mardi 27 juin 2006

If...


Du cinéma purement anarchiste que ce If…

La rentrée des classes dans une 'public school' des environs de Londres, institution d'élite réservée aux privilégiés. Pour les nouveaux arrivants, l'année s'annonce rude : des châtiments corporels aux comportements sadiques, la discipline est assurée par d'anciens élèves surnommés 'les fouets'. Face à ces humiliations quotidiennes, Mick, Johnny et Wallace, trois amis anticonformistes, décident d'organiser la résistance en préparant une vengeance sanglante…

Resituons quand même un peu le contexte : nous sommes à la fin des années 60 (le film sortira justement en France en 1968…) d’où l’époque d’une explosion des fondations de la société conservatrice d’alors par les jeunes. Et dans une société aussi droite que celle d’Angleterre, il n’en fallait pas plus à un anarchiste comme Lindsay Anderson pour signer un film hors des sentiers battus.

Remarquons donc d’abord le scénario, qui dynamite les fondements de l’establishment anglais de manière plutôt radicale. Ici, l’université dans laquelle nos héros suivent des études, et qui est destinée à former la future élite anglaise, est représentée comme archaïque, autoritaire, dépassée et ultraconservatrice. Les professeurs usent et abusent de leurs autorités, les élèves subissent les châtiments corporels, les valeurs inculquées sont d’une autre époque, bref la formation suivie ne permet pas une évolution mais presque une régression de l’étudiant. Jusqu’à ce qu’une bande de copains se rebellent et vivent comme ils veulent vivre. Vu que ça ne plait pas, on tente de les réprimander, ce qui attise un peu plus leur haine envers les autorités (que ce soit les professeurs, les militaires ou le clergé). Et leurs révolutions théoriques sont vaines à chaque fois. Mais que se passerait-il s’ils faisaient une vraie révolution, avec de vraies balles ? Voilà l’illustration du titre du film. L’idée du scénario est de montrer un monde où le sexe (homosexuel ou hétérosexuel) hante constamment les personnes mais n’est jamais assouvi, un monde où l’idée de liberté se réduit à quelques images provenant de coupures de magazines et qui n’affleure même pas à la surface.

L’esprit de soumission domine au sein de l’école (et donc, au sein de la future société) et tout sens de coopération est remplacé par celui de la compétition. Bref, une formation en bonne et due forme au système capitaliste.

Lindsay Anderson n’annonce pourtant pas son film comme un message univoque, mais comme une aide au réveil des anarchistes dans l’âme. Il sépare cependant son film de la réalité, notamment par des passages en couleurs et d’autres en noir et blanc (même si, à la base, il ne s’agit qu’un d’un problème d’argent…). Anderson filme de manière libre, certaines scènes ne semblant pas avoir de sens bien défini, comme pour distancier encore un peu plus la réalité de la fiction. Il n’empêche que son but premier est de critiquer et d’appeler, l’air de rien, à un réveil collectif de la jeunesse britannique. Propos du réalisateur : « Mon travail a toujours témoigné d'une certaine tension : entre l'individu et la société, entre la liberté et la tradition, entre l'autorité et l'indépendance. J'ai voulu faire plus qu'un film sur le collège, un film sur l'histoire de notre monde… » Un procédé certes un peu vicieux mais pleinement assumé. Anderson n’appelle pas forcément à une réaction armée (la scène finale, dont certains diront qu’il s’agit d’une référence à Zéro de conduite de Jean Vigo, prouve bien que cette solution est à éviter si on ne veut pas perdre d’avance) mais à une réaction tout court.

Pour la petite anecdote, la Palme d’Or de 1969 fut le tremplin de deux carrières : c'est en voyant If… que Stanley Kubrick découvrit l'acteur Malcom McDowell (par ailleurs très bon ici) à qui il allait confier le rôle principal d’Orange Mécanique, quant à l'assistant réalisateur, il s’agissait ni plus ni moins que d’un certain Stephen Frears…

Un film choc, longtemps interdit, et pour des raisons évidentes puisqu’il appelle directement à la révolte de la nouvelle génération pour améliorer le monde. En près de 40 ans, le film est toujours d’actualité…

Note : ****

La véritable histoire du Petit Chaperon Rouge (Hoodwinked)

Un dessin animé surprenant que cette Véritable histoire du Petit Chaperon Rouge.

