samedi 15 octobre 2005

Old Boy

Une petite bombe made in Corée que ce Old Boy.

Présenté au Festival de Cannes en 2004, présidé par Quentin Tarantino, le film reçoit le Grand Prix avant d’entendre par Tarantino lui-même que « le film a failli obtenir la Palme, à deux voix près. ». On pouvait donc s’attendre à quelque chose de bon… Et c’est le cas !

Old Boy, c’est la sombre histoire d’un quidam qui se voit kidnappé, séquestré pendant 15 ans et relâché sans raisons. Enfin pas tout à fat, car son bourreau a décidé de jouer encore un peu avec ses nerfs avant d’en finir…

Il faut savoir qu’Old Boy est adapté d’un manga très célèbre au Japon, d’où son esprit très guignolesque et effets à outrance. Pourtant, malgré toutes les fioritures de la mise en scène, on finit par tomber sous le charme.

Il faut dire que beaucoup de choses y aident : d’abord, les acteurs. Fabuleux, relativement sobres pour un continent qui mise souvent sur le sur-jeu, les interprètes, tant principaux que secondaires, sont très agréables à regarder ; à noter le magnifique Choi Min-Shik qui porte à lui seul le film vers les sommets : tantôt explosant d’émotions, tantôt tout en intériorisation, il a réussi à capter l’aura torturée de son personnage pour la transcrire à l’écran, et c’est véritablement saisissant.

Ensuite la mise en scène, qui bien qu’elle revêt par moments des aspects jeux vidéos, reste de très bonne facture : Park Chan-Wook réussi en effet à mélanger habilement émotions, humour et action. En usant de quelques effets réussis, il donne même au film une touche particulière, une sorte de tragédie shakespearienne poétique, un humour caustique en plus. Vient également le problème de la violence, qui a causé au film de sérieux ennuis : à ceux qui pensent cela, je le dirai de regarder le film à deux fois. En effet, la violence est accessoire dans ce film, Chan-Wook éloignant toujours sa caméra du sujet, à l’instar de la scène où Min-Shik arrache les dents avec un marteau ou la fameuse scène du coupage de la langue, proche dans le style de la scène de l’oreille de Reservoir Dogs ; Chan-Wook cadre juste les yeux, rien de plus, donc où est l’horreur ? Plus dans l’esprit de la scène que la scène elle-même. Tout ce qui pourrait choquer, c’est la scène du couloir, et voilà qu’elle est filmée de loin, comme pour prendre ses distances face à la réalité, la violence, et souligner que ce que nous voyons tient plus de l’imaginaire (esprit beat’em up) que du réel.

Et que serait le film sans son scénario ? Pas grand-chose, même si le final peu paraître désuet. Désuet en apparence seulement, car il relève bien plus que d’un scénario conventionnel, que ce serait contenté de l’idée de départ pour faire un bon gros film de baston sans queue ni tête. Seulement Park Chan-Wook, c’est du cinéma d’auteur, et son film se dirige au fil du temps vers le drame quasi-intimiste, vers une tragédie quasi-antique, même vers de la métaphore : Oh Dae-Soo veut se venger de celui qui l’a privé d’une vie normale, son tortionnaire fait de même. Le drame atteint son paroxysme sur la fin, à la suite du dernier des rebondissements (car il y en a). Sur le thème de la vengeance, Old Boy est probablement l’un des films les plus fins, les plus humains, les plu essentiels. On regrettera uniquement une petite facilité du scénario dans son dénouement final…

Un très bon film donc, une véritable bouffée d’air frais en provenance de l’Asie, et l’œuvre d’un cinéaste qui, s’il commet encore quelques erreurs, peut se vanter d’être l’avenir du cinéma coréen et un des piliers du cinéma asiat’ moderne ; du grand art.

Note : ****

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