esprit bien burtonien… Mais où cela cloche-t-il alors ? Eh bien dan le fait que cela soit trop burtonien justement.

Si la forme est totalement réussie, tant dans l’animation des marionnettes que dans les décors gothiques à souhait, Burton ne parvient pas à s’éloigner des obligations hollywoodiennes pour son film.

On regrettera, par exemple, un humour très réduit. Attention, le film est drôle, voir très drôle par moment, et quelques moments d’anthologie comme la chorégraphie du saloon agrémentent le film de touches originales, mais on est bien loin d’un humour macabre. C’est avec amertume qu’on se rend compte que, après la réussite de Beetlejuice dans la description du monde des mots, Tim Burton se cible beaucoup trop sur l’aspect enfantin du film.

Il est loin aussi le panache de la mie en scène, cette noirceur et ce contre-pied à la culture populaire qui veut qu’il y ait le Bien et le Mal. Ed Wood, Batman – le défi sont des films qui parvenait à échapper à ce piège de la facilité scénaristique ; ici, ça ressemble presque à du Disney bas de gamme, à un manichéisme profond où le monde des morts est plus gai que celui des vivants, où le vilain-méchant-pas-beau va tenter de briser le mariage du héros alors qu’il a déjà poussée la Mariée vers l’au-delà… Dans l’esprit trop mielleux du méchant vraiment méchant etdu gentil vraiment gentil, on s’approche des faiblesses d’Edward aux mains d’argent ; mais là où Edward brillait par un discours universel et un esthétisme bluffant, Les noces funèbres ne parviennent pas à décrocher la timbale. Pourquoi ? Car le rapprochement visuel avec L’étrange Noël de Monsieur Jack est trop fort. A y regarder de plus près, les personnages sont moins effrayant, c’est vrai, mais hélas la surprise n’est plus là. On salue la prouesse technique mais on regrette un certain manque d’originalité.

Dommage, car les bases étaient très bonnes à tous les niveaux. Mais on ne se refait pas, et Tim Burton, qui semblait avoir atteint une certaine maturité avec ses derniers films comme Big Fish, nous prouve le contraire. On attendra Tim, mais ne traîne plus trop et surtout surprend nous encore avec ton univers plutôt que de chercher à toucher un public déjà acquis.

Les noces funèbres sont donc un film techniquement réussi mais artistiquement faible : un petit coup dans l’eau de la part de ce cinéaste aux immenses capacités.

Note : **

Tarnation


Un documentaire très original et totalement inédit, voilà ce qu’est, en gros, Tarnation.

Reprenons depuis le début. Tout commence quand Jonathan Caouette se prend pour un cinéaste en herbe. Il filme tout et tout le monde, en particulier lui-même dehors ou dans une salle de bain. C’est alors qu’il découvre les vertus thérapeutiques du cinéma qui peut exorciser les démons qui l’entourent. Il va ainsi se filmer pendant près de 20 ans…

Attention, œuvre complexe : il ne s’agit ni d’un documentaire autobiographique, ni d’une fiction, ni de cinéma expérimental : il s’agit de ces trois genres mélangés pour offrir un film unique dans l’histoire du cinéma. Influencé par le cinéma underground, Tarnation s’inscrit comme le premier long-métrage documentaire à budget très réduit (moins de 300 dollars !) et à but thérapeutique pour son auteur.

Evidemment, vu le style du film, il est très difficile d’en parler correctement : la subjectivité du récit conduit irrévocablement à une critique qui ne sera jamais totalement objective.

Il faut donc séparer les atouts des inconvénients du film. Commençons par le positif : le psychédélisme. Assez tortueux, le récit nous emmène dans la tête de son auteur-réalisateur-acteur Jonathan Caouette, légèrement dérangé et souffrant d’un mal qui lui rend difficile la séparation entre monde réel et monde imaginaire. En découle un univers forcément étrange mais parfois magique, parfois effrayant. Exploitant pleinement (à outrance ?) les différents effets mis à disposition par le logiciel de montage, Tarnation nous emmène dans un voyage temporel unique, où nous découvrons l’évolution (même si, parfois, on approche la régression) d’un pays et de sa culture sur fond de musique rock psychédélique.

Il y a aussi ce souci de véracité qui se dessine tout au long du film, égratignant ci et là le portrait d’une famille qui se veut bien pensante mais qui, au fond, est très barbare. On retiendra par exemple les délires limites effrayants de la grand-mère et de la mère, se prenant des fous rires sans raison apparentes, ou encore cette scène du grand-père cherchant à appeler la police pour faire embarquer Jonathan qui l’embarrasse avec ses questions sur les traitements corporels infligés à Renée durant son enfance…

Vient ensuite le gros souci du film : l’aspect voyeuriste. Bien sûr, en regardant un documentaire autobiographique, on doit s’attendre à un poil d’égocentrisme et peut-être même un rien de narcissisme mais là, c’est trop. Autant certaines scènes ne nous dérangent pas plus que cela malgré la violation de l’intimité (l’introduction du film, décrivant la vie douloureuse de Renée et le coup de téléphone de Jonathan en larmes) autant on assiste parfois à de l’autosatisfaction (insistance sur les autres films amateurs de Jonathan, ce même Jonathan à poil dans sa chambre…) pour ne pas dire à de la masturbation mentale.

Reste donc en définitive une œuvre étrange, sorte d’ovni dans le paysage cinématographique contemporain, où l’inédit côtoie le scabreux, l’authenticité à l’égocentrisme, et ou un petit peu plus de retenue n’aurait été que bénéfique à un film déjà entré dans le panthéon des œuvres initiatrices de genres…

Note : **

vendredi 23 décembre 2005

Requiem for a dream


La bombe qui révéla Darren Aronofsky au monde entier que ce Requiem for a dream.

Il faut dire que π était déjà en soi un petit bijou tordu et techno-trash, complètement décalé et déboussolant. Confirmation ici avec ce film, devenu depuis l’une des références majeures dans les films sur la drogue comme Trainspotting ou Moi, Christiane F. ..13 ans, droguée et prostituée…

Tout commence presque bien pourtant. Sara Goldfarb vit dans le deuil de son époux et doit supporter les vols récurrents de son junkie de fils. Qu’importe, les amies sont là et les shows TV aussi ; Harry Goldfarb, fils de Sara, se défonce de son côté avec son pote Tyrone et sa splendide copine Marion. Jusqu’ici, tout va bien… ou presque. Voilà que Sara subi un canular et se croit choisie pour passer à la télé, tandis que le trio restant doit se rendre compte que non seulement l’argent ramassé grâce à leurs deals est épuisé mais en plus l’héroïne vient à manquer. Sara tombe alors dans la dépendance des médicaments tandis qu’Harry, Tyrone et Marion découvre les revers de ce genre de dépendance…

Film choc sur les drogues qu’elles quelles soient (TV, héroïne, médicaments…), Requiem for a dream se veut un drame noir, bien noir, sans aucun compromis pour ses personnages. Le scénario, basique sur le fond, ne laisse aucun moment de répit à nos comparses dès leurs descentes en enfer. Et au vue des quatre résultats, on se demande lequel s’en tire le mieux…

Comme avec π, Aronofsky mise tout sur la mise en scène. Tendance techno au niveau musical, Requiem for a dream est pourtant l’apogée d’un style unique dans le paysage cinématographique contemporain. Résolument jeune, Aronofsky (ab)use des gros plans, des caméras collées aux corps, des accélérés et des ralentis ; tout ce qu’une caméra peut faire, Aronofsky l’utilise. C’est peut-être là le souci pour beaucoup, cette approche presque clipesque de la mie en scène qui, indubitablement, fini par lasser. La première fois, c’est la claque assurée ; la deuxième, c’est toujours impressionnant mais ça en devient lassant. Heureusement Aronofsky en a conscience et ne se limite pas qu’à ça. Il s’offre l’audace de créer une dimension tragique aux personnages, chacun allant de son petit malheur : Sara regrette son mari et veut que son fils l’aime ; Harry veut briller aux yeux de Marion, laquelle en viendrait presque à pleurer sa carrière ratée dans le stylisme ; enfin Tyrone cherche lui aussi à briller mais aux yeux de sa mère… Un cycle infernal où, comme à la télévision montrant un show sensé aider à maigrir, seul l’envie de plaire compte.

Point de vue acteurs, chacun se donne à fond dans le personnage, d’Ellen Burstyn en mère parano à Jared Leto en fils toxico. Tous deux irradie l’écran de génie. Jennifer Connelly, elle, est tout aussi belle que douée, c’est certain, mais la plus grosse claque reste Marlon Wayans, qui abandonne les blagues potaches de Scary Movie pour devenir un véritable acteur, un de ceux qui jouent avec leur tripes et qui, d’un simple regard, vous font frissonner, comme dans cette scène où Tyrone se souvient de sa mère…
Un film particulièrement réussi sur le discours, loin d’imposer une morale mais ne prenant pas pour autant le parti des toxicos ou dépendants ; la critique ne se limite pas non plus à la drogue mais à l’addiction dans son tout, ce qui veut dire bien au-delà de ce qui se sniffe, se fume, se boit ou s’injecte dans les veines. C’est aussi chez soi et même dans sa tête que l’on peut trouver les pires éléments…

Troublant, fascinant, un peu répétitif mais terriblement efficace dans le sentiment de mal-être provoqué chez le spectateur.

Note : ****

dimanche 4 décembre 2005

Dick Tracy


Un Sin City avant l’heure, en plus déjanté quand même que ce Dick Tracy.

Pour rappel, Dick Tracy est inspiré d’un comics racontant les histoires d’un détective dans les années 30. Farfelu, ingénieux, le comics grossi les traits de ses personnages au point de frôler le cartoon : Dick Tracy est le détective type, c’est-à-dire fort, intelligent, incorruptible et incapable d’exprimer ses sentiments tandis que les vilains méchants sont moches, diaboliques et vraiment, vraiment méchants.

Mais qui adaptation dit souvent gros risque. Parfois ça marche (Spiderman…) parfois ça rate (Hulk, Les 4 fantastiques…). Mais pour rappel, nous sommes en 1990, alors comment diable peut-on transposer l’univers de Tracy au cinéma ?

Il faut tout d’abord reconnaître un petit don de la mise en scène de Warren Beatty : s’il ne possède pas vraiment de style propre et si sa mise en scène n’est pas très originale, il a pourtant le mérite d’avoir une rigueur dans le cadrage et dans la direction d’acteur qui rend ses films très agréables (Reds en est le plus bel exemple). Ce qui impressionne pourtant le plus dans ce film, c’est la retranscription de l’univers de Tracy, où Beatty a opté pour une réalisation mélangeant dessin animé et effets spéciaux pour créer un monde unique ; un Sin City bien avant l’heure et en couleur !

