vendredi 8 août 2008

Water


Le cinéma indien ne se résume pas à « Bollywood », comme le prouve clairement Water, film ardemment critiqué en son pays pour sa prise de position sociale.

Depuis le début de sa « trilogie des éléments » (initiée par Fire et suivie de Earth), Deepa Mehta est considérée comme la principale ennemie des fondamentalistes hindous et de leur chef Bal Thackeray. Ainsi en 2000, un groupe d'émeutiers a attaqué et brûlé les plateaux de production de Water et a proféré des menaces de mort contre la réalisatrice. Le gouvernement indien a réprouvé publiquement cette atteinte à la liberté d'expression et a fourni 300 troupes, afin de protéger la production du film ainsi que Deepa Mehta. Cependant, les opposants de Water sont parvenus à mettre l'équipe du film sur écoute et ont continué à faire pression : des effigies de la réalisatrice ont été brûlées quotidiennement à travers le pays et la tentative de suicide d'un contestataire ont poussé le gouvernement à interrompre la production du film pour des raisons de "sécurité publique". Malgré de nombreuses marques de soutien, comme celle de George Lucas (il acheta une page entière du magazine spécialisé Variety pour exprimer son soutien et demander au gouvernement indien de reconsidérer sa décision afin de permettre à Deepa Mehta de terminer son film dans de bonnes conditions), le gouvernement n'est pas revenu sur sa décision. Il aura fallu alors cinq ans pour que la production de Water soit relancée au Sri Lanka, sous un faux titre et dans le plus grand secret.

Il faut dire que, derrière l’histoire d’amour impossible entre une veuve et un jeune idéaliste, se cache en fait une attaque envers des traditions vieilles de 2000 ans qui réduisent les femmes au rang d’objets. Alternant splendeurs du pays et misères humaines, dans un style d’une sobriété remarquable, Mehta offre une tragédie humaine faisant écho à une bien triste réalité. On regrettera seulement des archétypes incontournables qui ralentissent le film, et un côté romantique hélas trop classique pour réellement séduire.

En revanche, il convient de saluer toutes les interprètes (et bien sûr les interprètes masculins) pour leurs qualités, en particulier le trio Lisa Ray/Seema Biswas/Sarala, qui sont tout simplement grandioses. La jeune Sarala a sans aucun doute un bel avenir devant elle, tandis que le talent de Lisa Ray n’a d’égal que sa beauté pour un premier film.

Salué aux Génie Awards 2006 d’Ontario (prix de la photographie, de la musique et pour Seema Biswas) ainsi qu’au festival de Valladolid (Prix de la jeunesse) et par les critiques de Vancouver qui lui ont décerné les prix de Meilleure actrice pour Lisa Ray et Meilleure réalisatrice pour Deepa Mehta, Water est un film remarquable, tour à tour grave et poétique, qui souligne que les vieux préceptes sont décidemment bien dépassés…

Note : ***

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