Il faut être honnête, la gamine avec son beurre et ses galettes qui part rassasier la mamy dans les bois avant de se faire bouffer par un loup et sauver par un bûcheron, ça n’impressionne plus personne. Décliné sous toutes les formes possibles, le conte de Perrault a traversé les âges et en a inspiré plus d’un, qui ne s’est jamais vraiment éloigné du récit originel (même Jan Kounen ne s’y est pas risqué). Alors quelle joie de voir des cinéphiles s’y frotter !

Cinéphiles oui, car Hoodwinked n’est pas uniquement un récit pour enfants ; c’est aussi un formidable hommage au cinéma. Tout d’abord au genre policier, tendance film noir même, avec un petit style à la John Huston. Ensuite, la construction du film est presque la même que celle de Rashomon, de Kurosawa (autrement dit, une même histoire selon différents points de vue). Sans compter les références disséminées çà et là (E.T. par exemple…)

Il y a aussi le fait qu’à l’instar de la plupart des dessins animés actuels, Hoodwinked s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux adultes par son humour. Si quelques gags sont basiques (lorgnant de temps à autre chez Tex Avery), d’autres sont beaucoup plus fins ou, à défaut, vraiment drôles.

Cela tient sans doute de la construction de chaque personnage. Car si l’histoire a vraisemblablement été modifiée, les personnages aussi. Fini la fillette innocente, le méchant loup, la grand-mère trop sage et le bûcheron sans peur et sans reproche, tout est au délire, ce qui permet quelques répliques cinglantes de la part des héros (surtout du Loup, influencé Michel Audiard et humour acide).

On reprochera évidemment, et c’est logique, la faiblesse graphique du métrage. Nous sommes loin des prouesses de Pixar ou même des qualités Dreamworks, et le film en pâtit. Mais il ne faudrait cependant pas oublier de préciser qu’il s’agit là d’un dessin animé indépendant, ce qui explique le manque de richesse graphique…

Et c’est ce dernier reproche qui plombe tout, avec la b.o. vraiment ciblée 2 à 5 ans en guise de cerise sur le gâteau. Sans ces défauts, le film atteindrait facilement les sommets, par son originalité d’une part, par son impertinence d’autre part. Par cette volonté de ne pas subir l’influence des studios, peut-être aussi par cette différence fondamentale avec les productions actuelles dans le genre : Hoodwinked est le fruit d’une passion, d’une envie de faire du cinéma, et non pas un carton au box-office. En espérant que les réalisateurs récidiveront dans le même esprit, et avec un petit peu plus de soutien…

Note : ***

jeudi 22 juin 2006

Le livre de Jérémie (The Heart Is Deceitful Above All Things)


Du cinéma à tendance underground que ce Livre de Jérémie.

Adapté du roman autobiographique de J.T. Leroy, Le livre de Jérémie est le second long métrage d’Asia Argento, fille de Dario Argento qu’il est quasiment inutile de présenter (Le chat à neuf queues, Les frissons de l’angoisse, Suspiria…). Vous imaginez donc l’univers dans lequel a évolué la demoiselle !

Et c’est cet univers glauque, ténébreux, presque underground qui est représenté dans ce film. Bref, à ne pas mettre entre toutes les mains. C’est quelque part le mélange d’une Amérique désabusée, crade où le rêve et l’american way of life n’existent pas. C’est pas la misère, c’est juste la souffrance. C’est d’ailleurs ce que l’on peut reprocher à Argento : à trop vouloir peindre l’univers morbide dans lequel évolue Jérémie, elle sombre dans un stéréotype racoleur qui, s’il n’est pas éloigné de la réalité, empêche le spectateur de totalement adhérer.

A trop vouloir faire original aussi, la cinéaste semble s’égarer de temps à autre dans son propre univers sans nous en fournir les clés pour comprendre. Résultat : on a parfois l’impression d’assister à un mauvais trip, à un cauchemar éveillé déstabilisant qui aurait pu être un plus pour le film si cela ne se répétait trop souvent t ne tirait quelque fois trop sur la longueur.

