samedi 30 septembre 2006

Nos jours heureux


La nouvelle génération de cinéastes français va-t-elle redorer le blason d’un cinéma en déclin ? C’est en tout cas ce que nous amène à croire Nos jours heureux, un film sans prétention si ce n’est de faire rire encore et encore !

Déjà auteurs de Je préfère qu’on reste amis, qui fut un joli succès, Eric Toledano et Olivier Nakache retrouvent Jean-Paul Rouve pour cette histoire sur fond de colonie de vacances. Sujet un peu bateau certes, dont on pourrait craindre le pire, et qui pourtant trouve très vite ses marques et nous fait rire sans arrières pensées.

Car fait assez digne pour être souligné, Nos jours heureux ne sombrent jamais dans l’humour gras, prévisible, ou pire teinté de pathos à divers moments. Même dans les moments les plus tristes, on trouve un petit quelque chose qui nous fait esquisser un sourire au lieu de verser une larme. A l’heure des American Pie et œuvres de frères Wayans, cet humour délicat, d’une simplicité qui fait son efficacité, est un véritable régal. On retombe presque dans un comique français de grande classe, style années Veber où les gosses remplacent Pierre Richard. Encore qu’à la longue, les enfants deviennent des adultes et inversement. Les relations amoureuses, par exemple, sont diamétralement opposées : tandis que les enfants semblent presque des pros en la matière, leurs aînés ressemblent à des ados fougueux ou d’une timidité maladive…

Si le scénario rythmé est important, le casting contribue beaucoup lui aussi à la réussite du film. Hormis la part belle laissée à Rouve, narrateur de l’histoire, chaque personnage se voit doter d’une valeur égale à un autre, qu’il s’agisse des enfants ou des adultes. Chacun se laisse aller, dans la joie et la bonne humeur, et prend visiblement plaisir à jouer son rôle. Rouve domine quand même largement la partie, suivi de très près par Joséphine de Meaux qui joue les coincées à merveille. Chaque personnage, à sa manière, contribue au bon fonctionnement de l’histoire, et le tout est cohérent, ce qui augmente encore plus le plaisir.

On regrettera, peut-être, quelques stéréotypes inévitables, comme les jeunes de banlieue, le Canadien et son humour particulier, ainsi que le cliché sur l’histoire d’amour entre Rouve et Julie Fournier… Il ne faudrait pourtant pas en faire la tâche essentielle du film, puisque dans le fond, on a déjà vu bien pire.

Nos jours heureux est donc une comédie sans prétention, d’où sa force, où les cinéastes semblent avoir clairement compris l’importance du timing et nous épargne un humour calculé pour quelques séquences qui, finalement, pourraient aussi nous arriver si on faisait des colos. D’ailleurs, rien que pour vérifier cette dernière idée, on se laisserait bien tenter.

Note : ****

Ils


A-t-on le droit d’en vouloir au cinéma français de se risquer dans le cinéma de genre ? Bien sûr que non, d’autant que certains y parviennent brillamment (Florent Emilio-Siri par exemple). Mais c’est avec des œuvres comme Ils qu’on en vient quand même à être dégoûté d’essais aussi foireux.

Soyons honnêtes, on sent de la bonne volonté de la part des cinéastes : tenter un genre pas évident sous un angle plus « humain » en s’inspirant d’une de nos plus grosses peurs : l’intrusion d’étrangers dans notre maison. Seulement voilà, un peu de personnalité n’a jamais tué personne, et Ils en manque complètement. Surfant sur la mode des effets « saisissants » à la manière du ciné nippon ou de certains Shyamalan, plus un petit côté « pris sur le vif » comme Blair Witch, Ils n’invente donc rien.

Si la mise en scène tente d’instaurer un climat oppressant, on ne peut être qu’à moitié convaincu, et ce n’est certainement pas le scénario bateau qui va aider le film. Oui, le final est symbolique, mais bon sang, autant bâclé c’est honteux ! On a l’impression qu’il ne s’agit là que d’un prétexte au film, une sorte de point de départ pour plaire aux producteurs et se la jouer cinéma engagé socialement à la manière d’un Romero. Sauf que, face à l’ennui ambiant du film, le final passe mal. Ennui oui, car passé une intro inutile (quel est le rapport avec le reste du film svp ?), il faut attendre la moitié du film avant que la tension monte (hum hum…), et le tout tourne ensuite en rond sur base de rebondissements qui ne surprendront personne tant ils sont prévisibles…

