dimanche 3 septembre 2006

Nous nous sommes tant aimés (C'eravamo tanto amati)


Parmi les cinéastes italiens, rares sont ceux qui atteign(ai)ent le niveau d’Ettore Scola. Et Nous nous sommes tant aimés fait assurément partie de ses meilleurs films !

Propos du réalisateur : "Mon idée de départ était de faire un film sur notre génération, la génération des gens de quarante ans, même si Agenore Incrocci et Furio Scarpelli ont quelques années de plus. C'est l'âge des bilans, des "check-up" physiques et psychologiques. Nous avons donc pensé réaliser un film sur ce bilan, sur ce que nous étions devenus, sur ce que l'Italie était devenue au cours des trente dernières années, de la Résistance à aujourd'hui." Ettore Scola visait donc, avec ce film, a dresser le portrait de toute une génération d’hommes et de femmes désabusés, une génération qui n’avait peut-être pas su suivre les modifications de Monde après la Guerre. Ces esprits libres, pour qui la vie devait primer sur tout après un conflit aussi dur, vont finalement se faire dépasser par leurs époques, vivant trop souvent dans le passé et refusant d’avancer, si ce n’est le personnage de Vittorio Gassman. Chacun y laissera quelque chose, surtout au niveau idéologique : comme le dit un des héros « on a voulu changer le monde, mais c’est le monde qui nous a changé ».

Cependant, il faut voir plus que cela encore : Nous nous sommes tant aimés, c’est aussi une histoire d’amitié comme on en connaît finalement tous : on croit à quelque chose de solide au début, puis on se perd de vue et on se retrouve pour se reperdre aussitôt. Les rapports humains, élément important dans le style du réalisateur, trouvent ici un tremplin formidable, où les héros se retrouvent et se déchirent au fil des passions, qu’elles soient amoureuses ou idéologiques. Mais là aussi le temps fait des ravages…

Le film est aussi un hommage appuyé au cinéma italien, celui qui a influencé Scola. On commence donc par le néo-réalisme, représenté par Vittorio de Sica, indirectement personnage clé du film puisqu’il pousse l’un des trois héros à monter jusque Rome pour tenter de devenir critique cinéma. Ensuite vient Fellini, dont une partie de la structure narrative lui est dédiée en plus de la célèbre scène où Fellini lui-même, accompagné de Mastroianni tournent La Dolce Vita. Enfin, il y a du Antonioni dans le film, qui outre son ambiance inspire Scola pour une séquence avec Giovanna Ralli.

Le scénario est donc très riche, mais il ne faudrait tout de même pas oublier la réalisation de Scola. Si celui-ci n’invente rien dans sa mise en scène, il parvient néanmoins à être original et décale assez son récit pour que le drame devienne une fable douce amer. Quelques effets donnent même au film un aspect comique. Scola aime également jouer avec la réalité pour mieux la déformer. L’ironie de la scène entre Gassman et sa femme morte dans la décharge de voitures souligne le côté misérable de cette discussion.

Les acteurs, quant à eux, sont tous remarquables. Bien sûr, c’est le trio vedette qui l’emporte, même si les regrettés Nino Manfredi et Vittorio Gassman dominent tout, même Stefano Satta Flores. Comme Scola l’avouera lui-même, il y a un petit peu de lui dans chaque personnage, et c’est sans doute ce qui explique l’homogénéité du tout…

Une œuvre en tout point remarquable, qui fit d’Ettore Scola un cinéaste majeur du paysage cinématographique italien et, soyons francs, du cinéma mondial, puisqu’on parle toujours de faire un remake de ce petit bijou qu’est Nous nous sommes tant aimés…

Note : *****

0 Comments: