mardi 27 décembre 2005

Les Noces funèbres (Corpse Bride)


Je vais certainement m’attirer quelques foudres mais, pour moi, une petite déception de la part de Tim Burton que ces Noces funèbres.

Pourtant, tout partait d’un bon esprit : une adaptation d’un vieux conte, un défi technique, un contraste avec le cinéma d’animation contemporain basé sur la 3D, un esprit bien burtonien… Mais où cela cloche-t-il alors ? Eh bien dan le fait que cela soit trop burtonien justement.

Si la forme est totalement réussie, tant dans l’animation des marionnettes que dans les décors gothiques à souhait, Burton ne parvient pas à s’éloigner des obligations hollywoodiennes pour son film.

On regrettera, par exemple, un humour très réduit. Attention, le film est drôle, voir très drôle par moment, et quelques moments d’anthologie comme la chorégraphie du saloon agrémentent le film de touches originales, mais on est bien loin d’un humour macabre. C’est avec amertume qu’on se rend compte que, après la réussite de Beetlejuice dans la description du monde des mots, Tim Burton se cible beaucoup trop sur l’aspect enfantin du film.

Il est loin aussi le panache de la mie en scène, cette noirceur et ce contre-pied à la culture populaire qui veut qu’il y ait le Bien et le Mal. Ed Wood, Batman – le défi sont des films qui parvenait à échapper à ce piège de la facilité scénaristique ; ici, ça ressemble presque à du Disney bas de gamme, à un manichéisme profond où le monde des morts est plus gai que celui des vivants, où le vilain-méchant-pas-beau va tenter de briser le mariage du héros alors qu’il a déjà poussée la Mariée vers l’au-delà… Dans l’esprit trop mielleux du méchant vraiment méchant etdu gentil vraiment gentil, on s’approche des faiblesses d’Edward aux mains d’argent ; mais là où Edward brillait par un discours universel et un esthétisme bluffant, Les noces funèbres ne parviennent pas à décrocher la timbale. Pourquoi ? Car le rapprochement visuel avec L’étrange Noël de Monsieur Jack est trop fort. A y regarder de plus près, les personnages sont moins effrayant, c’est vrai, mais hélas la surprise n’est plus là. On salue la prouesse technique mais on regrette un certain manque d’originalité.

Dommage, car les bases étaient très bonnes à tous les niveaux. Mais on ne se refait pas, et Tim Burton, qui semblait avoir atteint une certaine maturité avec ses derniers films comme Big Fish, nous prouve le contraire. On attendra Tim, mais ne traîne plus trop et surtout surprend nous encore avec ton univers plutôt que de chercher à toucher un public déjà acquis.

Les noces funèbres sont donc un film techniquement réussi mais artistiquement faible : un petit coup dans l’eau de la part de ce cinéaste aux immenses capacités.

Note : **

Tarnation


Un documentaire très original et totalement inédit, voilà ce qu’est, en gros, Tarnation.

Reprenons depuis le début. Tout commence quand Jonathan Caouette se prend pour un cinéaste en herbe. Il filme tout et tout le monde, en particulier lui-même dehors ou dans une salle de bain. C’est alors qu’il découvre les vertus thérapeutiques du cinéma qui peut exorciser les démons qui l’entourent. Il va ainsi se filmer pendant près de 20 ans…

Attention, œuvre complexe : il ne s’agit ni d’un documentaire autobiographique, ni d’une fiction, ni de cinéma expérimental : il s’agit de ces trois genres mélangés pour offrir un film unique dans l’histoire du cinéma. Influencé par le cinéma underground, Tarnation s’inscrit comme le premier long-métrage documentaire à budget très réduit (moins de 300 dollars !) et à but thérapeutique pour son auteur.

Evidemment, vu le style du film, il est très difficile d’en parler correctement : la subjectivité du récit conduit irrévocablement à une critique qui ne sera jamais totalement objective.

