samedi 8 juillet 2006

Capote


Une biographie étonnante que ce Truman Capote.

Resituons quand même le personnage pour les néophytes. Truman Capote n’est en fait qu’un des plus grands génies de la littérature américaine. Journaliste, scénariste (pour John Huston et Jack Clayton), dialoguiste (pour Vittorio De Sica) mais surtout romancier adulé (Diamants sur canapé, adapté par Blake Edwards avec Audrey Hepburn), il allait changé la façon d’écrire pour les années à venir en réalisant son chef-d’œuvre, De sang-froid, roman s’inspirant d’un fait divers et ayant pour particularité d’être le premier roman non fictionnel écrit comme un article de presse.

C’est à l’élaboration de ce livre que s’intéresse le film. Pas de biographie complète, non, rien qu’un aperçu des années qu’à passer Capote à écrire son livre, la manière dont il s’y est pris et ce qu’il lui en a coûté. Le titre est donc mensonger (on est en droit d’attendre la vie complète de Capote à l’écran), mais on ne s’en plaindra, évitant de ce fait les écueils d’une énième biographie supplémentaire sur un artiste de légende.

Pour illustrer ces quelques années de la vie de l’écrivain, Bennett Miller opte pour une réalisation volontairement lente, posée, qui ne cherche absolument pas à briller par quelques artifices que ce soit. Si quelques fausses notes se font ressentir (plus des facilités que des erreurs d’ailleurs), il n’en demeure pas moins que la réalisation de Truman Capote s’approche du film mature, celui qu’aurait pu réaliser un ancien cinéaste, une œuvre quasi crépusculaire. Etonnant de la part de ce jeune cinéaste dont c’est le premier film.

Le scénario est tout aussi abouti, s’intéressant nettement plus aux sentiments, aux émotion humaines, à la personnalité complexe de l’écrivain qu’à peindre une époque, décrire le processus de création ou s’en prendre à une certaine classe pseudo-intellectuelle de l’Amérique puritaine pourtant avide d’événements morbides. Il y avait matière à faire un film acide sur de nombreux points, mais les scénaristes ont préféré rester concentrés sur la personnalité de Capote. Un bien pour un mal, peut-être, quelques égratignures à une certaine manière de pensée américaine n’ayant pas été de trop dans ce film un rien trop sage.

Mais si dans l’ensemble, le film s’en tire avec les honneurs, c’est surtout grâce à ses interprètes, d’une Catherine Keener sublime à un Clifton Collins Jr très bon, en passant par un Chris Cooper déboussolé à souhait, le film tient la route. Tous sont pourtant écrasés par la composition de Philip Seymour Hoffman, enfin acclamé à l’unanimité (Golden Globe et Oscar du Meilleur Acteur) et à juste titre. Si sa transformation est remarquable (silhouette, coiffure, manière de parler…), c’est également dans les silences qu’il impressionne le plus, laissant paraître un Capote fragile, presque écorché vif. Le reste du temps, Truman est un manipulateur, alcoolique, hautain, spirituel, sensible, mégalomane, épuisé, égocentrique, bref un être humain avec ses qualités et surtout ses défauts. Dommage que l’on insiste toujours sur les vices des personnages que l’on adapte au cinéma…

Une œuvre plus que correcte, surprenante de la part d’un jeune auteur et qui fait surtout la part belle à ses acteurs, en particulier Philip Seymour Hoffman qui trouve là, et à l’heure actuelle, le rôle de sa carrière.

Note : ***

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