Il faut également rendre justice aux maquilleurs, qui ont dû faire un travail considérable sur certains acteurs pour les rendre vraiment affreux. En parlant d’acteur, Beatty a ce chic d’attirer les gens qu’il aime dans ses films, et Dick Tracy ne fait pas exception : on pourra donc voir face à lui Al Pacino dans le rôle du bad guy plus délirant que méchant, Madonna en vamp’ amoureuse, Dustin Hoffman irrésistible dans le rôle du Marmonneur, et quelques autres noms prestigieux qui viennent faire un petit coucou, comme Paul Sorvino, Kathy Bates ou James Caan dans le rôle d’un parrain de la mafia…

D’un point de vue scénario, on reste dans la plus pure tradition du comics ; action, émotion, humour, rien n’est négligé pour rendre le spectacle fascinant. Multipliant les enquêtes annexes (l’homme sans visage, l’emprisonnement de Tracy, la lutte contre la mafia…) mais dans une durée tout public (1h30), Dick Tracy se pose directement en divertissement de qualité, qui n’a pas la prétention de révolutionner le genre mais simplement (si je puis dire) de lui appliquer de nouvelles bases, celles des effets spéciaux.

Si le seul bémol de ce film sera une réalisation que l’on aurait voulu plus délirante, comme le jeu des acteurs et les décors « dessins animés », Dick Tracy reste pourtant un film de qualité, divertissant et amusant, prenant et fascinant sur le plan technique. Bien joué !

Note : ***

Chicken Little

Le premier Disney 3D sans Pixar que ce Chicken Little.

Il faut savoir que la force de Disney ces dernières années, c’était Pixar ; le dessin numérique surplombe le dessin traditionnel, l’inventivité des studios aux grandes oreilles se faisait rare et le mot « succès » n’était plus employé depuis presque une décennie. Alors quand Pixar annonce son départ, voilà Disney dans de sales draps ! D’où réaction rapide : on passe au numérique !

Alors évidemment, face à Dreamworks et Pixar, difficile de tenir la distance ! Donc pourquoi se gêner et ne pas recopier ce qui fait le succès des autres films du genre ?

Primo : les personnages. Il faut qu’ils soient amusants, imaginairement réalistes (entendez que dans la réalité ce serait des gens comme vous et moi voir un peu moins chanceux) et qu’il y en ait un ou deux qui marquent les esprits. Ici, il y en aura deux : le porc-épic cool qui assure un max et Fish, petit poisson hors de l’eau qui survit grâce à un bocal sur sa tête (mais le reste du corps apparemment n’en a pas besoin…). Deux personnages réellement attachants il est vrai, qu’on aurait justement aimé voir plus souvent, vu le trio restant : une canne relativement moche amoureuse du petit poulet, un cochon atteint d’un GROS problème de surpoids et Chicken Little, poulet ne dépassant pas la hauteur de trois pommes. Stéréotypés, le reste des personnages n’est guère impressionnant, entre la pimbêche de service qui redeviendra gentille et le délicieux papa déçu de son fils mais qui finira par s’excuser humblement… Ah là là sentiments quand vous nous tenez…

Secundo, l’humour : il faut que ça percute beaucoup plus chez les ados que chez les enfants (cible d’ores et déjà acquise grâce au label Disney) d’où un humour rempli de sous-entendu sexuels, de feintes un peu bidonnes et d’une retranscription genre l’horreur des lycées avec les frimeurs et les losers. Typiquement américaine, cette partie du film ne fascinera guère le public, croyez-moi.

Tertio : les hommages. Dreamworks en a fait sa marque de fabrique, Pixar ne s’est pas privé de glisser quelques références parfois, alors pourquoi faire autrement ? Ici, c’est au cinéma fantastique et de science-fiction que l’on rendra surtout hommage, entre King Kong, Signes, Independance Day, La guerre des mondes ou encore Indiana Jones, les clins d’œil doivent sans doute être les meilleurs moments du film… Même si on ne doit pas vraiment les chercher !

Un autre bémol à ce film est sans hésitation son scénario également : trop « effrayant » pour les enfants (certains passages du film sont relativement sombres pour ces petites têtes blondes) et pas assez poussé pour les ados et adultes.

On ne pourra que se rabattre sur une mise en scène assez groovy, vu qu’il s’agit du même réalisateur que Kuzco, l’empereur mégalo, auquel on pourra peut-être aussi reproché une b.o. pas très adéquate…

Loin d’être une réussite, Chicken Little aura pourtant les moyens de faire rire les enfants entre 5 et 10 ans : c’est peu. Disney, ou le studio déchu…

Note : *

samedi 26 novembre 2005

Underground


Mon film préféré d’Emir Kusturica que cet Underground !

D’un avis strictement personnel, j’ai toujours voué une admiration pour les artistes capable de porter un regard critique et réaliste sur un sujet d’actualité grave : Chaplin et son Dictateur, Kubrick et son Docteur Folamour, Peter Watkins et son War Game, et voilà que découvre Underground qui n’est rien de moins que 50 années de conflits (militaires ou humains) en Yougoslavie, terre natale de Kusturica !

A tous les niveaux, le film tire vers les sommets du septième art : acteurs, scénario, réalisation, musique, rien n’a été laissé au hasard !

Commençons par les acteurs : évidemment peu connus dans nos pays, ils possèdent pourtant un potentiel tragi-comique inouï que Kusturica a su utilisé à merveille ! A mi-chemin entre l’humour décalé et la tragédie tendance shakespearienne, ils sont tous au plus fabuleux les uns que les autres, même les membres de l’orchestre !

Si je parle de Shakespeare, c’est parce qu’il s’agit sans conteste d’une influence majeure pour Kusturica. Comme le dit si bien le magazine Le Point : « Le cinéma de Kusturica, c’est la rencontre entre Shakespeare et les Marx Brothers ». Entièrement d’accord.

Vient ensuite le plus impressionnant, le scénario : si je devais le résumer en un mot, ce serait MAGISTRAL !!! Tout d’abord il y a ce souci historique que Kusturica comble en insérant quelques images d’archives ; l’Histoire est respectée, pas de doutes. Mais ce n’est pas tant une description des faits qui importe à Kusturica, mais davantage la face cachée de l’Histoire : magouilles, mensonges, trahisons sont donc au menu de ce délire de 3 heures.

A travers ces deux « héros » si on peut les nommer ainsi, Kusturica pose un constat amer : en politique, il ne peut exister aucune amitié et aucune vérité. Ainsi le cinéaste glisse-t-il des images de synthèses de ses acteurs dans les archives : première manipulation historique. Pour appuyer encore plus sa thèse du « pour réussir il faut savoir mentir », Kusturica brouille le jeu un peu plus en insérant un film dans le film ! Lequel, bien entendu, retrace une vision réduite des faits décrits dans le film : mensonge du mensonge, deuxième manipulation. Et pour confirmer que rien de tout cela n’est réel, ce sont les mêmes acteurs qui font les deux films. Ou leurs talents comiques sont pleinement exploités d’ailleurs… Et pour éviter une lecture faussée (où les esprits limités crieront au scandale de ne pas montrer les horreurs de Tito), Kusturica se démarque de toute idéologie en critiquant bien sûr le nazisme mais aussi le fascisme (« enculés de fascistes de merde ! » répété 50 fois, c’est assez clair je crois) et en démontrant le machiavélisme du communisme (vous voyez monsieur Fielkenkraut, vaut mieux voir un film avant de le critiquer…)

Et on fini en beauté par la réalisation mémorable de ce film-fleuve. Au sens même de la technique, Kusturica est un pro, il sait manipuler correctement une caméra et le prouve sans pour autant tomber dans l’excès. A titre de comparaison, sa caméra est aussi classe, incisive et fluide que celle d’un Robert Altman. Mais Kusturica a de la personnalité, et cela se voit : il y a d’abord ces scènes incroyables, totalement surréalistes et pourtant… Entre les galeries souterraines qui symbolisent un monde uni mais en dessous (par-delà ?) la guerre et une destruction de zoo qui provoque de drôles de situations, Kusturica semble ravi de donner un peu d’imaginaire à des événements terribles. Sans pour autant perdre le respect.

Il y a aussi cette façon sublime d’illustrer la mort, laquelle n’est plus considérée comme une fin en soi : réincarnation, libération subaquatique, la mort n’est qu’un passage vers un monde meilleur comme l’indique clairement un final grandiose, dont la toute dernière image emprunte de métaphore résonne dans les esprits pour longtemps…

Et bien sûr, mon petit coup de cœur va à la musique, indissociable du cinéma de Kusturica dorénavant, à la fois drôle, mélancolique, vive, fragile : bref le style Kusturica…

Alors, si on devait résumer Underground, ce serait quoi ? Un film politique ? Pas vraiment. Un drame ? Bof. Une comédie ? Pas toujours. Un film propagande ? Certainement pas. Un film anarchiste ? Non. Une tragédie humaine ? Presque. Un chef-d’œuvre absolu ? Assurément.

Note : *****

dimanche 13 novembre 2005

Arizona Dream


Une sublime fable sur les rêves que cet Arizona Dream.

Il faut tout de même préciser que pour son premier film américain, Emir Kusturica ne se refuse rien : Johnny Depp, Jerry Lewis, Faye Dunaway, Lilli Taylor, Vincent Gallo… Excusez du peu !

Il faut dire aussi que déjà à l’époque Kusturica était un vedette : chacun de ses films avait été primé dans un festival important, dont Papa est en voyage d’affaires qui a reçu une jolie Palme d’Or. Quoi de plus logique donc que les USA lui ai fait les yeux doux et ce soit inclinés devant lui.

Inclinés ? Pas tant que ça, car Arizona Dream, même s’il possède une touche un peu plus populaire reste un film de Kusturica : entendez par là un humour décalé, un univers propre au cinéaste et une histoire naviguant entre les eaux du réalisme et du surréalisme… Les Ricains ont donc choisi de couper un peu le film, d’environ 23 minutes ! En regardant le film, je me demande comment ils y sont parvenus…

Soit. L’important c’est que nous Européens sommes un public beaucoup plus sensible aux véritables œuvres d’arts. Car il n’existe aucun doute à ce sujet : Kusturica est un orfèvre du cinéma, et son Arizona Dream est tout aussi sublime que ses autres films.

Ce qui est remarquable, c’est cette façon propre au cinéaste de nous inviter dans un monde qui, de prime abord, paraît peu plausible mais qui, au final, n’est qu’une analyse de la société moderne. Exemple avec le personnage de Faye Dunaway, dont le plus grand rêve est de voler ; rêve de l’humanité entière s’il en est. Vincent Gallo lui veut devenir une star, fait anodin aux Etats-Unis et, grâce à une certaine forme de télévision-poubelle, anodin en Europe aussi. Et pendant que Lilli Taylor court après l’amour, Jerry Lewis cherche à effacer sa dette envers Johnny Depp, lequel ne rêve que d’une vie simple dont il serait le seul et unique maître. Comment ne pas s’identifier à un seul de ces personnages ?