Il faut donc séparer les atouts des inconvénients du film. Commençons par le positif : le psychédélisme. Assez tortueux, le récit nous emmène dans la tête de son auteur-réalisateur-acteur Jonathan Caouette, légèrement dérangé et souffrant d’un mal qui lui rend difficile la séparation entre monde réel et monde imaginaire. En découle un univers forcément étrange mais parfois magique, parfois effrayant. Exploitant pleinement (à outrance ?) les différents effets mis à disposition par le logiciel de montage, Tarnation nous emmène dans un voyage temporel unique, où nous découvrons l’évolution (même si, parfois, on approche la régression) d’un pays et de sa culture sur fond de musique rock psychédélique.

Il y a aussi ce souci de véracité qui se dessine tout au long du film, égratignant ci et là le portrait d’une famille qui se veut bien pensante mais qui, au fond, est très barbare. On retiendra par exemple les délires limites effrayants de la grand-mère et de la mère, se prenant des fous rires sans raison apparentes, ou encore cette scène du grand-père cherchant à appeler la police pour faire embarquer Jonathan qui l’embarrasse avec ses questions sur les traitements corporels infligés à Renée durant son enfance…

Vient ensuite le gros souci du film : l’aspect voyeuriste. Bien sûr, en regardant un documentaire autobiographique, on doit s’attendre à un poil d’égocentrisme et peut-être même un rien de narcissisme mais là, c’est trop. Autant certaines scènes ne nous dérangent pas plus que cela malgré la violation de l’intimité (l’introduction du film, décrivant la vie douloureuse de Renée et le coup de téléphone de Jonathan en larmes) autant on assiste parfois à de l’autosatisfaction (insistance sur les autres films amateurs de Jonathan, ce même Jonathan à poil dans sa chambre…) pour ne pas dire à de la masturbation mentale.

Reste donc en définitive une œuvre étrange, sorte d’ovni dans le paysage cinématographique contemporain, où l’inédit côtoie le scabreux, l’authenticité à l’égocentrisme, et ou un petit peu plus de retenue n’aurait été que bénéfique à un film déjà entré dans le panthéon des œuvres initiatrices de genres…

Note : **

vendredi 23 décembre 2005

Requiem for a dream


La bombe qui révéla Darren Aronofsky au monde entier que ce Requiem for a dream.

Il faut dire que π était déjà en soi un petit bijou tordu et techno-trash, complètement décalé et déboussolant. Confirmation ici avec ce film, devenu depuis l’une des références majeures dans les films sur la drogue comme Trainspotting ou Moi, Christiane F. ..13 ans, droguée et prostituée…

Tout commence presque bien pourtant. Sara Goldfarb vit dans le deuil de son époux et doit supporter les vols récurrents de son junkie de fils. Qu’importe, les amies sont là et les shows TV aussi ; Harry Goldfarb, fils de Sara, se défonce de son côté avec son pote Tyrone et sa splendide copine Marion. Jusqu’ici, tout va bien… ou presque. Voilà que Sara subi un canular et se croit choisie pour passer à la télé, tandis que le trio restant doit se rendre compte que non seulement l’argent ramassé grâce à leurs deals est épuisé mais en plus l’héroïne vient à manquer. Sara tombe alors dans la dépendance des médicaments tandis qu’Harry, Tyrone et Marion découvre les revers de ce genre de dépendance…

Film choc sur les drogues qu’elles quelles soient (TV, héroïne, médicaments…), Requiem for a dream se veut un drame noir, bien noir, sans aucun compromis pour ses personnages. Le scénario, basique sur le fond, ne laisse aucun moment de répit à nos comparses dès leurs descentes en enfer. Et au vue des quatre résultats, on se demande lequel s’en tire le mieux…