Pourtant la volonté est bel et bien là, et on la sent, on sent qu’Argento veux dénoncer une enfance sans repères dans une Amérique déboussolée, pourrie de l’intérieur où l’argent fait la différence. Les personnage sont tous plus caricaturaux les uns que les autres mais l’idée était là…

On ne peut donc pas la blâmer totalement. Sans compter que niveau casting, elle a su s’entourer la coquine : Peter Fonda, Ornella Mutti, Michael Pitt, Winona Ryder et même Marilyn Manson ! Sans oublier Billy Corgan (ex-Smashing Pumpkins) à la b.o. Il faut pourtant reconnaître que le charme du casting ne réside pas dans ces noms pour la plupart célèbres mais bel et bien dans les trois jeunes acteurs ayant interprétés Jérémie : les jumeaux Cole et Dylan Sprouse (Jérémie à 11 ans) qui sont formidables mais pas tant que Jimmy Bennett, Jérémie de 7 ans qui affiche un calme et un jeu d’acteur tout bonnement exceptionnel pour un enfant de cet âge ! A coup sûr, une révélation qu’on espère revoir prochainement.

Dommage donc, que le film ne soit pas à la hauteur des ambitions d’Asia Argento, qui n’a pas pur de sentir des sentiers battus pour raconter une histoire qui lui tient à cœur. En espérant que le prochain essai sera le bon pour cette artiste prometteuse.

Note : **

Joyeux Noël


Un film de guerre hélas trop franchouillard que ce Joyeux Noël.

A la base, un fait historique ; au casting, une pléiade de noms internationaux ; à la caméra, un cinéaste quais débutant, auteur du gentil Une hirondelle a fait le printemps. Dommage que, dans l’ensemble, ça ne tienne pas le coup.

L’idée n’est pas mauvaise, loin de là même. A la rigueur, on en viendrait presque à ne pas croire que ça s’est passé, mais si. Il y a même des éléments qui ne sont pas dans le film et qui, pourtant, se sont déroulés (comme le fait qu’un chat ait subi le peloton d’exécution pour collaboration avec l’ennemi…). Hélas, ce qui manque, c’est une volonté de faire réagir, de non seulement provoquer l’émoi chez le spectateur mais aussi la révolte contre les injustices du corps d’office dans l’armée durant la guerre. Si un certain Kubrick y était parvenu avec Les sentiers de la gloire, Carion est très loin d’avoir les épaules du cinéaste américain.

Il aurait même la fâcheuse tendance à arrondir les coins, histoire de dire que la guerre, même si c’est moche, ben c’est humain. Je ne suis pas sûr que les vétérans soient de cet avis… Bref, ici, un soldat est un soldat, et qu’il soit Poilu, Bosch ou Rosbif, pas de différences. Mieux encore, si il n’y avait eu qu’eux, la guerre aurait été totalement autre, mais ce sont les officiers français, anglais et allemands qui ont foutu le souk. Jusque là on est d’accord, mais de là à représenter les soldats comme des braves types quoiqu’il arrive…

C’est bête parce qu’en plus, les acteurs ne sont pas mauvais. Certains même impressionnent ; te est le cas de Dany Boon, qu’on ne s’attend pas forcément à voir dans ce registre et qui se révèle un acteur remarquable. C’est aussi le cas de Daniel Brühl, qui joue le rôle d’un jeune officier allemand avec un justesse à toute épreuve. Et on attend toujours de voir Gary Lewis enfin révélé au monde après ses rôles non négligeables dans Billy Elliott ou Gangs of New-York…

On pourra également émettre quelques réserves sur la mise en scène, théâtrale, de Christian Carion, qui aurait pu offrir une dimension tragique qui aurait propulsé son récit au sommet. Malheureusement, si le sujet est original la réalisation ne l’est guère, très (trop ?) sage et visant plus l’émotion que le brûlot. Les deux n’étaient pourtant pas incompatibles…

Un projet ambitieux don, qui aurait mérité un traitement plus sérieux, moins sentimental, un rien plus spectaculaire et moins manichéen… On se contentera du résultat actuel en attendant.