Les acteurs sont par ailleurs excellents, d’une justesse inouïe. Et Dieu sait qu’avec un scénario pareil, pas évident de s’y retrouver.

Car bien sûr, Kusturica garde quelques traces de ses films précédents et qui reviendront par après, notamment la métaphore animalière. Je m’explique : chaque fois qu’un personnage arrive à son stade ultime (rêve réalisé, mort…), un poisson nage dans l’air brûlant de l’Arizona… Métaphoriques et poétiques, ces quelques apparitions nous invitent à rêver nous aussi sur une autre vie ou, plus simplement, une autre façon de voir la vie…

Dans sa réalisation, Kusturica est un poil plus sobre que d’habitude, même si ses délires viennent ci et là parsemer le film. Attention toute particulière aux hommages d’ailleurs (Raging Bull, Le Parrain…) qui parfois partent une parodie – qui est également une marque de défi envers Hitchcock (la scène de l’avion de La mort aux trousses version Kusturica vaut le détour !). Hommages très subtils car ils symbolisent également les réalisateurs phares des USA et les films qui ont forgé une Amérique friande de grands spectacles à tendance intimistes…

Un film splendide donc, qui comme chaque Kusturica mérite plus d’une vision pour être totalement assimilé. Mais s’en priver serait vraiment honteux…

Note : ****

lundi 7 novembre 2005

Zelig


Un des plus grands chef-d’oeuvres de Woody Allen que ce Zelig !

Leonard Zelig relève, dans ces années trente, d'un cas peu ordinaire. Obèse, boxeur ou écrivain, il prend l'apparence de tous ceux qu'il côtoie. Eudora, en psychanalysant Leonard, découvre que celui-ci souffre d'un cruel besoin d'amour…

Recette d’un bon film chez Woody Allen (en général) : c’est écrit par Woody Allen, c’est réalisé par Woody Allen et c’est joué par Woody Allen. La touche qui fait la différence ? Une compagne qui sert d’actrice de premier plan, en l’occurrence Mia Farrow.

Allen retombe donc dans la nostalgie des années 30, son époque favorite, explosion de jazz, de malfrats et de jolies pépées à Broadway. Le plus intéressant dans cette optique, c’est qu’Allen y immerge totalement son film en vieillissant volontairement les images quand il ne mélange pas fiction et images documentaires.

C’est d’ailleurs une petite surprise chez Woody, les effets spéciaux. Ici, il en profite pour installer dans des images d’époque ses personnages. Cela lui permets en l’occurrence de se moquer de tout et de tout le monde, même de lui-même en poussant le vice à apparaître derrière Adolf Hitler durant un discours antisémite. Une réflexion sur sa condition de Juif sublime, la pensée d’un artiste qui décide de rire de tout et de tout le monde, puisque bien évidemment il va troubler la manifestation nazie… Dans le genre, personne n’a jamais osé franchir ce pas ; Woody Allen lui se le permet et avec une classe et un brio qui confine au génie.

Pourtant, si l’œuvre apparaît drôle de prime abord, il ne faudrait pas en oublier son message anarchiste : c’est dans la conformité que l’Homme perd son âme et, par conséquent, une vie digne. En effet, en s’adaptant à son environnement pour mieux le ridiculiser (une séance de psychologie par Allen, ça vaut vraiment le détour !) Zelig ne gêne pas, mieux il fascine ; inversement, redevenu normal, autrement dit sociable (et tout aussi conditionné par le monde) il lui arrive les pires ennuis qu’un homme puisse avoir. En ce sens, Zelig se rapproche d’œuvres comme Orange Mécanique ; la remise en question de savoir qui est dérangeant ou non entre un individu unique dans un monde qui ne lui convient pas rejoint quant à elle Vol au-dessus d’un nid de coucou.

Zelig est également une sorte de retour aux sources pour Allen qui reprend le même principe narratif que pour Prends l’oseille et tires-toi !, c’est-à-dire un mélange de scènes continues et de témoignages, même si ici il n’y a pas vraiment de scènes de dialogues : le tout est un documentaire, comme si Zelig avait réellement existé.

Bien entendu, les acteurs sont géniaux, autant que le scénario qui, sur un thème sous-jacent grave (le conformisme est obligatoire pour qui ne veut pas être jugé comme une « chose ») reste très drôle, même dans des moments qu’on aurait pu redouter tendus (le discours d’Hitler notamment, tourné en dérision de manière magistrale).

Une œuvre sublime donc, résolument anarchiste de la part d’un cinéaste lui aussi anticonformiste, qui à l’aide de ses thèmes de prédilection fait une véritable défense à la différence entre chaque homme : une œuvre universelle et prodigieusement subtile.

Note : *****

dimanche 6 novembre 2005

The Matrix


Une des dernières grandes révolutions cinématographiques que ce Matrix.

Attention, une révolution esthétique, parce que pour le reste…

Mais reprenons depuis le début. Je ne vais pas répéter l’histoire car maintenant, tout le monde la connaît, cette lutte entre l’Homme et la technologie à travers un Elu qui nous sauvera de la domination électronique (tiens prends ça dans les gencives Bill on a fini de se laisser dominer !!!! Euh je m’égare là…)

En 1999, sortie du film, on doit reconnaître que c’était LA claque de la fin de siècle : un style néo-futur et quasi-punk, des effets spéciaux sidérants et un scénario qui ne voulait plus divertir le spectateur mais le faire réfléchir. Il est vrai que dans le cyber-style, on avait encore rien eu de consistant à ce mettre sous la dent. Alors quoi de mieux que l’explosion démocratique d’Internet pour parler des dangers de l’ordinateur ?

Soyons réalistes, si le film tient encore le coup, ce n’est plus tant pour ses effets spéciaux mais pour son importance dans la naissance du mouvement cyberpunk, genre cinématographique déjà pantelant soit dit en passant. Dans la même veine d’un cinéma anarchiste et bouffé par les effets visuels, Fight Club reste de loin la référence absolue et semble l’être pour encore très longtemps.

Vient alors la grosse déception : le scénario. Enfin j’exagère, ce n’est pas une si grosse déception que ça. Il est très bien construit, dense et tient la route. L’ennui, c’est qu’on sent l’arnaque à plein nez ! Je m’explique : le plagiat est monnaie courante dans le cinéma, nous le savons et l’acceptons tous. Certains en ont même fait leur outil de travail. Mais là où un Tarantino reconnaît en toute amertume le pillage, les frères Wachowski se la jouent prétentieux et se targuent d’avoir tout inventé. Tout au plus ont-ils subi quelques influences et se sont-ils inspirés d’œuvres préexistantes, mais cela s’arrête là. Pourtant, à y regarder de plus près, ce n’est plus de l’inspiration mais de la copie conforme. Entre les clins d’œil amusants (Alice au pays des merveilles) et le blasphème artistique (la Bible), difficile de se prononcer – et d’apprécier. On accepte la copie conforme (Matrix n’est qu’une application cybernétique de certaines philosophies orientales comme le Yin et le Yang ainsi que d’autres philosophies grecques) mais pas le vol pur et simple d’œuvres phares comme Ghost in the shell auquel Matrix reprend les idées, la forme, le fond. Le film pille aussi le cinéma asiatique pour ses combats, profitant d’une vague de succès comme Tigre et dragon pour utiliser à outrance des scènes de combats câblées. D’une part ce n’était vraiment pas utile, d’autre part cela fait 20 ans que l’Asie faisait du boulot comme ça, et avec beaucoup plus de classe (la série des Il était une fois en Chine). Evidemment, tout cela pourra échapper (et a échappé) à une majorité du public, d’une audience d’un soir qui sitôt le film vu, sitôt oublié.

Pourtant, Matrix premier du nom est un régal, notamment pour ses acteurs qu’il ressuscite avec assez de classe ; on est très loin de grands acteurs (désolé Keanu mais tu seras jamais un génie de l’interprétation…) mais on a connu bien pire. Non le vrai charme du film, c’est son style, sa marque qui le distingue des autres : costumes qui en jettent, ambiance décontractée, aspect cool malgré le danger… Rien de tel pour séduire le jeune public.

Un peu comme La guerre des mondes, Matrix est surtout intéressant au niveaux de ses effets tant sonores que visuels : la fusillade du bâtiment est à ce propos tout à fait impressionnante. L’effet bullet-time lui était véritablement surprenant, et l’arrêté sur image accompagné d’un mouvement de caméra est devenu un incontournable dans le cinéma d’action actuel. Si on peut juger de la popularité d’un film au nombre de parodie qu’il subit, Matrix est certainement le plus grand film de son époque.

Un film plus intéressant au niveau historique qu’au niveau du contenu donc, pourtant petite perle du cinéma SF qui, s’il commence déjà à vieillir, reste un très bon moment d’action et de pseudo-réflexion.

Note : ****

Matrix Revolutions


Une fin digne mais pas extraordinaire pour une trilogie inégale que ce Matrix Revolutions.

Il faut dire que face à l’échec critique de Matrix Reloaded, les frangins devaient s’en sortir en beauté. Et comme il n’y avait plus grand chose à dire d’utile après Reloaded, ben on va se focaliser sur un final monstrueux d’effets spéciaux et d’action.

Et là, on ne peut pas dire qu’on soit volé question batailles dantesques !

C’est d’ailleurs cette fois le souci du film : la concentration sur les scènes de batailles et la place réservée aux émotions passée à la trappe.

Finis donc la remise en question de Néo, le scepticisme des autorités de Sion, la foi inébranlable de Morpheus, l’amour infini de Trinity… Place à l’invasion de Sion, le combat final de Néo et Smith !

Bon, ok les effets spéciaux sont une fois de plus remarquables, ok c’est de l’inédit, ok on pourra jamais refaire ça, et gnagnagna et gnagnagna… Au bout de trois films, ça devient lourd non ?

D’autant qu’en ayant critiqué les deux opus précédents, on ne sait trop quoi rajouter… Matrix normal, Reloaded ou Revolutions, ça revient au même finalement.

Petit avantage : pour les frères, Revolutions doit représenter la mort (Matrix étant la naissance et Reloaded la vie) ce qui implique une noirceur plus poussée que dans les autres films.

Voilà, c’était le seul intérêt.

Car inutile de se voiler la face, Revolutions est le rattrapage de Reloaded, tout simplement ; autant Reloaded était bavard et poussait à une pseudo-réflexion, autant Revolutions est un enchaînements de scènes de bastons, d’anthologie je l’accorde.