Comme avec π, Aronofsky mise tout sur la mise en scène. Tendance techno au niveau musical, Requiem for a dream est pourtant l’apogée d’un style unique dans le paysage cinématographique contemporain. Résolument jeune, Aronofsky (ab)use des gros plans, des caméras collées aux corps, des accélérés et des ralentis ; tout ce qu’une caméra peut faire, Aronofsky l’utilise. C’est peut-être là le souci pour beaucoup, cette approche presque clipesque de la mie en scène qui, indubitablement, fini par lasser. La première fois, c’est la claque assurée ; la deuxième, c’est toujours impressionnant mais ça en devient lassant. Heureusement Aronofsky en a conscience et ne se limite pas qu’à ça. Il s’offre l’audace de créer une dimension tragique aux personnages, chacun allant de son petit malheur : Sara regrette son mari et veut que son fils l’aime ; Harry veut briller aux yeux de Marion, laquelle en viendrait presque à pleurer sa carrière ratée dans le stylisme ; enfin Tyrone cherche lui aussi à briller mais aux yeux de sa mère… Un cycle infernal où, comme à la télévision montrant un show sensé aider à maigrir, seul l’envie de plaire compte.

Point de vue acteurs, chacun se donne à fond dans le personnage, d’Ellen Burstyn en mère parano à Jared Leto en fils toxico. Tous deux irradie l’écran de génie. Jennifer Connelly, elle, est tout aussi belle que douée, c’est certain, mais la plus grosse claque reste Marlon Wayans, qui abandonne les blagues potaches de Scary Movie pour devenir un véritable acteur, un de ceux qui jouent avec leur tripes et qui, d’un simple regard, vous font frissonner, comme dans cette scène où Tyrone se souvient de sa mère…
Un film particulièrement réussi sur le discours, loin d’imposer une morale mais ne prenant pas pour autant le parti des toxicos ou dépendants ; la critique ne se limite pas non plus à la drogue mais à l’addiction dans son tout, ce qui veut dire bien au-delà de ce qui se sniffe, se fume, se boit ou s’injecte dans les veines. C’est aussi chez soi et même dans sa tête que l’on peut trouver les pires éléments…

Troublant, fascinant, un peu répétitif mais terriblement efficace dans le sentiment de mal-être provoqué chez le spectateur.

Note : ****

dimanche 4 décembre 2005

Dick Tracy


Un Sin City avant l’heure, en plus déjanté quand même que ce Dick Tracy.

Pour rappel, Dick Tracy est inspiré d’un comics racontant les histoires d’un détective dans les années 30. Farfelu, ingénieux, le comics grossi les traits de ses personnages au point de frôler le cartoon : Dick Tracy est le détective type, c’est-à-dire fort, intelligent, incorruptible et incapable d’exprimer ses sentiments tandis que les vilains méchants sont moches, diaboliques et vraiment, vraiment méchants.

Mais qui adaptation dit souvent gros risque. Parfois ça marche (Spiderman…) parfois ça rate (Hulk, Les 4 fantastiques…). Mais pour rappel, nous sommes en 1990, alors comment diable peut-on transposer l’univers de Tracy au cinéma ?

Il faut tout d’abord reconnaître un petit don de la mise en scène de Warren Beatty : s’il ne possède pas vraiment de style propre et si sa mise en scène n’est pas très originale, il a pourtant le mérite d’avoir une rigueur dans le cadrage et dans la direction d’acteur qui rend ses films très agréables (Reds en est le plus bel exemple). Ce qui impressionne pourtant le plus dans ce film, c’est la retranscription de l’univers de Tracy, où Beatty a opté pour une réalisation mélangeant dessin animé et effets spéciaux pour créer un monde unique ; un Sin City bien avant l’heure et en couleur !

Il faut également rendre justice aux maquilleurs, qui ont dû faire un travail considérable sur certains acteurs pour les rendre vraiment affreux. En parlant d’acteur, Beatty a ce chic d’attirer les gens qu’il aime dans ses films, et Dick Tracy ne fait pas exception : on pourra donc voir face à lui Al Pacino dans le rôle du bad guy plus délirant que méchant, Madonna en vamp’ amoureuse, Dustin Hoffman irrésistible dans le rôle du Marmonneur, et quelques autres noms prestigieux qui viennent faire un petit coucou, comme Paul Sorvino, Kathy Bates ou James Caan dans le rôle d’un parrain de la mafia…

D’un point de vue scénario, on reste dans la plus pure tradition du comics ; action, émotion, humour, rien n’est négligé pour rendre le spectacle fascinant. Multipliant les enquêtes annexes (l’homme sans visage, l’emprisonnement de Tracy, la lutte contre la mafia…) mais dans une durée tout public (1h30), Dick Tracy se pose directement en divertissement de qualité, qui n’a pas la prétention de révolutionner le genre mais simplement (si je puis dire) de lui appliquer de nouvelles bases, celles des effets spéciaux.