On ne peut pas vraiment en vouloir à Olivia Bonamy et Michael Cohën, par ailleurs convenables sans être transcendants (encore que Bonamy aurait surmonter ses peurs les plus profondes pendant le tournage…), de s’être laissé séduire par un scénario qui, convenablement exploité et par conséquent retravaillé avec rigueur, aurait pu être au minimum prenant, un scénario qui aurait tenu le spectateur en haleine durant 1h20. Le rêve est permis, le retour à la réalité difficile…

Une déception de plus donc de la part d’un cinéma français décidemment en chute libre, qui perd de vue ses possibilités (la comédie) pour tenter de concurrencer les USA dans leur domaine. Mais jusqu’à présent, David n’a toujours pas battu Goliath…

Note : *

mercredi 27 septembre 2006

Ed Wood


Le problème de Tim Burton, c’est qu’il est bougrement génial, mais hélas un peu trop manichéen pour être grandiose. Alors que son Beetlejuice laissait pourtant présager un cinéaste plus que remarquable, on était loin de se douter à quel niveau se hisserait cet immense chef-d’œuvre qu’est Ed Wood !

Délaissant pour la première (et, à ce jour, pour la seule) fois le fantastique à proprement parler pour aborder la réalité, Tim Burton choisit pas moins que le réalisateur Ed Wood Jr comme sujet. Fait étonnant car Wood n’a rien d’une vedette mais est plutôt considéré comme le « plus mauvais réalisateur de tous les temps » !

A travers ce pape de la série Z, auquel le film offre un véritable chant d’amour, c’es toute une forme de cinéma que Burton salue, celle des petits cinéastes inventifs car fauchés, artistes car pas bouffés par le système, d’une foi inébranlable non pas en leur talent mais en leur amour du cinéma. Bref, un cinéaste comme l’était Burton à ses débuts, et qu’il a l’impression de ne plus être depuis des œuvres comme Batman et Batman : le défi. Ce n’est pas tant la médiocrité du cinéaste que le tout Hollywood que Burton fustige : les boîtes qui produisent « de la merde », les speakerines qui refusent des rôles jusqu’à ce qu’elles soient au chômage, le système de vedettariat qui fait sombrer des vedettes comme Bela Lugosi dans l’oubli, jusqu’à un faux pas qui lui sera fatal…

A travers Ed Wood, on a donc l’impression que Burton veut faire son 8 ½, se rappeler un passé qu’il a peut-être connu avant de réaliser des films comme Beetlejuice ou Edward aux mains d’argent. C’est un cri d’amour envers le cinéma mais c’est aussi un cri d’amour envers ses influences diverses. La série Z, qui a bercé Burton, trouve ici un ardent défenseur, qui ne critique pas mais admire plutôt avec tendresse la conception de ces films de troisième zone, sans un sou et une once de talent, mais avec une passion énorme (n’en faut-il pas pour accepter de travailler dans de telles conditions ?)

C’est sans doute pour cela que Tim Burton aime filmer certaines scènes comme l’aurait fait Ed Wood (voir la scène d’intro et le générique) mais, surtout, opte pour une réalisation très mature, à la fois très calme et presque poétique avec son noir et blanc contrasté. On plonge dans une époque mais aussi dans un univers à part, un univers purement cinématographique où, commandant un alcool au bar du coin, le plus mauvais cinéaste de tous les temps rencontre le meilleur alias Orson Welles, sur fond de musique des fifties et se distinguant à peine l’un l’autre dans ce coin obscur de la pièce envahit de fumée de cigare… Mais si Burton aime l’émotion, il n’en garde pas moins un sens de l’humour burlesque, moins noir que dans ses autres films certes mais remarquable. Il y va d’une légère attaque envers Hollywood mais ce n’est pas là son sujet principal.

Tim Burton signe là son film le plus réfléchi donc, mais offre aussi l’un de ses meilleurs rôles à Johnny Depp. Ce dernier, n’hésitant pas à jouer avec son image, compose un Ed Wood quasi mégalomane, pas spécialement intelligent mais rusé, travesti à ses heures qui rêve de faire son Citizen Kane à tout prix. Rarement Johnny Depp, pourtant très bon acteur, aura été aussi immense dans un rôle ; il ne joue plus Ed Wood, il devient Ed Wood vu par Tim Burton (il faut en effet garder quelques distances avec le film et la réalité), à tel point qu’il écrase le reste du casting (pourtant très bon) composé de Sarah Jessica Parker, Patricia Arquette et Bill Murray. Seuls Vincent D’Onofrio en Orson Welles et surtout Martin Landau en Bela Lugosi en fin de parcours savent lui tenir tête avec panache.

