lundi 11 juillet 2005

Certains l'aiment chaud (Some like it hot)

Considéré depuis des décennies, autant par les cinéphiles que les critiques avertis ou les historiens du cinéma, comme l’une des œuvres les plus drôles du cinéma, Certains l’aiment chaud ne manque pas d’audace dans le paysage de la comédie sophistiquée ! Et je dirais même, à titre personnel, que le film repose tout entier sur le principe de « transgression sexuelle » par des biais dérivés.

Le titre peut, dans cette optique, être compris dans deux sens : soit faire référence au "hot jazz" (jazz endiablé) ou "hot sex". De cet art de la suggestion, du sous-entendu quant à l’homosexualité (Jerry verra sa virilité mise à mal au fil du récit) mais aussi du sexe en général, à travers la relation entre Joe et Sugar, le film est l’œuvre même de Billy Wilder, disciple confirmé d’Ernst Lubitsch qui aurait très bien pu réaliser ce film. Le scénario « complexe » (comment parler de travestis sans sombrer dans le grivois, le ridicule ou la moquerie), base énormément son comique sur les dialogues (l’art de la réplique qui fait mouche, dont le célèbre « Nobody is perfect ! ») et se distingue des comédies loufoques non seulement par son schéma de base concernant les personnages (d’abord un couple d’hommes avant de passer à un couple d’homme et femme (femme libérée qui plus est, à l’égal des hommes puisqu’elle boit aussi volontiers de l’alcool qu’eux) en plus d’un faux couple homme-homme). Il y a aussi la parodie des films de gangsters traditionnels : ce n’est pas un hasard si George Raft reprend les mimiques d’un ancien personnage avec sa pièce qu’il fait tournoyer dans l’air, de même que le fils d’Edward G. Robinson (célèbre pour ses rôles de gangsters, dont Little Caesar, et aussi pour le rôle de Keyes dans Double Indemnity du même Billy Wilder) joue ici le rôle d’un gangster. Sans oublier l’exécution sommaire des gangsters face au mur, qui n’est pas sans rappeler une scène de Scarface d’Howard Hawks. Ces clins d’œil aux films de gangsters et à la période de prohibition dans laquelle ils se sont inscrits permettent de mener l’ironie de Wilder à son paroxysme, puisque dans ce film même la mort n’est plus effrayante. Comment résister à cette scène d’introduction, où un corbillard se transforme en cible de la police, avant que le film se poursuive dans une église transformée en débit de boisson ?

Wilder surenchérit également la comédie de Hawks, Les hommes préfèrent les blondes. Marilyn y reprend le même rôle et Tony Curtis contrefait la voie de Cary Grant lorsqu'il joue à Junior, le milliardaire de la Shell. Autre clin d'oeil : Osgood Fielding III pourrait être le très jeune Henry Spofford III de ce même film, précocement vieilli.

Le comique de situation est aussi très réussi, notamment dans ce montage parallèle entre la séduction de Sugar par Joe et le rendez-vous galant de Jerry avec le milliardaire excentrique. L’influence de la comédie loufoque sur l’œuvre de Wilder se fait ressentir plus d’une fois, avec cet enchaînement de gags et ses personnages très typés. Clin d’œil ironique : si la screwball comedy laissait peu de place aux personnages féminins, les masculins occupent ici presque tout le film… déguisés en femmes ! Enfin, l’enchaînement de gags est ici assez soutenu, ce qui fait de Certains l’aiment chaud un film à la frontière des genres.

Il s’agit donc d’un film de transgression à la fois par son sujet, par ses références cinématographiques mais aussi par sa propre forme. Mais, surtout, bien au-delà de considérations techniques, thématiques ou cinématographiques, le film est surtout un tremplin pour un acteur énorme, véritable bombe du film (comme à chaque fois qu’il jouait avec Billy Wilder, mais encore plus ici), j’ai nommé Jack Lemmon, vraie vedette du film et monument de comédie à lui tout seul, qui mériterait le déplacement uniquement pour les séquences dans lesquelles ils jouent, toutes plus drôles les une que les autres de par sa performance.

Un film immense donc, dont on comprend aisément le statut de « meilleure comédie de tous les temps ». Et encore, c’est peu dire.

Note : *****

1 Comment:

Daniel Plante said...

Voir les extraits d'une conférence formidable de ce cher Billy donnée à l'American Film Institute. (AFI)
http://bit.ly/c5rxA

dp