Cette fois donc, on ne s’ennuie plus autant qu’avant même si on fini par se lasser de l’invasion de Sion. On éprouve aussi de l’amertume dans le combat métaphorique de Néo et Smith, qui semble fade par apport à celui du métro du premier Matrix.

Pour le reste, rien ne change : scénario correct bien que tombant dans le sentimentalisme par moments, acteurs corrects aussi même si Keanu Reeves semble plus que jamais en phase avec son personnage, effets spéciaux impressionnants mais lassants…

Bref, on peut affirmer que Revolutions se situe au-dessus de Reloded, sans pour autant atteindre la claque donné par Matrix premier du nom, qui reste à ce jour le film le plus captivant, réussi et intéressant de la trilogie.

Note : ***

Matrix Reloaded


Une suite décevante et vraiment pas nécessaire, voilà ce qu’est Matrix Reloaded.

Bon, faut dire qu’à l’époque, on se remettait doucement de la grosse claque de Matrix. On avait fini par digérer l’effet de mode mais le film n’était pas encore sorti des mémoires, donc c’était la période idéale pour sortir une « suite prévue depuis le début ». Pardonnez mon scepticisme mais selon moi, il est de mise…

En plus, les frères Wachowski et tonton Joël Silver avaient bien appris leurs leçons : on ne disait absolument rien à la presse, on faisait croire à des cinéastes hyper artistes genre « je m’isole chez moi et me concentre à fond sur mon travail qui prendra des mois histoire de me la jouer à la Kubrick, le genre réalisateur parano limite schizo mais bourré de talent ». Soit, ça ne nous dérange pas. Le coup du « en plus on a pas aimé du tout les vilains méchants qui ont parodiés notre chef-d’œuvre donc on va faire des effets spéciaux I-N-I-M-I-T-A-B-L-E-S pour bien se la péter » était une jolie astuce marketing aussi, qui d’une part faisait fantasmer les fans purs et durs, d’autre part laissait entrevoir aux autres un film encore plus marquant que le premier.

Voilà donc la nouvelle claque des frangins qui sort sur les écrans… Et il est de fait que chose promise chose due, on reçoit une gifle… humiliante. Quelle déception !

Bon, point positif, les acteurs semblent un peu plus dans leurs personnages… Faut dire qu’avec le temps et surtout le succès, ils se sont rendus compte que c’était les chances de leurs carrières.

Vient ensuite les fameux effets spéciaux… Bon, force est d’admettre qu’on est pas volé sur la marchandise. En cela, deux scènes marquent les esprits : la première, la plus célèbre du film, voit un Néo au sommet de son talent affronter pas moins de 100 agents Smith en même temps ! Une prouesse technique remarquable qui, même si elle n’est pas parfaite (on se rend souvent compte des personnages 3D et les vrais acteurs) reste impressionnante.

La deuxième scène est la poursuite sur autoroute qui elle est un véritable moment de bravoure.

Et voilà pour les points positifs. Vous avouerez que c’est maigre.

Alors quels sont les problèmes ? Eh bien commençons par le scénario. Je ne vais pas reprendre les commentaires sur les copier-coller des frères mais je m’attarderai sur le récit en lui-même : autant le premier Matrix équilibrait parfaitement réflexion et action (ce qui faisait sa force) autant Matrix Reloaded est long, long, long. Sur 2h20 de films, on peut compter 30 minutes d’action et 1h50 de blabla. Si encore c’était de l’intéressant, passe encore, mais on parle beaucoup pour ne rien dire, on se la joue pompeux et on emploie des tas de termes qui font bon genre. Certains retournements sont intéressants (la vraie utilité de Néo par exemple) mais bon, dans l’ensemble ça passe inaperçu…

Et puis il y a cet aspect marketing un peu rebutant, le genre de détails qui sont un peu flous pour qui n’aurait pas vu la série Animatrix : dérangeant.

Vient finalement un surplus d’effets spéciaux, qui malgré leurs réussites dans l’ensemble finissent par lasser, et enfin les trop brèves apparitions de Lambert Wilson et Monica Bellucci qui viennent rajouter un peu d’humour dans ce monde aussi froid qu’un logiciel…

Une déception sans nom donc, même si c’est moins pire que ce que l’on a proclamé ; on en est juste à se demander si le film était vraiment écrit comme ça au départ ou si l’appât du gain a été plus fort que la raison…

Note : **

dimanche 23 octobre 2005

Alexandre


Le premier péplum signé Oliver Stone que cet Alexandre… Une déception !

Pourtant, tout concordait à un très bon film : grandeur et décadence d’un héros bigger than life, d’un général d’armée novateur et d’un conquérant n’ayant d’égal que les Dieux eux-mêmes… Sauf que comme souvent, Stone a dérapé et plombé un récit prometteur.

Première erreur : Colin Farrell !!! Loin de moi l’idée de critiquer cet acteur intéressant, qui s’il s’y mets plus sérieusement pourra connaître une très belle carrière ; mais cette fois, c’est sans moi. Pour profiter un maximum de son nom, on le colle le plus vite possible dans le film (vous trouvez qu’il fait ado de 16 ans à sa première apparition vous ?) et pour se la jouer « transformation ultime comme chez les vrais acteurs genre Brando ou De Niro », on le transforme en… blond ! En effet, quelle performance ! Non seulement l’effet est nul (au final, on se moque pas ml de la couleur de cheveux d’Alexandre), mais en plus ridicule, ce qu’il ne fallait vraiment pas à Farrell. En effet, Farrell est un bon acteur quand il le décide, mais pour le moment il n’est pas un acteur complet ; ainsi quelle farce de le voir simuler la colère ou la tristesse avec autant de conviction et de réalisme qu’un concombre ! Désolé les fans, mai Colin la tragédie c’est pas son rayon, du moins cela ne l’est plus à cause de l’image qu’il s’est lui-même collé de rebelle je-m’en-foutiste ; autant Tigerland lui collait à la peau, autant Phone Game restait vraisemblable autant Alexandre prouve que Farrell a ses limites. Dommage car par moments, on a tendance à y croire à son personnage, mais hélas cela tourne souvent court, un peu par la faute de Stone qui jauge mal spectacle et fresque intimiste. Pourtant, c’est dans l’intime que Farrell sauve quelque peu les meubles, dans cette passion homosexuelle qu’il vit avec Jared Leto, lui impeccable en compagnon d’enfance un peu naïf. A noter un reste de casting superbe : Val Kilmer magnifique en roi défiguré et immonde, Angelina Jolie en reine cupide et oedipienne et un Anthony Hopkins hélas trop rare et un peu inutile…

On espère dès lors un scénario intéressant… Et hop, une erreur de plus ! Si on peut apprécier que le film ne se soit pas uniquement focalisé sur des scènes de batailles dantesques, on regrettera cependant de ne pas pouvoir en profiter un petit peu plus ! Alexandre le Grand, c’était certes une personnalité trouble mais c’était surtout un formidable stratège alors zut ! Et si quelques jolis moments viennent donner au film une dimension intéressante, le tout reste gâché par le souci de Stone de proclamer « voyez comme je suis un scénariste brillant, je critique encore des tas de choses !!!! » ; on regrettera ainsi un final bâclé, sous-entendant que le pouvoir réveille chez l’homme les pires convoitises ; merci Oliver mais ça on le savait.

Heureusement Alexandre reste agréable pour certains éléments : par exemple la mythologie est respectée et joue même un rôle prépondérant dans la vie d’Alexandre : enfin un péplum qui se soucie de ça ! La scène de bataille avec les éléphants reste aussi un joli moment de bravoure, même si à un moment on tombe dans la facilité… Il faut aussi reconnaître qu’Alexandre est un des rares péplum à s’intéresser d’aussi près à l’ambiguïté des relations humaines de l’époque : syndrome oedipien entre Alexandre et sa mère, bisexualité… Le tout sans tomber dans l’excès ou le voyeurisme.

Au final, Alexandre est un film mal travaillé, trop long, mal équilibré, qui aurait pu, avec un scénariste plus doué et une réalisation moins égocentrique (Stone reste un cinéaste qui se surestime depuis son succès de Platoon et Né un 4 juillet soyons honnêtes), avoir une toute autre dimension ; un essai intéressant mais raté.

Note : *

The Village


Une semi-réussite de la part de Shyamalan que ce Village.

Il faut dire qu’avec son Sixième sens, Shyamalan avait bluffé tout le monde, son film atteignant les sommets tant au plan du scénario que de la réalisation. Et il faut dire que depuis, la polémique fait rage à chacun de ses films. Pas d’exception ici, du moins pour moi.

Reconnaissons-le, Shyamalan est un brillant technicien. Au fil des années, l’influence d’Hitchcock se fait sentir, c’est évident, mais elle le fait avec classe et même avec brio. Avec Le village, Shyamalan confirme ses dons de metteur en scène : une direction d’acteur irréprochable, une ambiance distillée avec soin et génie, une utilisation des couleurs magistrale, un cadrage exemplaire.

Où est le problème alors ? Eh bien une fois de plus, dans le scénario. Où est donc passé le génie de Sixième sens ? A la rigueur, on aurait encore accepter un Incassable mais là… Bon, soyons honnêtes, on est loin de la facilité et de la bondieuserie finale de Signes, mais tout de même. Il y avait pourtant une volonté de la part de Shyamalan de renouveler son style, on le sent, preuve avec cette révélation qui arrive après 1h20 de film ; exercice périlleux s’il en est mais grandiose quand il est réussi. Malheureusement, ça ne marche pas, et ce pour plusieurs raisons :

1) N’est pas Hitchcock qui veut, et vouloir retrouver la magie de La mort aux trousses (où le fond de l’histoire était dévoilé au bout de 40 minutes) est une chose très difficile pour laquelle il faut, en plus d’un réalisateur d’exception, un scénario fort.

2) Shyamalan trouve bon également de relancer la polémique des monstres après la révélation, mais hélas, ceux qui auront été un peu attentif au film verront tout de suite l’arnaque et seront déçus.

Nul doute que Shyamalan a voulu bien faire (aborder la peur d’un environnement que l’on côtoie fréquemment) , et dans l’ensemble est resté fidèle à ses thèmes de prédilection (les faux-semblants, la cupidité de l’homme, le don extraordinaire d’un être unique…) mais hélas, il y a une sorte de relâchement difficile à accepter de la part d’un tel artiste.

Ce qui est dommage, car en plus d’une réalisation impeccable, les acteurs sont fabuleux : Bryce Dallas Howard transcende littéralement l’écran non seulement de sa beauté mais en plus de son talent (ce qui change de son père… oups pardon je m’égare), Joaquin Phoenix en introverti est plus qu’acceptable, Adrien Brody en handicapé mental est également très bon, William Hurt en chef de village est magnifique et Sigourney Weaver montre qu’elle n’a rien perdu de son charme.