Maîtrisé de A à Z, tour à tour sarcastique et comique, dramatique et poétique, Ed Wood est sans doute le film le plus « classique » de Burton (ce qui dérouta les spectateurs) mais aussi son plus abouti cinématographiquement, comme si le temps de ce film Burton avait atteint les sommets pour y laisser une empreinte indélébile. Plus qu’un hommage, un chef-d’œuvre.

Note : *****

mercredi 20 septembre 2006

Tideland


Ah ça, on l’attendait le retour du déjanté Terry Gilliam ! Après l’avortement douloureux de The man who killed Don Quixotte, après le trop convenu Frères Grimm, on attendait un Gilliam comme on les aime vraiment, un dingue de l’imaginaire, un taré de l’image, un loufoque du scénario ! Hélas, Tideland ne tient que la moitié de ses promesses.

Terry Gilliam déclare à propos de Tideland : "C'est la rencontre de « Alice au pays des merveilles » et de « Psychose ». C'est l'histoire d'une enfant qui se construit comme elle peut en dépit d'une grande souffrance. C'est une fable de survie dans des circonstances plutôt étranges." Ok, le mélange est des plus troublants… et des plus fascinants. Mais si l’hommage rendu à Hitchcock est à la hauteur (l’effrayante maison abandonnée, cette manie taxidermiste des dingues en puissance…), celui rendu à Lewis Carroll est un peu en dessous des espérances. Bon, il y a bien quelques idées par-ci par-là, mais dans l’ensemble, on s’attendait à quelque chose de vraiment fascinant, d’étrangement fantastique. Mais même le coup du terrier de lapin n’est pas exploité, alors…

Et c’est dommage car Terry Gilliam semble retrouver un pu de sa forme, même si l’échec de The man who killed Don Quixotte semble l’avoir traumatisé pour toujours, puisque moins fou et plus accessible qu’auparavant (il est donc fort à craindre de ne plus jamais assister à un nouveau Brazil…). Gilliam a toujours son sens du cadrage et de la composition, certains plans ressemblant vraiment à des tableaux un peu impressionnistes. Mais pour le reste, c’est plus vraiment ça : le rythme n’est pas là, si bien qu’1h45 semble durer bien plus longtemps. La mise en place de l’action est assez rapide, j’en conviens, mais ça traîne, ça traîne…

D’autant que certains éléments nous font vraiment poser des questions. Si on apprécie les délires de Gilliam, certains trouvent ici une image un peu trop malsaine. On en ri bien un peu, mais la nécrophilie et surtout la pédophilie ambiante à certains moments ne sont pas des plus appropriés pour ce récit qui tient assez de la fable pour enfants, je trouve…

Mais le film n’est pourtant pas un échec total. Comme cité précédemment, Terry Gilliam est loin d’être mauvais une caméra à la main, et ici ce sont surtout les acteurs qui impressionnent, même si la jeune Jodelle Ferland écrase tout. Si jeune et déjà si douée ! A elle seule, elle vaut le déplacement, petite fille perdue dans un univers étrange, mélange de réalité et de cauchemar, cherchant à se construire elle-même. Déjà étonnante dans Silent Hill, cette jeune demoiselle d’à peine 12 ans semble être la valeur sûre de demain.

Terry Gilliam à propos de Tideland : "Avec ce film, mon enjeu était de retrouver mon enthousiasme de cinéaste. J'espère que les spectateurs seront surpris, déroutés, séduits et émus. Si nous avons bien travaillé, il y aura des rires, de l'émotion, et peut-être les gens en sortant verront-ils le monde et les autres un peu différemment..." La volonté de bien faire était donc là. Dommage qu’on ne parvienne pas toujours à la hauteur de ses ambitions…

Note : **

samedi 16 septembre 2006

Le Village des Damnés (Village of the Damned)


Il y a de ces films qui, l’air de rien, sont des petits classiques. Dans le domaine du fantastique, il convient de saluer le petit bijou qu’est Le village des damnés.

