lundi 18 août 2008

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal (Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull)


Dans la catégorie « film qu’on attend depuis des années ! », Indiana Jones 4 faisait office d’incontournable, promis à un succès d’entrée de jeu et tellement attendu qu’on ne pourrait être qu’émerveillé à sa vision. Technique marketing très rentable, mais d’un point de vue artistique on ne peut que constater l’étendue des dégâts de George Lucas sur l’une des sagas les plus réussies de l’histoire du cinéma.

Selon la version officielle, c’est Harrison Ford qui aurait demandé à Spielberg de rempiler pour l’aventurier au fouet et au chapeau, convaincant dans un premier temps George Lucas qui lui-même a convaincu Steven Spielberg. L’annonce d’un film fut accueillie avec un enthousiasme sans précédent… tandis qu’en coulisse, le despotique George Lucas sabotait son propre enfant dans l’œuf. Tout commence avec le script de Frank Darabont, écrit avec le soutien de Spielberg qui déclara que c’était le meilleur scénario qu’il ait lu depuis Les aventuriers de l’Arche perdue. Ce gage de qualité pour la série ne plu cependant pas à Lucas, qui refusa le scénario pour une raison inconnue. Se succédèrent alors à l’écriture Jeb Stuart, Jeffrey Boam, M. Night Shyamalan, Stephen Gaghan, Tom Stoppard, Jeff Nathanson et finalement David Koepp, avant qu’un scénario qui plaise à seigneur Lucas ne vu le jour (scénario qui s’approchait, finalement, d’un épisode qu’il avait écrit pour la troisième saison de la série TV d’Indiana Jones, qui n’a finalement jamais vu le jour).

Le casting en lui-même fut mouvementé : les noms de Sandra Bullock, Michelle Yeoh, Calista Flockhart ou Virginia Madsen en "Jones Girl", Natalie Portman en fille d'Indy ou encore Kevin Costner en frère d’Indy voir encore le retour de Kape Capshaw furent ainsi évoqués. La rumeur veut même que Sean Connery fut approché avec un chèque mirobolant (environ 8 chiffres…) mais l’acteur refusa de sortir de sa retraite. Toujours est-il que le film fut lancé, et présenté à Cannes où il obtint un succès de complaisance.
Car il faut bien le reconnaître : Indy n’est plus que l’ombre de lui-même. A qui la faute ? On pourrait blâmer Steven Spielberg, qui ayant prétendu revenir à un travail à l’ancienne, sans effets spéciaux numériques, nous a bien trompé. Mais il faut chercher la source d’ennui plus loin que ça en la personne de George Lucas. Je vais certainement m’attirer les foudres des fans de la saga et du papa des Star Wars, mais force est de constater que cet épisode d’Indiana Jones ne ressemble pas moins à un film Lucas qu’à un film Spielberg.

On le sait, George Lucas n’a jamais eu peur de déformer ses enfants par souci économique : les nouvelles versions de THX 1138 et des premiers Star Wars sont les preuves que Lucas a délaissé son âme d’artiste au profit de son compte en banque. On peut encore plus en douter ici lorsqu’on sait qu’une attraction baptisée "Indiana Jones Adventure: Temple of the Crystal Skull" avait été inaugurée en 2001 au parc Tokyo DisneySea (le syndrome Pirates des Caraïbes en somme), et qu’en outre Lucas a annoncé ce quatrième épisode comme le début d’une nouvelle trilogie. Le producteur tout puissant ne cache pas sa mainmise sur la saga d’ailleurs : « Réellement, pour le dernier, Steven n'était pas si enthousiaste que cela. J'ai dû le persuader. Mais maintenant, il est plus ouvert à en tourner un autre. Cependant, nous devons encore nous mettre d'accord sur la direction à suivre. Je suis dans le futur, Steven dans le passé. Il tente de poursuivre ce qui s'est fait alors que j'essaie de pousser vers d'autres territoires. Ainsi, nous avons toujours une sorte de tension. Le dernier film en a résulté. C'est le résultat hybride de nos deux conceptions. Donc, on verra où nous serons capables d'aller pour le suivant ».

Spielberg justifie plusieurs fois d’ailleurs, de manière implicite, qu’il n’a rien eu à dire sur le tournage : exit le logo Paramount en ouverture, c’est le logo LucasFilms qui prend la place. La scène d’ouverture illustre une bande de jeunes roulant à tombeau ouvert et écoutant du rock, à la manière d’un American Graffiti signé justement par Lucas. Des détails de ce genre, qui démontrent l’impuissance de Spielberg en tant que réalisateur.
Bien sûr, on ne peut pas tout rejeter sur Lucas : le film se veut ouverts aux jeunes avec un humour aux ras des pâquerettes, ce qui décribilise encore plus le film et son lot d’invraisemblances (non pas la quête d’Indy, qui est comme les trois autres irréaliste, mais par exemple le fait qu’Indiana Jones enfermé dans un frigo survit à une explosion atomique sans que le frigo ne soit abîmé et Indiana Jones blessé). L’utilisation de Shia LaBeouf, acteur qui grimpe grâce au succès de Transformers, n’est pas anodine.

On regrettera aussi le côté politique en filigrane (la Guerre Froide quand même) par rapport au côté science-fiction, alors que c’est justement l’équilibre entre politique et fantastique qui faisait le charme des précédents épisodes (comment oublier cet autodafé de la Dernière croisade, où Hitler signe un autographe à Indy). Visuellement, le film n’évite pas certains moments de ridicules (les marmottes numériques dignes de Milka) ni les scènes d’action « too much », dans l’esprit des films d’action de ses dernières années (James Bond en a déjà fait les frais). On regrettera même l’absence d’éléments de repère, hormis ce clin d’œil à l’Arche perdue, comme par exemple la réduction pure et simple de la peur d’Indy des reptiles à un gag de 2 minutes max, et encore avec un seul python !

Pour éviter tout spoiler, je ne m’attarderai pas sur la fin, abominablement surchargée et ridicule, qui n’est pas néanmoins sans rappeler ces ersatz justement d’Indiana Jones que sont par exemple La Momie de Stephen Sommers. Le modèle est devenu pâle copie…
On sera néanmoins content de retrouver un Harrison Ford qui, malgré un âge qui ne fait jamais illusion, parvient encore et toujours à assurer dans le rôle de l’aventurier courageux, intelligent et aux bons mots. Face à lui, Cate Blanchett assure en agent soviétique pile poil dans l’esprit des films des années 50-60. Dommage que Karen Allen ne fasse plus le poids, et que Shia LaBeouf malgré une volonté indéniable de se démarquer laisse parfois indifférent.

Film efficace mais incroyablement faible scénaristiquement par rapport à ses prédécesseurs, Indiana Jones 4 laisse dubitatif quant à une novelle trilogie. Si au moins l’excitation d’un nouvel épisode est bien retombée après cette douche froide, on reste craintif quant à la dictature artistique de Lucas, qui semble décidément préféré les lingots aux statuettes en or.

Note : **

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