vendredi 8 août 2008

Nue propriété


Le cinéaste précise ses intentions, en revenant sur la genèse du projet : « Ce film s'inspire d'un histoire familiale. A une époque, j'ai éprouvé ce sentiment d'avoir un pouvoir qui n'était pas le mien. Comme une logique de vie qui n'était pas respectée ; j'avais le pouvoir d'empêcher ma mère de vivre la vie qu'elle avait envie. C'est ce qui m'a donné l'idée d'écrire l'histoire de ces deux frères qui se comportent avec leur mère comme s'ils étaient eux-mêmes ses parents. Elle se retrouve alors dans la situation étrange de devoir demander l'autorisation de s'émanciper. ». Le titre est un terme juridique : la "nue-propriété" est un droit de propriété partiel (par opposition à la "pleine propriété". L'expression "nue-propriété" désigne le fait de posséder un bien sans être toutefois autorisé à en faire usage ni en tirer des revenus.

Resituons tout d’abord ce fameux cinéaste encore inconnu il y a trois ans : Joachim Lafosse, né à Uccle en 1975, étudie à l’IAD où il réalise un court métrage avec celui qui deviendra son acteur fétiche, Kris Cuppens. Son premier film, Folie privée, passe inaperçu du public mais pas des cinéphiles qui acclament son film suivant Ca rend heureux, comédie dramatique proche du documentaire et de l’autobiographie racontant les mésaventures d’un cinéaste au chômage et en plein processus de création. La renommée est alors là, et lui permet de dégotter pour son troisième film les frères Renier (Jérémie et Yannick) mais pour la première fois pour un réalisateur belge la grande Isabelle Huppert. Et le film est présenté à Venise et Rotterdam !

Dans la grande tradition du cinéma épuré comme on en fait souvent en Belgique (un bien pour certains, un mal pour d’autres), Lafosse pose rapidement les bases de son récit afin de nous plonger directement dan la tourmente familiale : une relation fraternelle très forte qui va devenir fratricide, une mère dépassée, lasse, qui se refuse au bonheur par crainte de ses enfants, un père absent et faible sans son portefeuille… Autant d’éléments qui confèrent à la tragédie dans son style le plus pur, le plus utilisé. Clairement porté par ses acteurs, le film est un enchaînement de plans-séquences afin de laisser libre jeu à tous les interprètes.

Lesquels sont remarquables d’ailleurs, il faut bien le dire, et encore plus Jérémie Renier qui parvient tout le film à tenir tête à l’imposante Isabelle Huppert, une fois encore au diapason et n’étant plus une actrice interprétant son personnage mais bien le personnage lui-même. Yannick n’a rien à se reprocher, trouvant subtilement sa place dans ce trio autodestructeur, dont les attitudes et gestes conduisent calmement mais certainement vers le drame absolu. Un peu en décalage mais pourtant bien présent, Kris Cuppens, toujours aussi remarquable, prouve que le cercle familial du film est impénétrable. Des interprétations toutes plus impressionnantes les unes que les autres, à vif et qui donne au film sa force.

Le scénario quoique peu prévisible n’est en effet qu’un léger prétexte à la thérapie de Lafosse sur sa propre vie, le réalisateur ayant aussi un frère jumeau et comme dit précédemment a vécu une situation semblable. Accessoirement, il offre des rôles immenses à des comédiens qui le sont tout autant. Un surdoué est définitivement parmi nous.

Note : ***

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