Note : **

dimanche 18 juin 2006

Da Vinci Code


Une adaptation ratée que ce Da Vinci Code.

A la base déjà, le projet est casse-gueule : adapter le best-seller de Dan Brown relève de l’impossible. Non pas que l’histoire soit compliquée (loin de là : Dan Brown a par ailleurs écrit son livre à la manière d’un film (flash-back, pointe d’humour au bon moment, séparation de chapitres en scènes…)) mais c’est surtout que la richesse du livre réside dans les explications fournies, dans les parallèles établis, dans les descriptions qui font travailler l’imaginaire du lecteur. Bref, impossible à retranscrire cinématographiquement.

De toute évidence, il fallait donc un cinéaste capable de donner du relief au récit, un réalisateur capable de mélanger les genres comme Brown l’a fait dans son roman, un artiste qui ne se laisserait pas démonter par l’attente que provoquerait le film et les foudres de l’Eglise contre ce « blasphème » littéraire… Au vu de toutes ces demandes, Ron Howard n’était peut-être donc pas la personne idéale. Non pas qu’il s’agisse d’un mauvais réalisateur, mais disons qu’il est beaucoup trop calibré Hollywood pour pouvoir offrir une dimension convenable à ce genre de film. Ici, les pressions qu’il a subi apparaissent claires comme de l’eau de roche : exit l’Opus Dei, le caractère jaloux de Pierre… On ne garde que le politiquement (et ecclésiastiquement) correct. Bref, tout ce qui pouvait faire le charme du Da Vinci Code, on l’oublie pour ne garder que les énigmes et la pseudo course-poursuite entre les pauvres innocents et la police. A noter qu’Howard s’offre quand même le plaisir des reconstitutions historiques, comme celles du siège de Jérusalem ou de la fuite de Marie-Madeleine. Ainsi que le petit bonheur de jouer les maîtres des effets spéciaux qui, soyons honnêtes, n’ont toujours pas leurs places dans le récit.

On ne peut pas blâmer les acteurs de s’être inscrit dans cette aventure. Tout d’abord, une personne sensée ne refuserait pas un tel cachet ; ensuite parce que, finalement, il s’agit quand même du film le plus attendu de l’année. Et il faut dire qu’ils s’en sortent assez bien nos acteurs, avec mention spéciale pour Ian McKellen et Paul Bettany (interprétant le moine albinos… pas si albinos que ça puisqu’il est blond platine et les yeux bleus !). Tom Hanks est impeccable à défaut d’être grandiose, et on regrette de ne pas voir plus de Jean Reno et d’Alfred Molina, même s’ils semblent surjouer un brin. En revanche, Audrey Tautou se bat tant que mal pour faire oublier son personnage d’Amélie Poulain qui lui colle à la peau malgré tout. Elle n’est pas mauvaise mais, au bout du compte, on ne la sent pas aussi à l’aise que le reste du casting… On remettra la faute sur l’importance de la production allez…

Saluons cependant la b.o. composée par l’immense Hans Zimmer, fidèle à son style. C’est presque aussi épique et fascinant que celle de Gladiator, pour dire. Et même si la musique en vient par supplanter le film lui-même (qui virerait presque au clip tant les moments de silence sont rares…), on ne s’en lasse pas.

C’est donc bel et bien dans l’adaptation que tout coince. Si les puristes admireront le respect des lieux de l’intrigue (Le Louvre, la reconstitution de l’église Saint-Sulpice et celle de l’Abbaye de Westminster…), les vrais fans du livre crieront au survol de l’œuvre de Brown. Chacun aura raison, mais ce n’est pas le plus important : ce qui est dommage, c’est que Ron Howard n’a justement pris aucune liberté avec le livre, qu’il est resté à ce point fidèle à l’œuvre originale que le film est sans vie. Il aurait certainement fallu un rien de folie, une liberté artistique qu’Howard n’a pas pour prendre de la distance face au roman mais aussi à ses puissants détracteurs.

