vendredi 8 août 2008

Transamerica


Abordant frontalement la question de la transsexualité, Transamerica est une fable douce-amère sur les liens familiaux, la connaissance de soi-même ainsi qu’une attaque en règle de la pudibonderie américaine.

Il est des sujets délicats que l’on aborde rarement au cinéma. Tel est le cas de la transsexualité qui, bizarrement, connaît moins de succès que l’homosexualité (voir le récent succès de Brokeback Mountain). Sans doute pense-t-on que le sujet est trop sensible ou pas encore assez encré dans les mœurs pour être aborder librement. D’autant plus grand donc est le mérite de Duncan Tucker d’avoir choisi cette histoire pour son premier film. Et plus grand encore est mérite de ne pas avoir sombré dans le voyeurisme glauque ou simplement dans le tragique. Tucker signe en effet un film émouvant, dont on ne sait dire s’il s’agit d’une comédie dramatique ou d’un drame comique. Mine de rien, il dresse le portrait d’une famille en voie de recomposition tout comme il dessine, à travers le voyage initiatique des deux interprètes principaux, le portrait d’une Amérique qui refuse d’avancer, très conservatrice dans ses mentalités et très libre dans ses actes. On condamne l’homosexualité, la transsexualité mais beaucoup plus qu’on ne croit la pratique.

Transamerica se distingue également par cette capacité à filmer l’émotion de manière calme et distinguée, comme lors de la découverte de la transsexualité de Bree par son fils. Au fil des séquences, aucun ne sombre dans le stéréotype et, de manière discrète, s’inscrit dans nos mémoires de manière étrange. La délicate relation d’amour qui se crée entre Bree et Calvin, le repas de famille au restaurant sont autant de scènes quasi anodines mais abordées de manière profonde, sans esbroufe mais remarquables. Rien d’étonnant dès lors que Tucker ait reçu plusieurs prix pour son scénario, dont à Deauville et aux Independent Spirit Awards 2006.

Le film est porté par une Felicity Huffman étonnante, connue pour la série Desperate Housewives et nominée aux Oscars 2005 pour ce rôle. Elle compose un père (?!) extraordinaire, qui en viendrait lui aussi presque conservateur alors qu’il cherche à devenir une femme ! La préparation que Felicity a enduré (transformations vocales et physiques) lui a cependant permis d’être elle aussi multi récompensée, comme au Festival de new-yorkais de Tribeca et, une fois encore, aux Independent Spirit Awards 2006, sans oublier le Golden Globe et la nomination aux Oscars… Il ne faudrait cependant pas oublier le surprenant Kevin Zegers, si convaincant qu’on espère entendre rapidement parler de lui à nouveau.

Un film qui, outre deux performances extraordinaires (même si les seconds rôles sont bons aussi), offre un regard tantôt tendre tantôt acide sur l’american way of life. Vivement le prochain film de Tucker !

Note : ***

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