A noter pour finir des costumes splendides.

Un film envoûtant, captivant, preuve que Shyamalan est un futur Maître du cinéma mondial ; dommage qu’il ne nous réserve plus des retournements comme il en a si bien créé auparavant…

Note : ***

samedi 15 octobre 2005

Old Boy

Une petite bombe made in Corée que ce Old Boy.

Présenté au Festival de Cannes en 2004, présidé par Quentin Tarantino, le film reçoit le Grand Prix avant d’entendre par Tarantino lui-même que « le film a failli obtenir la Palme, à deux voix près. ». On pouvait donc s’attendre à quelque chose de bon… Et c’est le cas !

Old Boy, c’est la sombre histoire d’un quidam qui se voit kidnappé, séquestré pendant 15 ans et relâché sans raisons. Enfin pas tout à fat, car son bourreau a décidé de jouer encore un peu avec ses nerfs avant d’en finir…

Il faut savoir qu’Old Boy est adapté d’un manga très célèbre au Japon, d’où son esprit très guignolesque et effets à outrance. Pourtant, malgré toutes les fioritures de la mise en scène, on finit par tomber sous le charme.

Il faut dire que beaucoup de choses y aident : d’abord, les acteurs. Fabuleux, relativement sobres pour un continent qui mise souvent sur le sur-jeu, les interprètes, tant principaux que secondaires, sont très agréables à regarder ; à noter le magnifique Choi Min-Shik qui porte à lui seul le film vers les sommets : tantôt explosant d’émotions, tantôt tout en intériorisation, il a réussi à capter l’aura torturée de son personnage pour la transcrire à l’écran, et c’est véritablement saisissant.

Ensuite la mise en scène, qui bien qu’elle revêt par moments des aspects jeux vidéos, reste de très bonne facture : Park Chan-Wook réussi en effet à mélanger habilement émotions, humour et action. En usant de quelques effets réussis, il donne même au film une touche particulière, une sorte de tragédie shakespearienne poétique, un humour caustique en plus. Vient également le problème de la violence, qui a causé au film de sérieux ennuis : à ceux qui pensent cela, je le dirai de regarder le film à deux fois. En effet, la violence est accessoire dans ce film, Chan-Wook éloignant toujours sa caméra du sujet, à l’instar de la scène où Min-Shik arrache les dents avec un marteau ou la fameuse scène du coupage de la langue, proche dans le style de la scène de l’oreille de Reservoir Dogs ; Chan-Wook cadre juste les yeux, rien de plus, donc où est l’horreur ? Plus dans l’esprit de la scène que la scène elle-même. Tout ce qui pourrait choquer, c’est la scène du couloir, et voilà qu’elle est filmée de loin, comme pour prendre ses distances face à la réalité, la violence, et souligner que ce que nous voyons tient plus de l’imaginaire (esprit beat’em up) que du réel.

Et que serait le film sans son scénario ? Pas grand-chose, même si le final peu paraître désuet. Désuet en apparence seulement, car il relève bien plus que d’un scénario conventionnel, que ce serait contenté de l’idée de départ pour faire un bon gros film de baston sans queue ni tête. Seulement Park Chan-Wook, c’est du cinéma d’auteur, et son film se dirige au fil du temps vers le drame quasi-intimiste, vers une tragédie quasi-antique, même vers de la métaphore : Oh Dae-Soo veut se venger de celui qui l’a privé d’une vie normale, son tortionnaire fait de même. Le drame atteint son paroxysme sur la fin, à la suite du dernier des rebondissements (car il y en a). Sur le thème de la vengeance, Old Boy est probablement l’un des films les plus fins, les plus humains, les plu essentiels. On regrettera uniquement une petite facilité du scénario dans son dénouement final…

Un très bon film donc, une véritable bouffée d’air frais en provenance de l’Asie, et l’œuvre d’un cinéaste qui, s’il commet encore quelques erreurs, peut se vanter d’être l’avenir du cinéma coréen et un des piliers du cinéma asiat’ moderne ; du grand art.

Note : ****

mardi 11 octobre 2005

Harry dans tous ses états (Deconstructing Harry)


Woody renoue avec ses thèmes de prédilection : les psys, les amours ratés… le tout dans une vision très subjective et fantasmée de l’histoire.

Premier plaisir du film, c’est bien évidemment Woody Allen lui-même ; qui d’autre que lui peut incarner sa propre personnalité ? Dans le rôle d’Harry, il n’est qu’un amant dépassé, un compagnon adultère et surtout un écrivain en panne d’inspiration. Il faut dire que ses histoires, il va les chercher dans le passé, en intégrant ses propres aventures sexuelles qui tournent au désastre – et à la franche rigolade.

Dans son ton débridé et dans son récit bourré de flash-back, Harry dans tous ses états fait un peu penser à Annie Hall ; mêmes préoccupations, même style. Ainsi, il est surprenant et hilarant de voir Harry adolescent (sous les traits du jeune Tobey MacGuire) choisir l’appartement d’un ami pour en faire une garçonnière et usurper son identité, sauf qu’après le sexe sonne à la porte la Mort qui vient le chercher ! Un quiproquo parmi des dizaines d’autres et rares sont ceux qui ne vous arrache pas au minimum un large sourire.

Il faut dire que dans le casting, Allen ne s’est rien refusé : Demi Moore, Tobey MacGuire, Robin Williams, Billy Crystal, Stanley Tucci… Avouez qu’on peut rêver pire. Et tous sont fabuleux.

Entre Robin Williams qui devient flou ou Billy Crystal qui n’est autre que la réincarnation du Diable qui vient voler sa fiancée (et qui sent le souffre), on ne peut conserver son sérieux un seul instant.

Point de vue réalisation, Woody fait dans le sobre, mais passe néanmoins à une étape rare dans ses films : les effets spéciaux. On ne s’en plaindra pas cette fois car ils sont peu nombreux et n’influent en rien le déroulement de l’histoire.

C’est surtout au niveau du scénario, magnifiquement tourné, qu’Allen explose, tout comme un final métaphorique au possible, où Allen se voit applaudir par tous les personnages qu’il a créé ainsi que par toutes les personnes qu’il a perdu, que ce soit femmes, enfant ou amis… Une manière égocentrique d’applaudir son génie, comme si Allen en regardant derrière lui et sa filmographie, se disait qu’il est temps de passer à autre chose… Ce qu’il a fait, puisque ses films suivants furent loin d’être aussi bons que ceux des années précédentes…

Un véritable moment de bonheur donc, jubilatoire de bout en bout.

Note : ****

mercredi 5 octobre 2005

Mr & Mrs Smith


Un film simple mais efficace que ce Mr & Mrs Smith.

Prenons la trame de base : un couple heureux ou presque se cache un secret : ils sont tous deux tueurs à gages concurrents. Au programme : humour, action, romance.

Ne tournons pas autour du pot, Mr & Mrs Smith n’a vraiment rien d’original : le scénariste a pondu une histoire énorme, prétexte à une suite de gags et de scènes d’action spectaculaires (que demander de plus au scénariste de XXX² qui a écrit le scénario de Mr & Mrs Smith alors qu’il n’était encore qu’un étudiant de cinéma ?), sans compter que la triple influence du film est frappante : d’une part True Lies pour l’aspect menteur et tueur décontracté des personnages, de l’autre l’aspect guerre au sein du couple glamour style Guerre des Roses ; enfin, l’hommage au film éponyme d’Alfred Hitchcock connu aussi sous le nom de Joies matrimoniales. Alors pourquoi voir ce film ?

Eh bien surtout pour ses acteurs. Ne nions pas les faits : en plus d’être des acteurs doués, Brad Pitt et Angelina Jolie ont des courbes et des gueules qu’on aime. De plus, ces sex-machine sont devenues au fil des années des stars quasi-divines, alors pourquoi ne pas suivre l mythologie et faire affronter ces dieux de l’image ? Sans compter qu’ils ont de l’humour à revendre (mention spéciale à Brad Pitt qui joue vraiment l’humour alors que Jolie reste quand même sur le sexy). Et on ne peut s’empêcher de savourer chacune de leurs apparitions simultanées à l’écran, qui trouvent leurs apothéoses dans deux scènes jubilatoires (le dîner de la révélation et la lutte dans la maison). Pour clôturer le casting, Vince Vaughn en bon pote accessoirement patron d’une usine de meurtrier se la joue gros beauf et ça lui va à la perfection.

Ensuite la réalisation de Doug Liman : se rendant bien compte que son scénario ne vaut pas grand-chose, il mise tout sur son génie de l’action. Il faut dire que depuis La mémoire dans la peau on pouvait attendre beaucoup. Et on est mécontent de voir qu’il a conservé pas mal de sa forme. Bien sûr, Liman commet quelques erreurs assez flagrantes (surtout dans les raccords) et abuse un peu trop des effets spéciaux mais dans l’ensemble cela reste de bonne facture.

Ce qui offre surtout au film ce gage de plaisir, c’est qu’il se sait d’office faible scénaristiquement ; l’autoparodie est donc un parti pris nécessaire pour Liman qui l’a très bien compris et l’adopte sans honte : au final, un film d’action (dont les scènes sont admirablement orchestrées, reconnaissons-le) qui se sait gros comme une maison (la gunfight finale, jolie mais un peu abusée…) mais qui s’assume.

Conclusion : Mr & Mrs Smith, c’est simplement la machine à fric made in Hollywood, le blockbuster de l’été qui doit engranger plusieurs millions de dollars sauf qu’ici, on retrouve des éléments manquants dans d’autres films du genre : un casting qui visiblement s’amuse à faire le film, un réalisateur qui connaît son métier, un humour constant et un tempo d’enfer qui finit par pallier l’invraisemblance du scénario : Mr & Mrs Smith, où le standard financier qui s’assume dans la joie et l’allégresse.

Note : ****

samedi 1 octobre 2005

Batman


Le film de consécration pour Tim Burton que ce Batman.

En effet, c’est avec ce film que ce cinéaste génial et original a réussi à rentrer dans cette classe très limitée des réalisateurs dits « auteurs » et commerciaux.
Après le désopilant et très surprenant Beetlejuice, Burton retrouve donc Michael Keaton pour adapter au grand écran l’un des plus célèbres justiciers du monde des comics. Tâche difficile la chauve-souris ayant connu moult et moult adaptations auparavant, dont une série très kitsch dans les années 60.