Si le seul bémol de ce film sera une réalisation que l’on aurait voulu plus délirante, comme le jeu des acteurs et les décors « dessins animés », Dick Tracy reste pourtant un film de qualité, divertissant et amusant, prenant et fascinant sur le plan technique. Bien joué !

Note : ***

Chicken Little

Le premier Disney 3D sans Pixar que ce Chicken Little.

Il faut savoir que la force de Disney ces dernières années, c’était Pixar ; le dessin numérique surplombe le dessin traditionnel, l’inventivité des studios aux grandes oreilles se faisait rare et le mot « succès » n’était plus employé depuis presque une décennie. Alors quand Pixar annonce son départ, voilà Disney dans de sales draps ! D’où réaction rapide : on passe au numérique !

Alors évidemment, face à Dreamworks et Pixar, difficile de tenir la distance ! Donc pourquoi se gêner et ne pas recopier ce qui fait le succès des autres films du genre ?

Primo : les personnages. Il faut qu’ils soient amusants, imaginairement réalistes (entendez que dans la réalité ce serait des gens comme vous et moi voir un peu moins chanceux) et qu’il y en ait un ou deux qui marquent les esprits. Ici, il y en aura deux : le porc-épic cool qui assure un max et Fish, petit poisson hors de l’eau qui survit grâce à un bocal sur sa tête (mais le reste du corps apparemment n’en a pas besoin…). Deux personnages réellement attachants il est vrai, qu’on aurait justement aimé voir plus souvent, vu le trio restant : une canne relativement moche amoureuse du petit poulet, un cochon atteint d’un GROS problème de surpoids et Chicken Little, poulet ne dépassant pas la hauteur de trois pommes. Stéréotypés, le reste des personnages n’est guère impressionnant, entre la pimbêche de service qui redeviendra gentille et le délicieux papa déçu de son fils mais qui finira par s’excuser humblement… Ah là là sentiments quand vous nous tenez…

Secundo, l’humour : il faut que ça percute beaucoup plus chez les ados que chez les enfants (cible d’ores et déjà acquise grâce au label Disney) d’où un humour rempli de sous-entendu sexuels, de feintes un peu bidonnes et d’une retranscription genre l’horreur des lycées avec les frimeurs et les losers. Typiquement américaine, cette partie du film ne fascinera guère le public, croyez-moi.

Tertio : les hommages. Dreamworks en a fait sa marque de fabrique, Pixar ne s’est pas privé de glisser quelques références parfois, alors pourquoi faire autrement ? Ici, c’est au cinéma fantastique et de science-fiction que l’on rendra surtout hommage, entre King Kong, Signes, Independance Day, La guerre des mondes ou encore Indiana Jones, les clins d’œil doivent sans doute être les meilleurs moments du film… Même si on ne doit pas vraiment les chercher !

Un autre bémol à ce film est sans hésitation son scénario également : trop « effrayant » pour les enfants (certains passages du film sont relativement sombres pour ces petites têtes blondes) et pas assez poussé pour les ados et adultes.

On ne pourra que se rabattre sur une mise en scène assez groovy, vu qu’il s’agit du même réalisateur que Kuzco, l’empereur mégalo, auquel on pourra peut-être aussi reproché une b.o. pas très adéquate…

Loin d’être une réussite, Chicken Little aura pourtant les moyens de faire rire les enfants entre 5 et 10 ans : c’est peu. Disney, ou le studio déchu…

Note : *