vendredi 8 août 2008

Romanzo Criminale


En s’inspirant de faits réels et en s’inscrivant dans le sillon creusé par les maîtres du film mafieux, Michele Placido revisite l’Italie des années 70, période sombre pour un pays mis à feu et à sang, en adaptant le roman éponyme (et véritable succès littéraire) de Giancarlo de Cataldo : Romanzo Criminale.

Fresque imposante, l’histoire se déroulant sur près de 25 ans, Romanzo Criminale mélange violence, sentiments et politique avec un certain brio. Il faut dire que Placido n’a rien laissé au hasard : en plus d’adapter un succès et une histoire forte, il s’est entouré d’un joli casting et surtout avait une idée très précise concernant le caractère du film.

Michele Placido avoue en effet avoir voulu faire de son film un film politique, dans la veine de ceux de Francesco Rosi. Il ne s’en est pas moins départi des références du genre ; c’est ainsi que le film lorgne de temps à autre, toutes comparaisons gardées, du côté du Parrain de Coppola (le devoir de chef avant tout, les vengeances familiales, le rapport entre la fiction et l’Histoire), des Affranchis de Scorsese (dépeindre une certaine réalité de la vie des malfrats, histoires d’amour compliquées) ou encore d’Il était une fois en Amérique de Leone (une bande d’amis qui va se désintégrer d’elle-même avec le temps).

Saga de 2h30, Romanzo Criminale nous entraîne aussi – et surtout – dans une réalité bien sombre, celle de l’Italie des « années de plomb », où une poignée de destins ont tenté d’être les maîtres incontestés du pays grâce à la violence, tout en se basant sur des faits historiques (l’enlèvement d’Aldo Moro, l’attentat de la gare de Bologne, les Brigades Rouges…).

L’ennui, c’est que le film était un projet trop ambitieux pour être mené à bien par quelqu’un comme Placido. Sans aucune méchanceté, le cinéaste ne possède pas (encore ?) les épaules pour une telle production : nombre important de personnages, récit en longueur, budget important… Il aurait fallu un Coppola, un Robert Altman ou, si on devait choisir un cinéaste contemporain, un Paul Thomas Anderson pour gérer tout ça convenablement. Du coup, Placido se donne à fond mais s’essouffle : la première partie du film est en effet réussie, parvenant à tout mettre en place comme il se dit, alors que la deuxième partie tire un peu trop sur la longueur, laisser aller le récit et les personnages en roue libre. Du coup, les 2h30 se font un peu ressentir, et le film perd de sa saveur.

Ce qui est fort dommage d’ailleurs, notamment pour les acteurs qui sont tous extraordinaires. Outre Kim Rossi Stuart et Anna Mouglalis dans les rôles principaux, ce sont aussi les rôles secondaires qui font la saveur du film, notamment Pierfrancesco Favino et Stefano Accorsi. A eux seuls, ils méritent presque le déplacement.

La bande originale du film aussi, très scorsesienne, est impeccable, mélangeant hit des années 70 aux musiques italiennes, des Pretenders et autres Sweet à Franco Califano et Anna Oxa.

A noter enfin que le film a été nominé 13 fois aux Donatello 2006 (l’équivalant des Césars en Italie) dont les catégories Meilleur Film et Meilleur réalisateur ; c’est finalement Le Caïman de Nanni Moretti qui emportera ces statuettes, ainsi que Silvio Orlando pour celle du Meilleur acteur, alors que Romanzo Criminale repartira avec 7 autres récompenses (Meilleur photographie, Meilleur second rôle masculin pour Pierfrancesco Favino, Meilleurs costumes, Meilleur montage, Meilleur scénario, Meilleure scénographie et le prix David Giovani).

Film sur l’amitié, l’amour et la mégalomanie, film noir et politique, à consonance historique, Romanzo Criminale est une sorte de tragédie humaine, à la fois déchirante et terrifiante, dense et superbement interprétée. Son inégalité l’empêche d’atteindre les sommets, mais le film prouve que le cinéma italien est en train de reprendre du poil de la bête ; on en redemande.

Note : ***

0 Comments: