lundi 16 août 2010

Une brève histoire du temps (A brief history of time)

Stephen W. Hawking est un physicien théoricien et cosmologiste anglais, né le 8 janvier 1942 à Oxford. Il est connu pour ses contributions dans les domaines de la cosmologie et la gravité quantique, en particulier dans le cadre des trous noirs. Il a également eu du succès avec ses œuvres de vulgarisation scientifique dans lesquelles il discute de ses propres théories et de la cosmologie en général, comme le best-seller A Brief History of Time, qui est resté sur la liste des records des bestsellers du Sunday Times pendant 237 semaines consécutives. Hawking a une dystrophie neuromusculaire qui est liée à la sclérose latérale amyotrophique (SLA), sa maladie a progressé au fil des ans et l'a laissé presque complètement paralysé. La clé des principaux travaux scientifiques d'Hawking à ce jour est fondée, en collaboration avec Roger Penrose, sur l'élaboration des théorèmes des singularités dans le cadre de la relativité générale, et la prédiction théorique que les trous noirs devraient émettre des radiations, aujourd'hui connu sous le nom de radiation d'Hawking (ou parfois en tant que radiation de Bekenstein-Hawking). En 1981, il est lauréat de la médaille Franklin et en 1992, Errol Morris réalise son portrait dans Une brève histoire du temps, en clin d’œil au célèbre ouvrage du physicien.

Fidèle à son style, Errol Morris propose une « dramatisation » de son sujet via une réalisation à l’esthétique marquée ; pourtant cette fois, la formule prend plus difficilement, la musique de Philip Glass ne pouvant réellement combler le manque cruel d’illustrations du film et son absence de tension (on a plus l’impression de voir un produit télévisuel que cinématographique). Ce n’est pas faute de Morris, qui a été jusqu’à recréer des pièces de la maison de Hawking pour les interviews en studio, mais voilà la sauce prend difficilement cette fois.

Autre souci majeur : le manque d’objectivité concernant Hawking. Morris n’a jamais caché sa fascination pour le physicien, et cela se ressent très tôt dans le film, Hawking manquant d’opposants vraiment fiables (son ex-femme, par exemple, a refusé d’être interviewée et Hawking a refusé de parler de sa vie privée). Il n'en demeure pas moins que Morris se dédouane plus ou moins subtilement en laissant Hawking s'exprimer et se dépeindre lui-même, laissant ainsi place autant à son génie qu'à son ego surdimensionné (n'hésitant pas à se comparer à Galilée, Isaac Newton ou Albert Einstein, voir à critiquer leurs théories pourtant unanimement reconnues).

Le documentaire est aussi un peu trop cérébral parfois mais se veut quand même (et y arrive souvent) une "vulgarisation" des théories de Hawking, du Big Bang et des trous noirs. Il faut pourtant s’accrocher pour bien comprendre toutes les données scientifiques données au cours du film, et force est de constater que le monde de la physique s’avère bien moins intéressant que les autres mondes que Morris a abordé au cours de sa carrière. C’est peut-être le manque de suspens et de sentiment d’enquête qui manque à Une brève histoire du temps…

Un portrait un peu trop froid peut-être et un peu en-dessous de ce qu'on peut s'attendre de la part d’un cinéaste aussi majeur qu’Errol Morris pour réellement convaincre.

Note : **

samedi 14 août 2010

PASSION

Le réalisateur de PASSION, Jürgen Reble, naît à Düsseldorf en 1956. Avec deux de ses amis, Jochen Lempert et Jochen Müller, ils fondent le collectif de cinéastes expérimentaux Schmelzdahin en 1979, et s’intéressent au matériau du cinéma, la pellicule, dès 1982. Dans les années 80, le cinéma expérimental allemand connaissait un renouveau et une effervescence inouïs. Le Super 8 est un format très prisé, qui permet aux cinéastes de pratiquer le cinéma par eux-mêmes : fabrication et diffusion des films se font ainsi en toute liberté, affranchis que sont les cinéastes des contraintes de laboratoires, gardant ainsi l’aspect artisanal de l’œuvre dans ses moindres détails. La stéréo inhérente au Super 8 permet également une approche neuve du son dans la fabrication des films.

« Schmelzdahin » signifie « dissous-toi », et évoque les processus que le collectif va explorer durant une dizaine d’années : il s’agira de mettre le pellicule Super 8 à l’épreuve des bactéries, du climat, des manipulations chimiques, d’enterrer les pellicules, les plonger dans un étang, les accrocher à un arbre une année durant. Ces opérations relève de la pratique found-footage, des pellicules retrouvées. Les expériences menées mettent en jeu l'instabilité en devenir du support, qui est voué à disparaître à plus ou moins brèves échéances avec l’émergence et la démocratisation du support digital.

PASSION est l’un de ses films les plus célèbres : il s’agit en fait d’un « film-voyage » à l’attention de son enfant à venir. Ainsi, Reble filme toute la vie qui entoure la grossesse jusqu’à l’accouchement. Il décide de retravailler la pellicule comme il l’a fait toute sa vie, à la différence près qu’il s’agit cette fois de ses propres images et non plus des images anciennes réutilisées à de nouvelles fins (du found footage).

