jeudi 21 juillet 2005

Network


Probablement la plus féroce satire sur la télévision que ce Network.

Au milieu des années 70, les informations à la télévision changent. Le journalisme perd en effet pied face au pouvoir de l'argent et la besoin croissant de divertissement. Une rédaction se bat alors pour maintenir son audience sans se compromettre, jusqu’au jour où le présentateur du J.T. annonce son prochain suicide devant les caméras ; révélation terrible dans un premier temps mais qui fait considérablement augmenter l’audimat, d’où le regain d’intérêt pour ce présentateur sombrant peu à peu dans la folie…

Devant la caméra, un quatuor de choc : William Holden en rédacteur vieux jeu et dépassé par les événements, Faye Dunaway en programmatrice arriviste, Peter Finch en présentateur dérangé et Robert Duvall en patron visant les hauts sommets. Que du lourd pour des interprétations colossales, magistrales, chacune brillant dans son registre : l’arrivisme, la faiblesse humaine, la perte de contact avec la réalité, l’appât du gain.

Rien d’étonnant d’ailleurs à voir ces acteurs se surpasser quand on connaît le metteur en scène : Sydney Lumet. Eh oui, la légende des seventies quitte Pacino-Serpico (avant de le retrouver la même année pour Un après-midi de chien) et le film policer pour se lancer dans la vision critique du monde qu’il connaît le mieux, celui de la télévision (c’est en effet là-bas qu’il a fait ses premières armes). Personne n’aurait été mieux placer pour en parler, et il le prouve à travers une mise en scène efficace et usant d’effets parfois saisissants (le retournement du big boss sur Howard Beale, usant de la même technique d’approche et de discours pour lui inculquer une nouvelle idéologie). De nos jours, seul Paul Thomas Anderson aurait peut-être pu rivaliser avec lui, PTA qui connaît très bien le monde de la télévision lui aussi (à noter que Network reste pour le jeune prodige le meilleur film de tous les temps…) mis bon, rien n’est moins sûr… En tout cas, Lumet reste efficace à 200%, optant pour un récit sans temps morts et d’une précision redoutable.

Le sentiment qui en ressort est d’autant plus traumatisant, d’autant que Beale devient trop gênant pour les producteurs qui ne peuvent le virer ; ne reste alors qu’une solution, l’ultime pour ainsi dire. Et c’est là que le constat fait mal, très mal : la télévision n’est donc qu’une machine à fric, la plus importante qu’il soit ; mais la télévision, c’est aussi comme le dit Beale, le seul véritable leader des foules, le maître à penser de la population mondiale, conditionnée (que ce soit à la violence ou à tout autre idéologie) en permanence par ce que la télévision montre, ou plutôt ce qu’elle veut montrer. Pour Lumet et les scénaristes, La téloche c’est un peu notre Big Brother à nous, sauf qu’ici on est pas dans un roman mais dans la vraie vie. Et si le film faisait mal dans les années 70, il le fait encore plus maintenant, notamment à travers ces grandes chaînes privées qui nous livre les dernières aventures d’has-been à la campagne, de couple à la recherche d’adultère, de la glorification d’un pauvre péquenot qu’on fait passer pour millionnaire pour draguer ou de la glorie éphémère d’un pseudo-artiste chanteur, seulement acclamé pour son physique, son esprit pseudo-rebelle ou pire, par pitié envers son état de santé ; pour les plus chanceux d’entre eux, un poste de plante verte dans des émissions à 23h ; pour les autres, la poubelle et le retour à l’horrible anonymat. De la mal-bouffe télévisuelle qui détruit non seulement les quelques neurones qui nous restait mais en plus peut détruire la vie de pauvres quidams qui ont cru à une vie moins ordinaire… Howard Beale, c’est une version officielle et professionnelle de tous ces jeunes qu’on va chercher au fin fond de la campagne ; Beale, c’est cet état d’esprit que chacun voudrait avoir, ce pouvoir de se rebeller contre la société de consommation et surtout contre la petite boite qui nous gave, du matin au soir, de morts et de cataclysmes, mais Beale n’est qu’un homme, et lui aussi sera endoctrinée par le pouvoir, immense et terrifiant, de la télévision…

Un film au constat amer donc, très proche de la vérité et qui, au lieu de vieillir, a pris encore plus d’ampleur en 30 ans ; la marque des chef-d’œuvres…

Note : *****

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