Dommage donc, pour un film qui aurait pu être captivant d’un bout à l’autre, qui aurait même pu être grandiose avec le traitement adéquat (liberté de ton et distanciation entre les théories avancées et la réalité) ; en dépit, un blockbuster sans âme, qui ne retient même pas les idées culturelles du roman pour garder le suspens bien mal rendu (la course-poursuite en Smart, ridicule). Bien trop déséquilibré pour vraiment captiver.

Note : **

Moi, Peter Sellers (The Life and Death of Peter Sellers)


Un biopic intéressante mais bien trop inégale pour être réussie que ce Moi, Peter Sellers.

Il serait inutile, éventé, inconcevable pour tout cinéphile qui se respecte de ne pas connaître Peter Sellers le génie, le comique l’extravagant, l’inspecteur Clouseau, le docteur Folamour, le monsieur Chance qui a marqué à jamais nos esprits. Mais derrière ces personnages se cachait un acteur caractériel, égocentrique pour ne pas dire arrogant. C’est ce que Stephen Hopkins tend à nous démontrer à travers son film. Sauf qu’à trop vouloir égratigner le mythe, le film devient rapidement lassant.

Tout d’abord, il y a cette volonté de décliner le personnage comme un monstre perpétuel, aussi doué que frapadingue. Un peu ça va, de trop bonjour les dégâts. Certes le Sellers n’était pas un enfant de cœur, loin de là, mais de là à ne le représenter que comme un colérique limite schizophrène, il y a de la marge.

Il y a aussi cette tendance hélas populaire à réduire la vie de Sellers à ses principaux films, en l’occurrence Dr Folamour, la série des Panthère rose et Casino Royale. On oublie donc les tournages de films intéressants comme La Party, Lolita ou même le seul film de Sellers en tant que réalisateur, Mr Topaze ; l’occasion pourtant rêvée de dessiner une personnalité trouble à tendance tyrannique.

Il serait pourtant un peu facile de ne réduire le film qu’à un scénario hélas trop inégal pour passer en douceur. La réalisation et surtout les comédiens sont là pour sauver le film du naufrage.

La réalisation d’abord : sans être exceptionnelle, elle tente de se démarquer habilement du genre. Si, au début, on a l’impression que le film va suivre une conduite un peu classique, le ton est vite donné quand un personnage est repris sous les traits de Geoffrey Rush-Peter Sellers pour offrir un commentaire sur la situation. Dès ce moment, on quitte le film pour entrer dans son propre tournage. Un procédé assez compliqué à expliquer je l’accorde, mais qui offre une distanciation entre histoire-spectateur-film assez intéressante.

Mais ce sont bel et bien les acteurs qui valent le détour. Petit rappel du casting : Emily Watson (très sobre dans le rôle d’Anne Sellers), Charlize Theron (sulfureuse Britt Ekland, seconde épouse de Sellers), Miriam Margolyes (étonnante Peg Sellers), John Lithgow (en Blake Edwards un brin déjanté) et surtout Stephen Fry et Stanley Tucci, tous deux parfaits dans les rôles du charlatan Maurice Woodruff et de l’intransigeant Stanley Kubrick. Et pourtant, aucun ne parvient à égaler le majestueux Geoffrey Rush dans le rôle titre. Pensez donc : pour incarner Peter Sellers, l'acteur a d'abord du se plier à d'éprouvantes séances de maquillage qui nécessitaient plusieurs heures de pose ; il a également fréquenté le coach voix Barbara Berkery pour redonner vie non seulement à la voix de Peter Sellers lui-même, mais également à celles de ses créations radiophoniques et cinématographiques, soit pas moins de quarante voix au total ! Alors une telle préparation ne pouvait que donner quelque chose de bon ! Seulement voilà, Rush n’est pas n’importe qui et, aussi étonnant que cela puisse paraître, il parvient à devenir Sellers tout en gardant sa propre personnalité. Une sensation étrange émane alors, déstabilisant le spectateur au point de ne plus voir Rush jouer les personnages de Sellers mais revoir Sellers le temps d’une scène. Sans aucun doute, Geoffrey Rush réussit un tour de force de manière magistrale : ne plus jouer mais devenir quelqu’un d’autre. Le propre des grands acteurs…

Dommage donc pour la réalisation et les acteurs que tout le film ne suive pas : un scénario un rien plus travaillé et sombrant moins facilement dans certaines facilités (les personnages mourants dans les hôpitaux, les visions durant le coma de Sellers…) aurait certainement porté le film au sommet. En dépit, Moi, Peter Sellers reste une biographie acide comme on en voit de plus en plus.

Note : **

samedi 10 juin 2006

OSS 117 - Le Caire, nid d'espions

Une comédie française plus que réussie que cet OSS 117 – Le Caire, nid d’espions.

Un peu d’histoire tout d’abord : OSS 117 est un personnage créé par Jean Bruce durant les années 40 et qui connaîtra sept adaptations ciné. Sorte de James Bond à la française (les vilains jaloux…), c’est lui qui est au service du Président, lui qui a reçu le permis de tuer, sur ses épaules que repose l’avenir du monde libre… Sauf qu’en 2006, la donne est changée ! Exit le tombeur, place au véritable OSS 117, la version qui fâche et fait rire, admirablement retranscrit par Jean Dujardin ! De retour sur les grands écrans, Hubert Bonisseur de la Bath connu sous le pseudonyme d’OSS 117 subi donc une relecture de la part d’une bande de déjantés n’ayant pas peur de prendre la distance (et agrémenté de dérision) avec les romans de Jean Bruce pour parodier le genre d’une manière plus qu’admirable.

Il convient tout d’abord de saluer la réalisation, qui n’est certes pas la meilleure du genre mais qui a le mérite (et, dans le monde du cinéma français, c’est rare !) d’oser se replonger dans le passé, à ces fameuses années où OSS 117 envahissait les écrans ! Elle est loin d’idée d’actualiser honteusement un héros de la vieille époque (comme ce malheureux James Bond subissant des relectures navrantes ces derniers temps…) ; non, ici, on suit non seulement la veine des autres films de la série mais aussi c petit côté Les Barbouzes, avec une de temps à autre une pointe d’exotisme digne de celles que l’on retrouve dans des œuvres comme Casablanca (toute comparaison gardée). Si on voulait comparer l’esprit de la réalisation à une autre œuvre (mais uniquement, à nouveau, dans la volonté de faire), OSS 117 – Le Caire, Nid d’espions représente au cinéma français ce que Indiana Jones représenta au cinéma US il y a quelques années. Michel Hazanavicius pousse même le (délicieux) vice jusqu’à dans la construction de maquettes… dont on ne peut nier qu’elles sont fausses ! Idem pour ces plans en voiture où l’arrière-plan est manifestement un écran… Bref, un côté rétro qui offre au film tout son charme.

A réalisation fantasque, acteur fantaisiste ; et quoi de mieux que Jean Dujardin pour interpréter le nouveau OSS 117 ? Certes, les doutes sont légion à l’annonce de ce choix (Un gars, une fille… et Brice de Nice n’étant pas les références de la franchise…) mais ils sont rapidement dissipés : Jean Dujardin EST ce pastiche d’OSS 117. Il incarne merveilleusement cette version beauf, inculte, un rien raciste et nationaliste de l’espion, sans en oublier pourtant un côté mystérieux, envoûtant, charmant, à l manière d’un James Bond. Comme dirait Jean Dujardin : « OSS 117 a un peu de Sean pour son élégance… et beaucoup de connerie ! ». Et il suffit de le voir se ridiculiser lui-même pour se dire que, quelque part, Dujardin est un grand acteur promis à un bel avenir. Entre son sourire ravageur et ses répliques absurdes (« Le gratin cairote ? Et non pas le gratin aux pommes de terre ! Non parce que gratin… Et cairote, c’est presque carotte… Enfin bon ! ») sans oublier ce moment totalement décalé où il reprend, en arabe, la chanson Bambino de Dalida, Dujardin tire la couverture du film à lui tout seul, usant à la fois de son humour djeun’s (limite Brice de Nice) et un humour beaucoup plus fin.

Reste que le scénario tient la route, exploitant une galerie de personnages types interprétés par des « gueules » de cinéma. Et on ne peut même pas l’accuser d’être trop long ! Sans oublier que sous ses airs de comédie populaire et d’aventure, le film cache un message politique assez costaud, jouant sur les paradoxes du choc entre l’Occident et l’Orient, dénonçant presque le colonialisme français de l’époque en Afrique du nord.

OSS 117 – Le Caire, nid d’espions est donc un renouveau du genre, un souffle purificateur dans le paysage cinématographique français qui semblait tourner en rond ; pour une fois, on assiste à du vrai cinéma, ceux comme on les aime, mélangeant les genres et sans prise de tête, sans être toutefois dénué d’un message. La suite est d’ores et déjà annoncée : vivement !

Note : ****

jeudi 1 juin 2006

Eternal sunshine of the spotless mind


Une ode à l’amour décalée et originale que cet Eternal sunshine of the spotless mind.

Suite à une rupture, Clémentine fait effacer de sa mémoire tous les souvenirs qu’elle a de Joel, son ex. Lorsque celui-ci l’apprend, il est d’abord anéanti mais décide de faire de même. Mais durant l’opération, Joel va dérégler le système, et tenter de conserver finalement ce pourquoi il aimait Clémentine… Vous avez dit farfelu ? Normal, c’est Charlie Kauffman à la plume.

Charlie Kauffman, c’est le scénariste à la mode, l’écrivain métaphysique dont on sait finalement peu de choses mais don chaque film est attendu avec impatience. Quoi de plus logique quand on a écrit des films comme Dans la peau de John Malkovich ou Adaptation. C’est bien simple, son nom devient au générique aussi important que celui des acteurs ou du réalisateur. Le roi des histoires décalées s’associe donc ici avec Michel Gondry pour cette histoire d’amour qu’il voulait enfin proche de la réalité.

Michel Gondry, c’est un frenchie habitué du clip (Björk notamment) et qui a déjà bossé avec Kauffman sur Human Nature. Autant dire que la réalisation absurde ne lui fait pas peur. Le duo peut donc travailler en toute quiétude. Preuve que ça marche : le film est réusis de A à Z, où certains y verront une parabole à Alzheimer tandis que d’autres ne verront qu’une histoire d’amour comme on en voit que trop rarement au cinéma : originale.

Surtout qu’au casting, que du lourd : Jim Carrey, Kate Winslet, Mark Ruffalo, Elijah Wood, Kirsten Dunst et Tom Wilkinson. Sympathique, mais pas seulement : Jim Carrey et Kate Winslet trouve en effet là l’opportunité de bluffer tout le monde. Cette fois, on inverse els rôles : c’est Winslet la déjantée et Carrey le déboussolé. Des rôles qui leur vont à merveille d’ailleurs : Winslet se relâche et offre une tornade de fraîcheur au film, tandis que Carrey prouve que c’est un acteur à part entière, capable de jouer aussi de ses sentiments (à l’image d’un Truman Show ou Man on the Moon). Les autres, rien à redire, chacun joue à son rythme et, au final, tout concorde.

On en viendrait même presque à oublier ce qui entoure les acteurs : une réalisation impeccable (que certains qualifieront peut-être de clipesque) et un scénario incroyable. Si le dérèglement chronologique est bien plus léger que dans les précédents scénarios de Kauffman, il n’en est pas moins désagréable : que du contraire, moins confus que celui d’Adaptation., il apparaît comme essentiel à la compréhension de certaines scènes. Formant ainsi de chaque scène un élément indispensable au bon déroulement d el’histoire, et créant donc un scénario cohérent.

A la musique, on peut apprécier les compositions de Jon Brion, compositeur attitré de Paul Thomas Anderson, qui signe une b.o. exemplaire, bien dans la mouvance tantôt psychédélique tantôt mélancolique du film.

Car c’est aussi ça Eternal sunshine of the spotless mind : de l’incompréhensible, du sentimental, du barré, du dérangé, du métaphysique, de l’effrayant, du romantique, du tragique, de la comédie, du mélancolique… Un peu comme chaque relation humaine en fin de compte. C’est peut-être ça finalement qui nous fait apprécier le film: un sentiment de déjà vécu, une suite de sensations qu’on aimerait ne jamais oublier…

Note : ***