lundi 11 juillet 2005

Magnolia


L’une des plus grosse claque de ces dernières années dans le paysage cinématographique américain que ce Magnolia !

Resituons un peu le contexte : nous sommes en 1998, Paul Thomas Anderson a 28 ans. A son actif : Hard Eight, salué pour la psychologie de ses personnages et la direction d’acteur mais qui hélas n’a que pu trouvé son public, et Boogie Nights, œuvre cul-te qui l’a révélé au monde entier. Fidèle admirateur de Robert Altman et de Martin Scorsese, PTA se lance ainsi dans son œuvre la plus grave, la plus personnelle, la plus aboutie de son œuvre actuelle. Non sans ironie, PTA avouera qu’il voyait ce film comme intimiste, qu’il ne pensait pas qu’un scénario écrit en 90 jours par ses soins deviendrait un projet si colossal : huit personnages principaux et trois heures de film.

Pourtant les faits sont là, et par bonheur Magnolia est immense ! Les thèmes du film : la décommunication et l’importance de la figure paternelle.

Décommunication car tous les personnages ont rompu avec le monde normal, ils se sont enfermés dans leur petit univers perso et ne souhaite pas en être dérangé : du gourou sexuel à la junkie en passant par le flic idéaliste et l’ancien petit génie Donnie Smith, chacun n’est plus en phase avec le monde, avec son époque, avec la vie.

La figure paternelle, P.T. Anderson l’avait déjà partiellement abordé dans Boogie Nights, sans pour autant rentrer dans les détails ; ici, c’est chose faite. La lutte entre un père mourrant et son fils, un autre père mourrant et sa fille, un fils exploité intellectuellement par son père, un ex enfant star dont les parents ont ruiné sa vie…
A travers son film choral, P.T. Anderson aborde toutes les facettes de la vie : le pardon, la rédemption, la haine, la vengeance, l’amour, l’espoir, la révolte, les illusion et désillusions, les regrets, les rêves… Rares sont les cinéastes à avoir attaché autant d’importance aux sentiments et de les avoir exploités si bien et avec tant de classe.

Car de classe, le film n’en manque pas : empruntant à Scorsese sa virtuosité de la caméra et à Altman son génie d’écriture d’œuvre chorale, Paul Thomas Anderson signe là son œuvre la plus poussée ; en passant, il salue Stanley Kubrick en réutilisant la musique de 2001 : l’odyssée de l’espace pour introduire le nouveau surhomme nihiliste du nouveau millénaire (le gourou sexuel exploitant pleinement la vente par correspondance) ; une analyse plus poussée permet de dire qu’il perpétue même la thèse de la dépendance physique et la destruction psychiques qu’elle entraîne que Kubrick exploitait dans Eyes Wide Shut, dans lequel Tom Cruise incarnait à quelques différences près le même personnage torturé d’un point de vue sexuel…

Evidemment, cet attachement à Altman est ce qui lui a été le plus reproché ; comment peut-il essayer de rivaliser avec le maître Altman alors qu’il ne l’équivaut pas ? Je le reconnais, Magnolia est moins acide que Short Cuts, tous deux basé sur un même concept, mais je remarque également que PTA a opté pour un autre mode de narration : le psychologique. De plus, PTA s’en sort très bien, et il ne faut pas oublier que comparer qualitativement Magnolia et Short Cuts est un peu fort, comparer l’œuvre d’un artiste de 68 ans avec plusieurs chef-d’œuvres derrière lui et le film d’un cinéaste de 28 ans dont c’est seulement le troisième film…

De toute manière, dans sa réalisation Paul Thomas Anderson reste unique : la fluidité de sa caméra démontre un réel savoir-faire tandis que sa direction d’acteur est des plus brillantes : Tom Cruise n’a-t-il pas été acclamé unanimement après sa performance ? Et ce n’est pas le seul, John C. Reilly, Julianne Moore ou William H. Macy étant eux aussi dans les hautes sphères de l’interprétation. Tout comme le reste du casting d’ailleurs. De plus, PTA se pose non seulement en artiste génial, en philanthrope mais également en peintre, usant à merveille des couleurs dont il dispose (le vert de l'espoir, le rouge de la colère, le rose de l'amour, la grisaille de la mort...)

Véritable exercice de style scénaristique (le cas des coïncidences du début, et surtout le cas du suicidé buté en plein vol plané, restent d’anthologie), Magnolia reste à ce jour l’une des œuvres les plus complètes quant au comportement humain, aux côtés (à l’époque) d’American Beauty ; comme comparaison, il y a pire.

De son propre aveu, Paul Thomas Anderson craint de ne jamais faire mieux que Magnolia ; en tant que cinéphile et fan absolu, j’espère qu’il se trompe et qu’il nous réserve encore bien des surprises…

Note : ****

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