vendredi 8 août 2008

Un condamné à mort s'est échappé


Cinéaste peu prolifique (13 films en 40 ans), Robert Bresson n’en fut pas moins un cinéaste important dans le paysage cinématographique français. Un condamné à mort s’est échappé (dont le titre intial, Le vent souffle où il veut, laissait plus de place à l’imagination de l’intrigue) représente, dans sa carrière, une étape importante : c’est avec ce film qu’il définit réellement son style, un cinéma épuré, constamment à la recherche de la vérité.

Bresson prétendait que « c'est dans sa forme pure qu'un art frappe fort ». En effet, rarement on aura vu un « film d’évasion » plus réaliste que celui-ci, trop réalise sans doute. Toute comparaison gardée, Un condamné… ne possède pas la même force d’attraction qu’une Grande évasion ou un Stalag 17. A trop vouloir faire vrai, Bresson signe un film froid, aussi solide qu’une cellule de prison mais aussi peu sympathique.

Bresson va même jusqu’à nettoyé le film de tout dialogues inutiles et de musique superflue : quelques échanges avec d’autres personnages, une majorité de pensées du héros en voix-off et le même thème de Mozart constituent la bande-son. En soi, ce n’est pas grave (Sacha Guitry utilisait à merveille ce procédé avec Roman d’un tricheur) et cela contribue même à l’ambiance du film et à l’identification du spectateur : en plaçant celui-ci dans la même position que Fontaine, c’est-à-dire enfermé dans la cellule sans avoir vue sur le monde extérieur, et n’entendant que les bruits de pas des gardes ou fusillades sommaires, l’angoisse se fait vite sentir, et nous partageons l’envie avec le héros de s’évader le plus vite possible.

Bresson connaît forcément le sujet, lui qui fut aussi prisonnier durant la Guerre. Le souci du détail lui est donc primordial, ce qui confère au film presque un aspect documentaire, uniquement effacé par les réflexions de François Leterrier, lequel il est vrai est convaincant dans le rôle du prisonnier : à la fois constamment en proie au doute et finalement bien seul malgré les autres détenus. D’apparence plate, son interprétation ne fait qu’obéir aux limites imposées par Bresson, et donc son personnage devient crédible.

Le film, que François Truffaut lui-même qualifiera à sa sortie de « film français le plus décisif de ces dix dernières années », n’est certainement pas à oublier ; il représente au contraire une tentative de concilier cinéma de genre et documentaire. Hélas, cette association peut laisser de marbre, d’autant que Bresson n’allège jamais le récit pour le rendre plus regardable. L’ensemble est très abouti (la réalisation est certes dure mais d’un cadrage impeccable) mais il faut vraiment avoir envie pour aller jusqu’au bout. Mais après tout, ce n’est qu’une affaire de goût n’est-ce pas…

Note : **

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