jeudi 20 juillet 2006

Bernie


Il est de ces artistes qui ont vraiment un univers à part, un monde qui leur est propre quitte parfois à sembler hermétique. Albert Dupontel est de ceux-là, comique dérangé et dérangeant, qui s’il sait se faire sage pour les films des autres, sait aussi titiller là où ça fait mal, dans la morale bien pensante.

Bernie vient de cette volonté de faire un film en marge du genre, une comédie acide sur fond de constat social déplorable. Acide oui, car ils sont nombreux les moments où l’on ri puis, l’instant d’après, on a du mal à avaler sa propre salive…

Dupontel est barje, qu’on se le dise, mais un barje modéré. Il a l’art de servir de la comédie morbide, mais de telle manière qu’on finit par l’accepter. Ainsi, quelques dialogues semblent crus (« quand j’aurai fini de t’enculer, on pourra voir le soleil se lever ! ») ou même agressifs (lorsque Bernie arrache la tête d’un oiseau avec ses dents, et dit en la mangeant : « ce qui est embêtant dans les oiseaux, c’est les becs ! ») mais dans le fond, c’est dans l’esprit du film, du 3918e degré, donc ça passe.

D’autant que Dupontel a une volonté de bien faire, de styliser sa mise en scène en la chargeant de symboles (la scène d’ouverture) ou de chercher des effets un peu inédits (la caméra pivotant rapidement sur elle-même, pour représenter le point de vue d’un gyrophare…). D’autant que le montage rapide permet au film de ne pas laisser le spectateur trop choqué par ce qu’il voit, en lui offrant une scène plus ou moins normale pour le remettre de ses émotions.

Il faut aussi admettre que Dupontel a su, pour son premier film aussi barré, s’offrir un casting des plus alléchants. Roland Blanche, Roland Bertin, Hélène Vincent, Paul le Person et Claude Perron sont les personnages de cette histoire de dingue, mais ils ne semblent aucunement dérangés par ça. Mieux encore, ils se laissent aller à leur pulsions, et offrent ainsi une dimension tragi-comique à leurs personnages qui se ressent à travers le film.

C’est quand même un peu dommage que le scénario soit plutôt léger d’ailleurs, même s’il permet certains niveaux de lecture, il n’en demeure pas moins basique. On en tient pas trop rigueur remarquez, le choc des images étant assez important pour nous faire oublier le manque d’originalité et de rigueur du script…

Un premier film qui ne ressemble à aucun autre, drôle et violent, qui ne laisse pas indifférent. Bernie choque, Bernie provoque, Bernie n’est pas à mettre dans toutes les mains, mais Bernie est personnel. N’est-ce pas le propre des grands artistes ?

Note : ***

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