mercredi 27 septembre 2006

Ed Wood


Le problème de Tim Burton, c’est qu’il est bougrement génial, mais hélas un peu trop manichéen pour être grandiose. Alors que son Beetlejuice laissait pourtant présager un cinéaste plus que remarquable, on était loin de se douter à quel niveau se hisserait cet immense chef-d’œuvre qu’est Ed Wood !

Délaissant pour la première (et, à ce jour, pour la seule) fois le fantastique à proprement parler pour aborder la réalité, Tim Burton choisit pas moins que le réalisateur Ed Wood Jr comme sujet. Fait étonnant car Wood n’a rien d’une vedette mais est plutôt considéré comme le « plus mauvais réalisateur de tous les temps » !

A travers ce pape de la série Z, auquel le film offre un véritable chant d’amour, c’es toute une forme de cinéma que Burton salue, celle des petits cinéastes inventifs car fauchés, artistes car pas bouffés par le système, d’une foi inébranlable non pas en leur talent mais en leur amour du cinéma. Bref, un cinéaste comme l’était Burton à ses débuts, et qu’il a l’impression de ne plus être depuis des œuvres comme Batman et Batman : le défi. Ce n’est pas tant la médiocrité du cinéaste que le tout Hollywood que Burton fustige : les boîtes qui produisent « de la merde », les speakerines qui refusent des rôles jusqu’à ce qu’elles soient au chômage, le système de vedettariat qui fait sombrer des vedettes comme Bela Lugosi dans l’oubli, jusqu’à un faux pas qui lui sera fatal…

A travers Ed Wood, on a donc l’impression que Burton veut faire son 8 ½, se rappeler un passé qu’il a peut-être connu avant de réaliser des films comme Beetlejuice ou Edward aux mains d’argent. C’est un cri d’amour envers le cinéma mais c’est aussi un cri d’amour envers ses influences diverses. La série Z, qui a bercé Burton, trouve ici un ardent défenseur, qui ne critique pas mais admire plutôt avec tendresse la conception de ces films de troisième zone, sans un sou et une once de talent, mais avec une passion énorme (n’en faut-il pas pour accepter de travailler dans de telles conditions ?)

C’est sans doute pour cela que Tim Burton aime filmer certaines scènes comme l’aurait fait Ed Wood (voir la scène d’intro et le générique) mais, surtout, opte pour une réalisation très mature, à la fois très calme et presque poétique avec son noir et blanc contrasté. On plonge dans une époque mais aussi dans un univers à part, un univers purement cinématographique où, commandant un alcool au bar du coin, le plus mauvais cinéaste de tous les temps rencontre le meilleur alias Orson Welles, sur fond de musique des fifties et se distinguant à peine l’un l’autre dans ce coin obscur de la pièce envahit de fumée de cigare… Mais si Burton aime l’émotion, il n’en garde pas moins un sens de l’humour burlesque, moins noir que dans ses autres films certes mais remarquable. Il y va d’une légère attaque envers Hollywood mais ce n’est pas là son sujet principal.

Tim Burton signe là son film le plus réfléchi donc, mais offre aussi l’un de ses meilleurs rôles à Johnny Depp. Ce dernier, n’hésitant pas à jouer avec son image, compose un Ed Wood quasi mégalomane, pas spécialement intelligent mais rusé, travesti à ses heures qui rêve de faire son Citizen Kane à tout prix. Rarement Johnny Depp, pourtant très bon acteur, aura été aussi immense dans un rôle ; il ne joue plus Ed Wood, il devient Ed Wood vu par Tim Burton (il faut en effet garder quelques distances avec le film et la réalité), à tel point qu’il écrase le reste du casting (pourtant très bon) composé de Sarah Jessica Parker, Patricia Arquette et Bill Murray. Seuls Vincent D’Onofrio en Orson Welles et surtout Martin Landau en Bela Lugosi en fin de parcours savent lui tenir tête avec panache.

Maîtrisé de A à Z, tour à tour sarcastique et comique, dramatique et poétique, Ed Wood est sans doute le film le plus « classique » de Burton (ce qui dérouta les spectateurs) mais aussi son plus abouti cinématographiquement, comme si le temps de ce film Burton avait atteint les sommets pour y laisser une empreinte indélébile. Plus qu’un hommage, un chef-d’œuvre.

Note : *****

1 Comment:

Ignigoweb said...

Vraiment d'accord avec toi. Je trouve que c'est l'un des meilleurs films de Tim Burton, je comprends pas qu'il soit pas plus reconnu que ça. En plus je trouve que effectivement Johny Depp joue là son meilleur rôle, et pourtant j'adore tout ce qu'il fait(oublions ses débuts) . Je comprend pas comment l'académie des oscars a pu passer à côté de ce chef d'oeuvre, et ne pas donner l'oscar à Johnny.