Film anglais au petit budget, le film provoqua sa petite dose de frayeur à l’époque pour une raison très simple : cette fois, ce n’était plus des loups-garous, des vampires ou autres monstres qui effrayaient la populace, mais bien des enfants ! De charmantes têtes blondes (et ce n’est pas une image) capables de lire dans vos pensées et, pire, de les contrôler.

Wolf Rilla prend donc le pari d’effrayer avec des enfants, et il faut reconnaître que ça marche. Beaucoup d’éléments jouent en sa faveur ; d’abord, ce ne sont pas monstres ordinaires, même s’ils auront leur quota de frayeur par après (La malédiction, par exemple). Mais l’élément qui, inconsciemment, peut faire peur, est probablement le profil des enfants : blonds aux yeux bleus, un esprit sain et savant dans un corps sain… Eh oui, c’est l’archétype même de l’Aryen comme le désirait Hitler. Le film n’est jamais séparé de la Guerre que de 15 ans, et les traces du nazisme sont encore là… Rilla en profite donc pour attaquer les extrémistes, et tenter de convaincre que laisser faire une race supérieure s’avérerait dangereuse pour l’homme. A noter tout de même la pudeur de Rilla, qui ne filme jamais une mort de face (que ce soit le suicide au fusil d’un fermier ou l’immolation d’un vieil homme venu tuer les enfants…)

Le film est très britannique dans son ensemble : décor de village presque typique, amour d’un certain milieu rural… Le noir et blanc est également superbe, très contrasté mais qui laisse pourtant apparaître les éclairs de rage des enfants quand ils manipulent les gens…
Les acteurs, sans être exceptionnels, ne déshonorent pas le film. Le trio principal (George Sanders, Barbara Shelley et Michael Gwynn) sonne juste, mais ce sont bien les enfants qui ont toutes notre attention, et en particulier le jeune Martin Stephens, redoutable meneur de la troupe, duquel émane un sentiment étrange, mélange de fascination et de terreur. Pour son âge, il jouait de manière remarquable, bien dommage qu’il n’ait plus rien fait par la suite…

Dommage cependant que le film, pourtant de courte durée, mets un certain temps avant de réellement démarrer. Le passage où le village se voit endormi est un rien trop long, ce qui contraste avec la relative rapidité de la suite (les enfants n’étant vraiment importants qu’à partir de la moitié du film…) Il y a aussi ce sentiment de fin bâclée, trop facile, où on s’attend à un retournement de situation qui, finalement, n’arrive pas. Reste alors un goût d’inachevé, presque de la tristesse de voir une telle fin pour un tel film.

Il n’empêche que le film, dont John Carpenter réalisera un remake avec Christopher Reeve et Kirstie Alley, garde 46 ans après sa réalisation, ce petit charme de discret de film, certes petit mais diaboliquement culte.

Note : ***

lundi 11 septembre 2006

La Guerre des Etoiles (Star Wars : A New Hope)


1977. Devant un cinéma, des centaines de spectateurs trépignent d’impatience. Certains sont là pour revoir le même film une cinquième fois. De mémoire, le patron du ciné local ne se souvient pas d’un tel engouement. Il faut dire que ce n’est pas n’importe quel film qui est projeté : il s’agit de Star Wars !

Sorti sur une petite trentaine de copies, Star Wars attira immédiatement les foules et devint un véritable phénomène de société. En quelques mois, il atteignit la barre des 100 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, devenant le film le plus rapide de l'histoire d'Hollywood à réaliser cet exploit commercial. Depuis, il s'est maintenu aux sommets du box-office avec 461 millions de dollars de recettes sur le sol américain et 798 millions de dollars récoltés dans le monde. Il a même réussi, indirectement, à créer une culture Star Wars, où dominent la Force et où dont les adeptes apprennent à parler le wookie et confectionnent des sabres lasers. En 1978, le film remporta sept Oscars (Meilleurs son, musique, montage, costumes, effets visuels, décors et effets sonores), et fut également nominé dans les prestigieuses catégories de Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur scénario et Meilleur second rôle masculin (Alec Guinness). Un honneur rare pour les films de science-fiction, souvent ignorés par l'Académie des Oscars. Le film remporta également dix Saturn Awards (les Oscars du fantastique) la même année. Il fut à l’origine d’ILM, devenue depuis LA référence incontournable en matière d’effets spéciaux (avec à son palmarès une trentaine d’Oscars et des films comme Backdraft, Abyss, Terminator 2, Starship Troopers, En pleine tempete, Pearl Harbor, La Momie, la saga Jurassic Park, Men in Black, Harry Potter à l'école des sorciers, Signes, Gangs of New York ou Minority report…). Mais pourquoi diable Star Wars a-t-il connu un tel succès ?

Peut-être pour son univers. George Lucas n’a en effet pas fait les choses à moitié : il s’agit d’un des plus grands mélanges de genres dans le monde du cinéma. Star Wars, c’est de la science-fiction, du space opéra, du western, de l’action, du romantisme, de la comédie, du suspens, de l’initiatique… Le tout extrêmement travaillé et référencié : Lucas n’a pas hésité à s’adjoindre les services de spécialistes en mythologie pour faire son film ! Il faut dire que nombre de mythes, contes et légendes sont présents dans le film, presque autant que les inspiration cinéphiliques et littéraire. En effet, ce n’est plus un secret que Lucas s’est inspiré de La Forteresse cachée d'Akira Kurosawa, dont il avoue être un grand admirateur, de John Carter sur Mars d'Edgar Rice Burroughs, de Flash Gordon d'Alex Raymond, de Metropolis de Fritz Lang (auquel le design de C-3PO rend hommage), de L'Odyssée d'Homère, des oeuvres de William Shakespeare ou encore du Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien, dont certains éléments narratifs ont clairement été intégrés au récit, ainsi que de Triumph of the Will de Leni Riefenstahl. Le design des costumes, armes et vaisseaux de la saga renvoie quant à lui directement à divers styles militaires. La tunique des Jedis reprend le style des amples kimonos japonais, tandis que l'armure et le casque de Darth Vader sont clairement inspirés de l'armure des samouraïs. Les uniformes de l'empire descendent pour leur part directement des uniformes nazis, alors que les combinaisons orange des pilotes rebelles évoquent les combinaisons de l'US Air Force. Enfin, l'arme des Jedis, le sabre laser, contribue à renforcer l'aspect "chevaleresque" de ces combattants. Enfin, Lucas rendait célèbre des inconnus (auquel tout le monde pouvait s’identifier) comme Mark Hammil, Carrie Fisher ou Harrison Ford, tandis que mythique Alec Guiness servait de second rôle important. Il est incroyable de noter d’ailleurs toutes les anecdotes et légendes qui entourent le casting : Jodie Foster et Sissy Spacek ont failli incarner la princesse Leïa, tandis que Burt Reynolds, Nick Nolte, Christopher Walken et Richard Dreyfuss avaient un temps été considérés pour incarner Han Solo ; enfin, concernant les acteurs, Lucas voulait Orson Welles dans le rôle de Dark Vador et Toshiro Mifune dans le rôle d’Obi-Wan Kenobi.

Peut-être pour son scénario, qui en plus de mélanger les genres et d’être travaillé, abordait des thèmes universels : amour, amitié, initiation, relation père-fils entre Luke et Obi-Wan… Il y a dans l’histoire de Star Wars quelque chose d’enfantin mais aussi quelque chose de terriblement adulte, ce qui permet au film de toucher tous les publics possibles. Et il faut compter sur le travail précis de chaque personnage, très élaboré pour permettre l’identification : Luke l’apprenti Jedi, Leïla la princesse courageuse, Han Solo l’aventurier cynique, Darth Vader le méchant indestructible… Autant de personnage qui provoque la sympathie (ou l’antipathie) de manière équivoque.

Peut-être finalement pour la musique de John Williams. Y a-t-il musique devenue plus incontournable ? Sur un thème unique, Williams a créer une émotion, un son reconnaissable et surtout une possibilités quasi infinies de variation (comme le prouveront les futurs partitions à venir des autres épisodes) et qui parvient à capter à merveille l’esprit du film, et à s’attacher aux images de façon à ce qu’on ne sache plus les dissocier.

Néanmoins, les détracteurs existent bel et bien. Paul Schrader, par exemple, disait : « La guerre des étoiles, c’est le film qui a bouffé l’âme et le cœur d’Hollywood. On lui doit la vague des bandes dessinées à gros budget, et la mentalité qui va avec. » Peut-on lui donner tort ? Star Wars a fondamentalement changé le cinéma américain, qui a du revisiter ses standards du divertissement. Du coup, le cinéma indépendant en a subi les dommages collatéraux. Star Wars a également, avec Les dents de la mer, créé le concept de « blockbuster », et a surtout lancer la mode des produits dérivés (pour l’anecdote, Lucas refusa une partie de son salaire pour avoir les droits de l’exploitation de ces produits dérivés : plusieurs centaines de millions de dollars furent la récompense de ce pari risqué…). Star Wars fut donc, bien malgré lui et Lucas, le coup décisif qui transforma Hollywood non plus e industrie cinématographique mais en machine à fric.

En dépit, Star Wars mérite mieux que sa réputation de film culte : c’est tout simplement un grand film. Il restera le fondateur de la saga la plus célèbre de l’Histoire du cinéma, et ne sera réellement battu que par l’épisode qui le suivra, L’empire contre-attaque. Mais là, c’est une autre histoire…

Note : ****

jeudi 7 septembre 2006

The Outsiders


Francis Ford Coppola est un grand, qu’on se le dise. Et si sa carrière a été composée de hauts et de bas, la majorité de ses films restent de bonne qualité, à l’image de ces Outsiders.

La filmographie de Coppola est très facile à analyser : c’est un cinéaste qui change par décennie. Je m’explique : après avoir lentement débuté dans les années 60, il a réalisé dans les années 70 ses plus grands chefs-d’œuvre (Le Parrain, Conversation secrète, Le Parrain II et Apocalypse Now), tenté de révolutionner le cinéma (Coup de cœur, Rusty James) tout en voulant épargner sa société American Zoetrope de la faillite (Outsiders) dans les années 80 avant de sombrer, la décennie suivante, dans des films qui ne correspondaient plus à sa vision du monde mais était destiné à faire de l’argent au box-office (Le Parrain III, Dracula). The Outsiders vient donc se placer dans la décennie ambiguë, celle des années 80. A l’époque, Coup de cœur a été un échec très important, et Coppola doit donc faire un succès public pour continuer à rester dans la course. N’a-t-il jamais avoué lui-même avoir voulu faire un « Parrain pour les enfants » ?

Cependant, Coppola est toujours dans sa phase d’expérimentation. Il décidé donc réutiliser les techniques de tournage électronique expérimentées sur son film précédent. Il engagea de jeunes acteurs inconnus et les sépara en deux groupes dans l'hôtel où ils logeaient : tandis que les interprètes des "Socs" (les jeunes bourgeois du film) occupaient les appartements luxueux et qu'il leur était distribué des exemplaires du scénario reliés de cuir, ceux des "Greasers" (les pauvres) étaient confinés au rez-de-chaussée, avec des pages volantes en guise de script. Le cinéaste voulait ainsi créer une certaine tension entre eux, à l'instar de celle qui les oppose à l'image. En définitive, la réalisation de Coppola est superbe, l’utilisation de la lumière et des couleurs qu’il fait faisant vraiment penser à des peintures vivantes. Il y a également quelques plans étonnants, comme ceux où il utilise la profondeur de champ.

Mais où est le problème alors ? Peut-être dans le scénario. Adapté d’un roman de Susan Hinton, comme le sera la même année Rusty James, le film reste malgré tout presque enfantin. Mais ce qui est étonnant, c’est que Coppola délaisse la sociologie, son domaine de prédilection, pour simplement raconter une histoire de bandes, presque comme dans La fureur de vivre. Et alors que Rusty James brillait par son ambiance mélancolique, Outsiders regorge de pathos qui diminuent la portée du film. On se dit que c’est pas possible, que Coppola ne peut réaliser un film moyen et un chef-d’œuvre la même année, avec le même matériel de base. Eh pourtant si, c’est le cas. Le film est sensible, c’est vrai, mais hormis la réalisation on a pas l’impression de voir un Coppola, l’idée du tragique ayant disparu.

Quelque chose me laisse perplexe cependant ; en analysant bien le film, on peut se demander si Outsiders ne serait pas une réponse de Coppola à tous ses détracteurs, une métaphore sur sa situation d’artiste. Il y a l’opposition entre les riches (les studios) et les pauvres (les cinéastes indépendants), et les bagarres sont fréquentes. Pourtant, ce sont les pauvres qui l’emportent, sont les plus sympas, etc. mais on apprend, finalement, que se battre ne sert à rien. Coppola justifierait-il ainsi ses collaborations avec les studios, ce qui du coup pourrait le décrédibiliser lorsqu’il prône un cinéma libéré d’Hollywood ? Le mystère reste entier.

Coppola a cependant le mérite de révéler, le temps de ce film, une pléiade de talents : Ralph Macchio (le futur Karaté Kid), C. Thomas Howell, Matt Dillon, Patrick Swayze, Emilio Estevez, Tom Cruise, Rob Lowe, Diane Lane et Tom Waits, rien que ça ! Coppola sera d’ailleurs salué pour sa direction d’acteur dans ce film, qui est en effet réussie et maîtrisée.

On regrettera donc que Coppola, ce génie, n’ai vu en Outsiders qu’une important possibilité économique (le livre fut un best-seller) et une légère possibilité artistique. Heureusement qu’il se donnera à fond pour le film suivant, Rusty James…

Note : ***

dimanche 3 septembre 2006

Nous nous sommes tant aimés (C'eravamo tanto amati)


Parmi les cinéastes italiens, rares sont ceux qui atteign(ai)ent le niveau d’Ettore Scola. Et Nous nous sommes tant aimés fait assurément partie de ses meilleurs films !

Propos du réalisateur : "Mon idée de départ était de faire un film sur notre génération, la génération des gens de quarante ans, même si Agenore Incrocci et Furio Scarpelli ont quelques années de plus. C'est l'âge des bilans, des "check-up" physiques et psychologiques. Nous avons donc pensé réaliser un film sur ce bilan, sur ce que nous étions devenus, sur ce que l'Italie était devenue au cours des trente dernières années, de la Résistance à aujourd'hui." Ettore Scola visait donc, avec ce film, a dresser le portrait de toute une génération d’hommes et de femmes désabusés, une génération qui n’avait peut-être pas su suivre les modifications de Monde après la Guerre. Ces esprits libres, pour qui la vie devait primer sur tout après un conflit aussi dur, vont finalement se faire dépasser par leurs époques, vivant trop souvent dans le passé et refusant d’avancer, si ce n’est le personnage de Vittorio Gassman. Chacun y laissera quelque chose, surtout au niveau idéologique : comme le dit un des héros « on a voulu changer le monde, mais c’est le monde qui nous a changé ».

Cependant, il faut voir plus que cela encore : Nous nous sommes tant aimés, c’est aussi une histoire d’amitié comme on en connaît finalement tous : on croit à quelque chose de solide au début, puis on se perd de vue et on se retrouve pour se reperdre aussitôt. Les rapports humains, élément important dans le style du réalisateur, trouvent ici un tremplin formidable, où les héros se retrouvent et se déchirent au fil des passions, qu’elles soient amoureuses ou idéologiques. Mais là aussi le temps fait des ravages…

Le film est aussi un hommage appuyé au cinéma italien, celui qui a influencé Scola. On commence donc par le néo-réalisme, représenté par Vittorio de Sica, indirectement personnage clé du film puisqu’il pousse l’un des trois héros à monter jusque Rome pour tenter de devenir critique cinéma. Ensuite vient Fellini, dont une partie de la structure narrative lui est dédiée en plus de la célèbre scène où Fellini lui-même, accompagné de Mastroianni tournent La Dolce Vita. Enfin, il y a du Antonioni dans le film, qui outre son ambiance inspire Scola pour une séquence avec Giovanna Ralli.

Le scénario est donc très riche, mais il ne faudrait tout de même pas oublier la réalisation de Scola. Si celui-ci n’invente rien dans sa mise en scène, il parvient néanmoins à être original et décale assez son récit pour que le drame devienne une fable douce amer. Quelques effets donnent même au film un aspect comique. Scola aime également jouer avec la réalité pour mieux la déformer. L’ironie de la scène entre Gassman et sa femme morte dans la décharge de voitures souligne le côté misérable de cette discussion.

Les acteurs, quant à eux, sont tous remarquables. Bien sûr, c’est le trio vedette qui l’emporte, même si les regrettés Nino Manfredi et Vittorio Gassman dominent tout, même Stefano Satta Flores. Comme Scola l’avouera lui-même, il y a un petit peu de lui dans chaque personnage, et c’est sans doute ce qui explique l’homogénéité du tout…

Une œuvre en tout point remarquable, qui fit d’Ettore Scola un cinéaste majeur du paysage cinématographique italien et, soyons francs, du cinéma mondial, puisqu’on parle toujours de faire un remake de ce petit bijou qu’est Nous nous sommes tant aimés…

Note : *****