mardi 26 juillet 2005

Pi


Premier film et première bombe du génialement dérangé Darren Aronofsky que ce Pi.

Il faut dire qu’en théorie, le film à de quoi être rébarbatif pour beaucoup : du noir et blanc très contrasté, très peu de personnage et le pire une histoire sur les maths (beurk !!!) ; sauf qu’Aronofsky ne se limite jamais à la face visible de l’iceberg, et prenant pour départ la valeur du nombre π, notre héros un peu parano va se retrouver agresser par des boursiers de Wall Street et des kabbalistes un peu dérangés…

Vous l’aurez compris, le scénario n’a pas grand-chose de conventionnel à défaut d’être exceptionnel ; en effet, partant sur de bonnes bases et se déroulant à merveille pendant près d’une heure, l’histoire s’essouffle sur la fin, comme si Aronofsky en avait eu marre d’écrire, trop impatient de passer à la réalisation.

De ce point de vue, on nage dans les mêmes eaux que Requiem for a dream ; à vrai dire, RFAD n’est qu’une copie des idées de mise en scène exploitées ici. On peut ainsi commencer à dessiner un style Aronofsky : usage d’une musique électro enivrante et agaçante, répétitions de certains plans, suite de très gros plans lors d’une prise de médicaments, dépendance du personnage aux substances illicites ou dangereuses, cadrage étudié pour la tension psychologique, usage du plan « caméra attachée à l’acteur »… Autant d’éléments qui se retrouvent ici comme dans Requiem for a dream.

La vision du film est également donnée très rapidement, à savoir l’unique version de Max, lequel ponctue fréquemment son récit de voix-off et de détails pour nous situer dans le temps. Sa paranoïa devient la nôtre, et on fini par croire que nous découvrons nous aussi le secret des 216 chiffres d’une valeur économique et métaphysique incroyable…

L’acteur principal, Sean Gullette (également scénariste sur le film) joue ainsi tant bien que mal le mathématicien dérangé, commettant parfois quelques impairs mais dans l’ensemble, il reste chargé d’énergie autodestructrice. A noter qu’il tiendra, paradoxalement, le rôle du psy dans Requiem for a dream…

Un peu intellectuel mais pourtant à la portée du grand public, le film s’impose donc une esthétique particulière, où le noir et blanc est très bien représenté par une composition de plan remarquable (tout n’est que noir et blanc, et les plans sur le jeu de Go sont fréquents).

Le Monde le qualifia à sa sortie du film « le plus expérimental depuis Eraserhead de David Lynch » ; ils n’avaient pas totalement faux, même si Pi ne possède pas cette magie que possédait Eraserhead ; au mystère et à l’aspect un peu métaphysique du film de Lynch, Aronofsky a préféré le matérialisme et l’aspect scientifique.

Pourtant, Pi reste un film étrange, unique en son genre, révélateur d’un véritable talent, dont personnellement j’attends avec impatience le prochain film ; à éviter si vous ne supportez pas l'expérimental mais en tout cas moi, j’ai pris mon pied.

Note : ***

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