Mais c’est ben mal connaître Tim Burton que de l’enterrer avant la sortie du film. Ainsi, il annonce un casting de rêve : Michael Keaton, Jack Nicholson en bad guy bien excentrique comme il faut et une Kim Basinger en reporter trop fouineuse et amoureuse.

Et voilà que le film commence comme on pouvait l’espérer : une ambiance bien sombre, un Gotham City mal famé, en proie à la violence et au crime. C’est ainsi qu’en quelques minutes, Burton installe une ambiance malsaine, une atmosphère empreinte d’étrange, de ténèbres et parfois d’ambiguïté ; le parallèle avec le personnage de Bruce Wayne est frappant.

Thème important du film : la personnalité. La plupart des personnages, et pas seulement Batman, se voit donc empreints d’une double facette qui leur convient à souhait : chacun, en revêtant quelque masque que ce soit (Batman celui de la chauve-souris, Joker celui du clown) se sent comme libéré, non seulement de sa vie passée ou privée mais également de toute morale qui peut conduire à un chaos énorme. Car Burton l’a compris, Batman n’est pas un ange, loin de là, et l’aversion grandissante qu’il éprouve pour Joker finit par le transformer, aux yeux de la loi, en un criminel, mais qu’on accepte de pardonner vu sa victime, l’immonde méchant qu’est tout vilain à vouloir faire le mal.

Dans leurs rôles, les acteurs sont très bons, notamment Michael Keaton qui sera pourtant encore meilleur dans le deuxième épisode, toujours réalisé par Tim Burton, mais surtout Jack Nicholson qui retrouve la psychologie dérangée d’un personnage dément qui a fait en grande partie sa popularité ; un retour aux sources de Shining presque. Et il faut reconnaître qu’il excelle dans ce registre, le tout encore amélioré par des répliques cinglantes et des attitudes frappadingues.

Ce qui séduit dans Batman, c’est que Burton a réussi à garder dans ce film de commande tout son génie : c’est ainsi qu’on retrouve, en plus d’une esthétique sublime, soutenue par une photographie exemplaire, Burton impose sa touche à travers notamment des inventions visuelles géniales, un humour très burtonien et des références culturelles encore et encore.

Batman, en fin de compte c’est un peu le divertissement haut de gamme, le parfait petit guide de l’adaptation comics réussie, et qui malgré quelques défauts se laisse facilement regarder quand on veut passer une bonne soirée.

Note : ***

lundi 19 septembre 2005

Sueurs froides (Vertigo)


Un des films les plus étranges, pour moi, d’Alfred Hitchcock que ce Vertigo.

En effet, le maître du suspens quitte quelques instants la réalité, bien qu’il la déformait souvent au profit de situations invraisemblables, pour s’introduire dans le fantastique : cette mystérieuse blonde est-elle réellement la réincarnation d’une femme ayant vécu des années auparavant ?

Bien sûr, ceci n’est que prétexte à une série de fausses pistes comme les créait si bien le maître Hitchcock, et vers la moitié du film on comprend enfin le vrai sens de l’intrigue ; c’est peut-être là que le film déstabilise le spectateur, contrairement à La mort aux trousses : dans ce dernier, on pouvait encore se demander comment Cary Grant allait rétablir sa vie, ici le sort en est jeté pour James Stewart, quoi qu’il fasse.

A noter d’ailleurs, cette interprétation transcendante de Stewart, qui n’incarne pas son personnage mais EST cet ancien flic souffrant de vertiges. C’est ainsi qu’au début, on le sent sceptique quant à cette histoire, preuve avec sa filature pas vraiment discrète ; puis interviennent ses problèmes de vertiges qui le replongent dans une haine envers lui-même. Puis quand il retrouve l’amour de sa vie, le voilà perdu cette fois dans les vertiges de la passion.

Parce que c’est ça Sueurs froides, c’est un film sur les vertiges quotidiens, provoqués par notre perception parfois faussée de la réalité : qu’est-ce qui est réel et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Comment les choses se sont-elles vraiment passées ? Y a-t-il une vie après la mort ? Et perdre un être cher, n’est-ce pas là une certaine forme de mort ?

Bien sûr, Vertigo est aussi un sommet technique dans la carrière d’Hitchcock, non seulement au niveau de son sens du cadrage et de la composition de plan, mais aussi de la photographie qui confère au film une aura mystique et, surtout, pour cet effet repris des centaines de fois depuis : la distorsion de l’espace. En effet Hitchcock se demandait comment faire passer un vertige à l’écran de manière subjective, et c’est ainsi qu’il eut l’idée fabuleuse de filmer une maquette avec un double mouvement caméra-zoom (en gros, un zoom arrière pendant que la caméra faisait un travelling avant) ce qui créait à l’écran une perte de perspective saisissante ; depuis, cette technique a surtout été utilisée pour montrer une distance par rapport à la réalité, notamment chez Kassovitz (La haine) et surtout chez Scorsese (Raging Bull, Les affranchis…).

Un film signé Hitchcock était souvent synonyme de grand film ; ici, Sueurs froides montre que Hitchcock est probablement le plus grand cinéaste de tous les temps. Un immense chef-d’œuvre qui fini par donner… le vertige…

Note : *****

La rose pourpre du Caire (The Purple Rose of Cairo)


Immense film du génial Woody Allen que cette Rose pourpre du Caire.

Tout commence donc dans un New-York des années 30, en pleine crise socio-économique où Cecilia trouve refuge à une vie triste et un époux exécrable dans un cinéma de quartier. Mais voilà qu’un jour, un héros de film sort de l’écran et enlève Cecilia…

Vous l’aurez compris, Allen privilégie cette fois le fantastique pour lancer son histoire. Pas de philosophie, pas de métaphysique, pas de sexe, même pas de Woody acteur dans ce film, simplement une histoire d’amour.

Enfin, des histoires d’amour pour être précis. En effet, il y a d’abord l’amour entre Cecilia et le cinéma, auquel elle se rend tous les soirs ; il y a ensuite l’amour entre Cecilia et Tom Baxter, le personnage sorti de l’écran ; il y a surtout l’amour de Woody Allen pour le cinéma d’antan.

Il est difficile de ne pas observer l’amertume de Woody Allen dans ce film : lui qui rejetait à l’époque les cassettes vidéos (et aujourd’hui, son animosité s’est tournée vers le support DVD…) estimait qu’un film ne pouvait, ne devait être vu qu’au cinéma, dans cette ambiance feutrée et où chacun oubliait sa vie l’espace d’un film. C’est ainsi que durant tout le film, le cinéma tient une place prépondérante dans la vie des gens.

Bien sûr, Allen est et reste un comique, et les moments drôles sont légions dans ce film ; on retiendra peut-être plus particulièrement ces disputes entre public et acteurs à l’écran ne pouvant continuer le film sans leur collègue : original et jubilatoire !

Par moments également, Allen pose une réflexion sur le cinéma en général : que serait un film sans acteurs ? Les scénaristes sont-ils vraiment les dieux des films ? Un rôle peut-il compter tant que ça dans la suite de la carrière d’un acteur ? Des questions auxquels Woody ne nous convie pas toujours mais auxquelles il répond avec tant de grâce et d’humour qu’on lui pardonne. Là où Woody nous pousse à bout, c’est dans son final : toute cette histoire était-elle réelle ou Cecilia s’est-elle simplement endormie durant le film pour se réveiller au film suivant ?

Dans leurs rôles, les acteurs sont tout simplement fabuleux : Mia Farrow en spectatrice acharnée et rêveuse est sublime ; Jeff Daniels dans un double rôle quasi-opposé est génial, à la foi personnage fictif à l’esprit aventurier et acteur un peu opportuniste ; enfin, Danny Aiello en époux sauvage et libertin est le stéréotype même de l’immigré Italien des années 30, mais un stéréotype tourné à la sauce Woody ce qui le rend plus caricatural et drôle que méchant.

Reste donc Woody Allen à la plume et à la caméra, aussi habile et maître de son art dans l’un comme dans l’autre ; c’était encore la belle époque d’Allen et ça se sent. On regrettera juste de ne pas le voir à l’écran cette fois…

Un film magique et poétique, nostalgique et comique où le talent de Woody Allen est, une fois de plus, confirmé ; ce qu’il faudrait maintenant, c’est qu’il refasse des films de cette trempe…

Note : ****

jeudi 15 septembre 2005

Conversation secrète (The Conversation)


Un film quasi-inconnu et pourtant essentiel dans la filmographie de Francis Ford Coppola que cette Conversation secrète.

Voici donc Harry Caul, pro de l’écoute discrète, engagé pour espionner un couple dans la rue. Se rendant compte que les conversations sont banales, Caul se met à douter, et en analysant plus profondément la bande il découvre la préparation d’un meurtre…

Difficile de ne pas faire le rapprochement avec l’affaire du Watergate à travers cette attaque de l’espionnage auditif ; en faisant cela, Coppola montre qu’il se désintéresse de la politique, que seul son art compte : c’est l’explosion d’une liberté artistique fondamentale initiée par John Cassavetes dans la même décennie.

Dans le rôle de Caul, on retrouve un Gene Hackman magistral, tout en paranoïa et intériorisation : spécialiste de la communication, Caul n’est qu’un être introverti incapable de rester zen en public, de s’intéresser aux autres ni même d’aimer. Au fil du film, le voici plongé dans le doute, dans la douleur du passé, dans une paranoïa profonde et aigue : grâce à ce Harry dans tous ses états, Gene Hackman trouve probablement le meilleur rôle de sa carrière.

Dans sa réalisation, Coppola n’innove pas beaucoup… en apparence. Si les néophytes accuseront une mise en scène classique pour ne pas dire académique, on pourra au fil des visions remarquer ça et là des plans d’une incroyable maîtrise, à la fois intelligents et sophistiqués, symboliques et réglés au millimètre. Coppola se lance aussi souvent dans la métaphore, faisant souvent interagir l’endroit où se trouve Caul avec son état d’esprit ; un plan fantastique à cet égard reste ce plan final, où Caul joue du saxophone dans son appartement qu’il vient de réduire en miettes : le parallèle avec son état d’esprit (autodétruit) est flagrant et sublime, convenant parfaitement avec la métaphore d’un final relativement surprenant et tout à fait symbolique vis-à-vis du mode de vie de Caul…

Dans ce film sur la communication, Coppola souligne une forme exacerbée d’autisme des gens dits « normaux » ; la sociologie, thème de prédilection pour Coppola, e voit donc au centre de ce film qui, comme cité plus haut, à une connotation politique flagrante.

Un immense chef-d’œuvre donc, film phare et intense, peu spectaculaire et intelligent (bref en marge de la plupart des films de ce style) qui prouvait une fois de plus le génie de Coppola ; Cannes ne s’est pas trompé en l’honorant d’une Palme d’Or, aux spectateurs actuels de lui rendre hommage en le redécouvrant avec un œil qui a également besoin de voir des bons films américains de temps en temps…

Note : *****

dimanche 11 septembre 2005

Intolerance


Intolérance, ou le LE film-fondateur du cinéma contemporain, ni plus ni moins !

