samedi 25 août 2007

Rashomon


Si Akira Kurosawa est aujourd’hui une légende du cinéma, et fut l’un des plus grands modèles de cinéastes comme Georges Lucas ou Francis Coppola, il n’en fut pas toujours le cas. Il faut même dire qu’avant Rashomon, Kurosawa n’était pas connu de l’Occident – et très peu au Japon (nul n’est prophète en son pays…)

Heureusement, le Festival de Venise va changer tout ça en offrant à ce film un Lion d’Or. Du coup, Akira Kurosawa (qui ignorait même que son film était en compétition) et le cinéma asiatique par la même occasion explosent à la face du monde.

Le nom de « Rashômon » se réfère à la porte de Rajomon dont le nom avait subit cette modification dans une pièce de Nô écrite par Kanze Nobumitsu. “Rajo” désigne les pourtours extérieurs du château ; donc “Rajomon” fait allusion à la porte principale qui ouvre sur les terres extérieures du château, autrement dit le « monde sauvage », celui des hommes n’ayant guère de civilités comme les voleurs, les menteurs, etc. Kurosawa a donc pour but, t il l’avoue clairement assez rapidement, de juger l’Homme et sa cupidité. Il ne prend pourtant aucun parti : à travers les plaidoiries, aucune histoire ne se ressemble, et à la fin nous ignorons toujours qui dit la vérité. Mieux encore, c’est à nous, spectateurs, que Kurosawa confie la lourde tâche de juger ce crime odieux, en nous plaçant directement par un subtil jeu de cadrage à la place du jury du procès. De cette manière, Kurosawa nous invite à réfléchir sur l’état de notre société, qu’il n’hésite pas à égratigner. Le pamphlet serait parfait si, un cours instant, le film ne sombrait dans la facilité, à travers ce passage où, voyant le bûcheron adopté un enfant abandonné, un bonze retrouve la foi en l’être humain.

D’un point de vue stylistique, Kurosawa affirme son passé de peintre et dessine des plans comme tel : de la beauté d’une rivière à l’usage de la lumière, tantôt apaisante tantôt menaçante (comme les reflets d’une lame d’épée), le cinéaste compose chaque plan de manière très élaborée, où chaque chose – et acteur – à sa place. Les valeurs sont respectées mais de nouveaux codes sont introduits, comme cette confrontation en triangle filmée de manière remarquable. Kurosawa était un metteur en scène hors pair, et il le prouve.

De même que son acteur fétiche, Toshiro Mifune, dont c’est ici la cinquième collaboration (sur 16 films en 17 ans), démontre toute l’étendue de son talent : tour à tour cinglé, voyou gentilhomme, prétentieux, arrogant, lâche, son personnage en vient littéralement à occupé nos esprits, contrairement au samouraï assassiné ou la fameuse femme fatale et manipulatrice que Kurosawa chérissait tant. Tous trois sont excellents, comme l’est le vagabond qui discute avec le bonze et le bûcheron, un peu trop stéréotypés hélas.

Un film remarquable, presque parfait, dont la complexité narrative a depuis fait de nombreux émules, sans que ceux-ci ne parviennent à retrouver le génie de Kurosawa. Incontournable.

Note : ****

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