Il faut dire qu’à l’époque, D.W. Griffith connaît quelques soucis populaires : si son film précédent Naissance d’une nation a été vivement applaudi par les critiques (et est d’ailleurs considéré comme le vrai film phare du cinéma, qui posa toutes les bases du cinéma moderne), on ne peut pas en dire autant du public qui, même s’il remplit les salles ne manqua pas de souligner le caractère raciste du film (apologie du Sud pendant la Guerre de Sécession et naissance du Ku Klux Klan. Condamné ainsi par la communauté noire, interdit dans 12 états américains et exigeant de Griffith des coupes, la situation était tendue ; c’est pourquoi Griffith réalisé Intolérance pour se faire pardonner, devenant d’ailleurs le film le plus cher de l’histoire du cinéma à sa sortie en 1916.

Pour illustrer son propos, Griffith choisi quatre histoires :
1/ en 1914, un ancien malfrat se voit condamner à la peine capitale pour un crime qu’il n’a pas commis
2/ la vie de Jésus
3/ le massacre de la Saint-Barthélemy
4/ la prise de Babylone par l’armée de Cyrus en 539 A.C.N.

Inutile de souligner à quelle point les reconstitutions furent méticuleuses… Eh bien si cela mérite d’être souligné, car les décos sont vraiment démesurés : la reconstitution de Babylone est véritablement stupéfiante de réalisme ! On en vient presque à ne plus sentir que c’est un décor mais à croire que c’est la vraie ville antique.

Bien sûr, les costumes aussi sont fabuleux, semblant tout droit sortis de leurs époques respectives pour figurer dans ce film. On comprend déjà beaucoup mieux le coût du film.

Et pourtant nous ne sommes qu’au début de nos surprises. Si les reconstitutions sont fantastiques, il faut souligner le nombre de figurants qui se trouve parfois à l’écran ; ainsi durant la première bataille de Babylone un combat entre des milliers de soldats se déroulent sous nos yeux ! Et en 1916, impossible de faire appel aux effets spéciaux de qualité donc les cascades et autres attaques en masse sont bel et bien réelles. A noter aussi le réalisme saisissant pour l’époque des massacres : de l’épisode de Babylone apparaissent des décapitations, de celui de la Saint-Barthélemy des meurtres d’enfants et de jeunes filles transpercées par les sabres, de l’épisode contemporain l’intervention musclée de la police durant la grève, digne d’un Germinal.

Intolérance se profile donc comme un film fleuve (2h45) d’un réalisme incroyable pour l’époque ; mais ce n’est pas tout.

En effet, le film se pose aussi en message philosophique, en exploitant à la perfection ses thèmes de l’intolérance humaine : surtout religieuse, elle peut aussi être sociale et avoir à chaque fois des conséquences graves. Il faut par ailleurs souligner la magnifique poésie qui ressort du final, où Griffith imagine un monde sans intolérance ; pas mal pour un raciste latent.

Bien sûr, le lien entre ces quatre histoires, une jeune femme berçant son bébé, est un message métaphorique de tout beauté : on peut voir dans les mouvements du berceau une récurrence qui peut s’appliquer à l’Histoire, ce que vient souligner les quatre épisodes d’intolérance prenant souvent la même origine (avidité, religion, jalousie).

Mais comme si tout cela ne suffisait pas, Griffith réalise le triplé magique en rendant son film mémorable : déjà en 1916, tous les codes élémentaires du cinéma se retrouvent dans son film : travellings horizontaux et verticaux, zooms, fondus-enchaînés, très gros plan des visages, angles de prises de vue variés, montage alterné, montage parallèle, travail sur la durée des plans, importance accordée au montage, tout concourt à faire de ce film, extrêmement en avance sur son temps, un chef-d’œuvre éternel. Et ce n’est que justice car il faudra attendre des années avant de revoir autant de qualité réunies. Remarquons aussi les qualités de jeux des acteurs, qui pour une fois dans un film muet son très loin d’un jeu théâtral mais s’approchent déjà beaucoup plus d’un jeu moderne.

Chef-d’œuvre de la première seconde au mot fin, d’un réalisme saisissant et aux qualités techniques irréprochables, Intolérance sera le film qui conditionnera les théories de Eisenstein et de Poudovkine, influencera le cinéma américain et même mondial et rendra à Griffith une aura de génie incontesté ; même 90 ans plus tard, le film paraît plus modernes que certains films actuels c’est dire !

Note : *****

samedi 10 septembre 2005

Aliens


Voilà le retour de la vilaine bébête de l’espace dans Aliens et ça risque de faire mal !

Ce qu’on a surtout peur au début, c’est de savoir que c’est une suite du chef-d’œuvre éternel de Ridley Scott qu’on nous propose. Il faut dire que Alien premier du nom était un véritable bijou cinématographique, un renouvellement des codes du film d’horreur réalisé à la perfection. Surtout qu’on a droit à James Cameron, qui a quand même bluffé son monde avec Terminator deux ans auparavant mais bon. Heureusement, le doute est très vite dissipé !

Tout d’abord, on ne peut que tomber amoureux des effets spéciaux : comme toujours chez Cameron, ils sont d’une finesse et d’une perfection rare, toujours surprenant même 20 ans après ; pas de doutes, ce gars sait choisir ses collaborateurs.

Deuxièmement, Cameron tout en imposant sa patte ne s’éloigne absolument pas du chef-d’œuvre original : la trame de base est continue par rapport à l’épisode précédent et le design de l’Alien est respecté au millimètre, quant à la Mère-Alien elle fut construite par Cameron lui-même tout en respectant des traits de la créature originelle.

Le plus agréable, c’est que Cameron impose sa patte comme je disais : Aliens est en effet plus sombre, plus violent, plus drôle, plus psychologique qu’Alien.

Admirateur de Dante et de Freud, Cameron crée en effet un personnage de Ripley plus subtil que dans le premier, plus humain : elle a des sentiments et n’hésite pas à les exprimer, notamment à travers ses peurs, ses cauchemars, ses doutes, son instinct maternel. De ce point de vue, Sigourney Weaver trouve un personnage mieux dessiné qu’avant et n’y trouve que profit dans son jeu.

Cameron dresse aussi au passage le portrait au vitriol d’un gouvernement cupide, sans foi ni loi qu’on pourrait encore trouver de nos jours…

Point de vue angoisse, il est vrai que la claustrophobie d’Alien ayant disparue, on pourrait s’attendre à quelque chose de plus mou ; eh bien non ! Le film garde son atmosphère tendue non seulement par des passages furtifs de non pas LA créature mais bien LES créatures ; même en se débarrassant d’une centaine d’entre elles, elles reviendront, et si les personnages ne sont plus enfermés dans un vaisseau, ils sont cependant bloqué sur une planète déserte, ce qui n’est pas mieux.

Regorgeant de scènes d’action brutes, violences et sombres, Aliens acquiert plus encore de réalisme (dans le domaine de la science-fiction bien sûr) que son prédécesseur.

On regrettera juste une suite de retournements finaux dont on finit par se douter, ce qui n’enlève pourtant rien à l’extrême qualité du film. On pourra cependant remarquer, du moins est-ce mon avis, des hommages ci et là de Cameron à ses cinéastes préférés, notamment Stanley Kubrick (l’enfant de la base sur son tricycle fait penser à Shining et la sublimation des vaisseaux flottants dans l’espace à un air de poésie digne de 2001 : l’odyssée de l’espace…)

Une vraie perle comme on en fait plus donc, qui a réussi à se détacher de son modèle tout en conservant le nécessaire de références ; Aliens serait-il le meilleur de la série ? Allez, c’est dit.

Note : *****

Marche à l'ombre


Premier film en tant que réalisateur de Michel Blanc et film culte que ce Marche à l’ombre.

L’histoire, tout le monde la connaît : François, musicos au chômage et play-boy confirmé se rend à Paris avec son pote Denis, hypocondriaque et fidèle soutien dans la déche. Magouilles et autres mésaventures sont leur lot quotidien pour s’en sortir un peu…

Tout d’abord, la réalisation : honorable sans être remarquable, Blanc montre qu’il sait comment fonctionne une caméra, sait comment on compose un plan et sait surtout qu’il ne faut jamais jouer jusqu’à l’abus des mouvements de caméra ; une mise en scène tordante et une direction d’acteur juste rende donc le film très respectable.

Vient ensuite le scénario, qui ressemble plus à une suite de gags qu’à une histoire linéaire mais qu’importe, on ne peut résister bien longtemps aux situations abracadabrantes dans lesquels se foutent les deux compagnons, entre la manche près du ciné ou les soirées africaines dans un quartier délabré et mal fréquenté, ça se suit sans se ressembler et ça on aime. Il faut dire aussi que les dialogues, signés (et ça se sent) par Blanc lui-même, sont exquis comme jamais ; c’est de la répartie choc, c’est du dialogue absurde, ça devient immédiatement culte (« j’ai du mal à parler, parce que j’ai les dents qui poussent… »).

Bien sûr, le plus haut sommet du film est ce duo improbable de Lanvin-Blanc, le grand costaud beau gosse et le petit maigrichon à la moustache plus touffue que ses restants de cheveux. Ca se complète, ça s’amuse l’un l’autre et donc ça nous amuse nous aussi. Au point de regretter, fait rare, que le film n’aie pas connu de suite. Et comme si ça ne suffisait pas, la magnifique Sophie Duez vient compléter le casting de sa sublime présence (et plastique).

Marche à l’ombre, c’est aussi le film français phare des années 80, pile-poil dans l’esprit de cette décennie pas forcément joyeuse : on a droit à du Téléphone, du Renaud et on aime. On peut également y découvrir une peinture acide d’une société égoïste, où naît le racisme, la libération des mœurs d’une partie ciblée de la population, bref la naissance d’une France actuelle qui n’a pas tellement changée en 20 ans ; qu’importe puisque Blanc dit ce qui ne va pas mais souligne surtout ce qui va, et ça ça nous fait plaisir.

Une comédie délirante donc, où cet ancien génie du Splendid reprenait son rôle de tâche ambulante avec néanmoins plus de finesse et un don évident pour la mise en scène : du cinéma populaire comme on les aime quoi.

Note : ***

mardi 6 septembre 2005

Le Sicilien (The Sicilian)


Un autre échec signé Michael Cimino que ce Sicilien.

Pourtant, l’histoire avait de quoi séduire : dans les années 40, un jeune Sicilien du nom de Salvatore Giuliano décide de rendre ses terres à son peuple, lequel meurt de faim et ne possède rien. Alors bon, apologie d’un héros populaire, on peut espérer quelque chose de bon !

Eh bien non ! Le mal commence par le casting : dans le rôle principal Christophe Lambert. Non non, ne soyez pas trop sévère, c’était encore à l’époque où il était relativement bon mais là, il ne séduit pas totalement ; bien meilleur que dans Highlander pour moi, mais on est encore loin du véritable génie de l’interprétation, de plus il existait d’autres acteurs bien plus typés pour jouer un Sicilien non ? Terence Stamp lui fait figure de décoration, apparaissant tout au plus 10 minutes dans un film de 2h20 ! Seul John Turturro s’en tire sans trop de dégâts.

Vient ensuite le plus tragique : la réalisation ; mais que s’est-il donc passé dans l’esprit de Michael Cimino ! D’un point de vue paysage, c’est vrai qu’on est gâté, les montagnes de la Sicile étant (presque) aussi bien filmées que les dunes de sable de Lawrence d’Arabie, mais bon, on ne peut pas baser tout un film là-dessus ! Et comme si ça ne suffisait pas, Cimino alourdit son récit par des dialogues incessants, des scènes d’action bien maigres et bien rares et surtout une mise en scène proche par moment d’un téléfilm. Quand on a réalisé Voyage au bout de l’enfer, on a plus droit à de telles erreurs ! On sera néanmoins intéressé par le souci politique du film (la montée du communisme) et la description du massacre des « rouges » dans les montagnes, ainsi que quelques moments forts (les tueries sont très réalistes) du film (la mort en crucifixion du faux prêtre) ; hélas, ils sont très très rares.

Le scénario de base revêt aussi quelques bonnes idées, mais également son lot d’inutiles : le film aurait ainsi pu se retrouver limiter à 2 heures voir 1h45 et le film aurait été bien mieux équilibré.

Une déception donc, qui ressemble plus à une œuvre bafouée (c’est quand même tiré d’un roman de Mario Puzzo) et une carte postale de la Sicile qu’à un récit socio-historique et un film de qualité ; même s’il me reste La porte du Paradis à voir, j’ai l’impression que Cimino ne fut qu’un immense chanceux sur Voyage au bout de l’enfer plutôt qu’un cinéaste doué…

Note : **

Le Doulos


Le troisième polar de l’immense Jean-Pierre Melville voilà ce qu’est Le Doulos.

C’est peut-être avec ce film que Melville a véritablement posé les bases de son futur style, lequel allait influencer des dizaines de cinéastes à travers le temps et le monde, de John Woo à Quentin Tarantino…

On retrouve ici en effet tous les ingrédients des grands films de Melville : amitié, mensonge, trahison, jeux des apparences, aspect américain du film, final froid et obligatoire, autant de thèmes et d’ingrédients qui ont fait le succès de Melville.

A l’affiche, que du beau monde : Jean-Paul Belmondo, Serge Reggiani, Michel Piccoli, Jean Desailly… Bref que du lourd ! Et il faut absolument souligner l’excellente qualité de leurs interprétations, dirigées visiblement d’une main de fer par Melville. Belmondo, en particulier, ressort du film en véritable élément fondateur de la qualité » du film tant son interprétation est sublime.

Ce serait pourtant une erreur monumentale de limiter le film à ses acteurs ; la réalisation de Melville est en effet incroyable ! Tout d’abord par ce souci de coller aux polars grande époque des USA ; fenêtres en guillotine, stores en lamelle, imperméables et chapeaux, cigarettes, armes à feu, bistrots, bureaux de police tout a été pensé par Melville pour coller au plus près de l’univers des grands films noirs ; preuve indéniable avec un sublime noir et blanc, magnifié par une photographie exceptionnelle qui souligne à merveille les ombres des acteurs, conférant ci et là une symbolique parfois extraordinaire.

Bien sûr, à la caméra aussi Melville reste impressionnant, maître de son espace et de ce qui s’y passe. Un très bel exemple est cette scène au commissariat où Belmondo se fait interroger par Desailly : la séquence n’est qu’un simple plan filmé en panoramique mais l’effet devient tel que, comme Belmondo, on fini par avoir le vertige de la situation. Effet réussi maître Melville.

Le scénario aussi est grandiose, jeux de faux-semblants qui ne cesse de surprendre ; on pense le film fini après 1 heure, mais surgit alors un retournement surprenant ; cette fois à 1h20 le film est vraiment fini mais non, il reste le dénouement final, auquel on s’attend un peu mais qui fini quand même par surprendre…

Même si tous les aspects du film n’ont pas forcément bien vieillis (les voitures devant les écrans de studio qui défilent, risible), Le Doulos reste quand même plus de 40 ans, après sa création, dans le genre polar français, que dis-je, dans le cinéma français en général, un chef-d’œuvre intemporel et immortel, d’inspiration américaine et shakespearienne qui annonce avec brio les futurs Samouraï, Cercle rouge ou Un flic ; Le Doulos, où le génie à l’état pur.

Note : ****

vendredi 2 septembre 2005

La Corde (The Rope)


Un petit plaisir de génie que cette Corde.

En effet, Hitchcock faisait partie de ces cinéastes qui refusent de se limiter leur art aux bases traditionnels du cinéma ; ainsi voulait-il, à chaque film, révolutionner la technique cinématographique. Il le fera notamment dans Psychose, La mort aux trousses, Vertigo, Les oiseaux mais il le fit également avec cette Corde qui a pour particularité de n’être qu’un seul plan séquence de 1h30 !

Alors bon, en réalité, le film n’est pas composé d’un seul plan-séquence mais bien de 3 : un pour le générique (plan de la rue puis pivot de la caméra vers l’appartement) et deux au sein même de l’intrigue. N’empêche que le défi est relevé, Hitchcock ciblant exclusivement son action dans un seul lieu. L’astuce : vider l’écran des acteurs et filmer un objet qui servira de relais, ou encore se coller contre la veste noire d’un protagoniste pour s’en détacher aussitôt.

Dans les rôles principaux, deux jeunes acteurs dont l’un d’eux jouera dans L’inconnu du Nord-Express ; ce n’est pas par méchanceté mais on ne peut pas vraiment dire qu’ils soient exceptionnels. Non, là où le film se voit relever de niveau, c’est avec l’intervention du charismatique James Stewart en professeur des deux étudiants meurtrier.

Le scénario du film ? Comment deux jeunes étudiants, homosexuels (pour l’époque, une révolution !), vont se débarrasser d’un de leurs camarades et dissimuler son corps dans une malle où sera servi le buffet auquel sont convié les amis et la famille de la victime… Bon, effectivement, le scénario n’est pas des plus subtils, mais ça Hitchcock l’a bien compris et c’est pourquoi il privilégie la technique et l’atmosphère au récit : le maître installe donc une ambiance lourde, de multiples occasions pour le plus fragile des étudiants de flancher, des moments de tensions où même nous spectateurs ne savons pas si le corps va être découvert ou non… Du grand art.

On regrettera juste le manque de crédibilité des acteurs donc, et un scénario qui a tendance à vieillir, mais le challenge que constituait la réalisation, l’ambiance distillée à merveille par le génie du suspens et une association déjà splendide du couple artistique Stewart-Hitchcock font que La corde reste, dans la filmographie du cinéaste anglais, un véritable bijou de cinéphile…

Note : ****

Une décennie sous influence (A decade under influence)


Un documentaire de base sur le cinéma des années 70, voilà ce qu’est Une décennie sous influence.

En grand nostalgique (qui l’eut cru ? lol) d’un cinéma d’autrefois autrement supérieur au cinéma contemporain, je ne pouvais m résigner à ne pas voir ce documentaire.

Première petite ombre au tableau : les réalisateurs. Ted Demme, paix à son âme, n’était pas un cinéaste d’exception malgré quelques idées intéressantes ; Richard LaGravenese, meilleur scénariste que réalisateur, ne mérite non plus des salves d’honneur. Soit, ce n’est qu’un détail.

Voilà donc que le film débute dans une atmosphère très seventies (tiens ?) et promets un petit délire ; que nenni !

Au programme : interviews de cinéastes légendaires, archives d’époque au niveau de la société, extraits de films. Le programme de base en quelque sorte. Mais il faut quand même souligner les cinéastes à l’affiche : William Friedkin, Sidney Lumet, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Milos Forman, Sydney Pollack, Peter Bogdanovich… Qui se voient vite rejoins par Paul Schrader, Julie Christie, Roy Scheider… Bref que du lourd !

Pourtant, le film ne tient pas ses promesses : on s’attend à de l’info inédite ou quelque chose comme ça, et on raconte juste la genèse des films principaux de ses artistes. Dommage.

Pourtant, il serait erroné d’enfermer ce documentaire dans une classe très moyenne ; ainsi toutes les influences de l’époque (et donc qui ont encore des répercussions maintenant) son citées et expliquées : la libération sexuelle, les films chocs des années 60 comme La cible, Le lauréat ou Bonnie and Clyde, le Vietnam, l’influence de la Nouvelle Vague, le système D de Roger Corman qui va révéler plus d’un talent, l’influence de John Cassavetes au niveau de la mise en scène et de la liberté de l’auteur… Rien n’est épargné, et on regrettera juste un léger manque d’exploitation de certains passages, comme une chronologie mélangée.

On apprend aussi les raisons de la mort du cinéma des années 70 : l’arrivée des blockbusters, l’appât du gain de plus en plus grand des producteurs (qui ont lancés la mode des produits dérivés à la sortie de Star Wars)…

Intéressant pour les non-initiés, mais pour les cinéphiles un peu trop léger. On aimera pourtant voir autant de légendes du cinéma parler de leur vision du cinéma à l’époque, de leurs influences diverses et de leurs points de vue sur d’autres films marquants.

Dernier regret : une filmographie très sélective, justifiée à la fin du documentaire par le nombre de grands films et la durée limitée du documentaire ; on regrettera quand même l’absence de film cultes (ceux de Carpenter, The Rocky Horror Picture Show, Les trois jours du Condor…), le peu de temps consacré à des films très importants (Voyage au bout de l’enfer, Délivrance, Orange Mécanique…), l’oubli volontaire de l’explosion du porno (quand on parle de cinéma autant parler de tous ses genres, surtout que celui-ci représente parfaitement la dérive de la société et que c’est dans cette décennie qu’il connu son plus gros succès avec Gorge profonde (à voir le très bon documentaire Inside Deep Throat qui revient sur le film le plus rentable de toute l’histoire du cinéma…) et l’oubli de cinéastes majeurs (Kubrick, Peckinpah, Lynch…).

Agréable donc, mais peu instructif quand on est réellement passionné de cinéma.

Note : **