Si le film reste narratif, il constitue cependant une œuvre relevant de l’abstraction visuelle. Il faut entendre par là que le film propose des images qui bien souvent sont totalement illisibles de par l’opération chimique ou bactériologique qu’elles ont subi. Le principe du film est le suivant : il s’agit de partir d’images relativement claires et de partir vers des images de moins en moins perceptibles, à de rares exceptions près. Jürgen Reble joue ici avec la déstabilisation du spectateur en perturbant sa perception visuelle. Reble déclare lui-même que « les champs de perception les plus intéressants sont situés aux limites de l'obscurité et du silence, aux frontières de l'identification. Dans la quasi-obscurité, le cortex commence à s'animer et à produire des images dont on ne sait si on les voit ou les imagine. »



La destruction de la lisibilité de l’image se produit par la nature, ce qui conforte la position de Reble quand il déclare vouloir illustrer une nature agressive : en effet, il y a bien évidemment la destruction bactériologique de la pellicule, mais aussi au sein même du film des images d’évènements naturels qui sont à la fois violents et destructeurs : le feu, le vent mais surtout, en ouverture du film, l’éruption d’un volcan. Ce plan (dont l’énergie primitive est illustrée par le cinéaste qui accentue les dégats fait par la lave dans l’image via un bain de blanchissement) est très intéressant dans la mesure où il illustre le propos même du cinéma de Jürgen Reble, à savoir que l’on peut comparer un phénomène naturel à un processus cinématographique : dans la lave, la pierre se transforme effectivement en feu, et une fois refroidie la lave liquide devient une croûte difforme et fissurée à l’instar des images du cinéma de Reble, qui elles aussi subissent un phénomène naturel et s’en voient fondamentalement et matériellement modifiées.



C’est aussi un film personnel pour Reble qui n’hésite pas à se mettre en abyme dans le film. Tout au long du film, le cinéaste n’hésite pas à illustrer le fonctionnement même de son art et de son travail de la pellicule. A deux reprises, Reble annonce la suppression d’un corps (humain et animal dans le film mais que l’on peut parfaitement associer au corps du film, la pellicule) par la nature, à savoir deux plans avec des asticots. Le premier de ces plans nous montre un asticot se promenant sur un bras : rien de spécial jusque là. Mais voilà : la question du temps qui passe étant fondamentale dans ce film, le plan de l’asticot seul se promenant sur la surface d’un corps est à associer avec le deuxième plan des asticots qui, cette fois, dévorent le corps même d’un animal mort (auquel on peut aussi associer l’idée d’image, puisqu’en soit une image figée est morte elle aussi). Reble éclaire le spectateur sur le processus de création de son film, à savoir une longue gestation où la nature finit par imposer sa loi. Enfin, il subsiste ce clin d’œil du plan montrant les pellicules accrochées à un arbre, idée déjà exploitée lorsque Reble était membre du collectif Schmelzdahin.

Le film regorge de métaphores visuelles. La première et l’une des plus évidentes est la conception de l’enfant : le geyser qui crache de la lave blanche peut très facilement être assimilé à une éjaculation masculine dans un premier temps, alors que dans un second temps un déplacement de taches blanches se déposant sur une surface qu’ils pénètrent peut évoquer la fécondation. Preuve en est avec le plan suivant qui est celui, très net, d’un enfant. La décomposition de l’image en mini-cellules peut aussi évoquer le développement de l’enfant dans le ventre de la mère. Enfin, les fleurs s’ouvrant évoquent clairement la fécondation réussie.

Un thème visuel récurrent par la suite sera d’ailleurs le cercle, revenant à de maintes reprises dans le film et évoquant le ventre arrondi de la mère. Le cercle se retrouve via l’image (comme un cache), le hall du métro, les poissons tournant en rond, la lune et bien sur les échographies, auxquelles le son fait d’ailleurs parfois allusion en employant un certain type de pulsation.



La métaphore de l’enfant atteint son apogée dans l’épilogue : un homme nu, comme un bébé, se prépare à un rituel. Pendant ce temps, on assiste à l’accouchement en gros plan de la mère. Toujours en parallèle, l’homme nu effectue son rituel : il dessine un cercle au sol, et en sortira au moment où la mère aura accouché. Une fois l’enfant venu au monde, l’homme nu ouvre une sorte de fenêtre ou de porte, et regarde le monde extérieur : un monde dominé par la nature, laquelle semble se déchaîner puisqu’il s’agit d’une mer remontée. L’homme nu décide alors de se rendre vers ce monde extérieur, et le film se termine. De toute évidence, l’homme nu représente le futur homme que va être l’enfant de Jürgen Reble, lequel le prévient que le monde qui l’attend n’est pas des plus calmes mais peut toutefois être beau.

Fin.

jeudi 12 août 2010

Transformers

Transformers, c’est un peu comme les hémorroïdes en fait : on ne sait pas à quel point c’est douloureux tant qu’on ne l’a pas vécu.

Si on peut être méga coulant (non, pas de blague scato svp) avec Michael Bay côté scénario (la compilation des scripts de sa filmo devant largement tenir sur une feuille de post-it en écrivant grand), il y a des moments où la déconne n’est plus autorisée : seuls les effets spéciaux sont à sauver dans ce film, et encore pour cela faudrait-il qu’ils soient lisibles !

Mon appréciation du film se décline en trois temps :
1/ j’aime l’humour fin et subtil du film. Je ne puis m’empêcher de citer quelques grands moments de comédie comme on en avait plus eu depuis des années : la mère qui demande à son fils si il se masturbe, le robot qui pisse sur John Turturro, les allusions au fait que le héros puceau veut se taper la bombasse de service, le chihuahua plâtré, le robot Jazz… et on va arrêter là, non pas que l’envie d’en citer plus ne me démange pas mais j’avoue avoir à peu près tout oublié (eh oh ça fait une semaine que j’ai vu le film quand même !) mais on peut affirmer sans se tromper être à mi-chemin d’American Pie et de Mon curé chez les nudistes ;

2/ il y a une véritable maîtrise technique tout au long du film : des combats filmés en gros plan uniquement, ce qui ajoute un peu de sel à un montage déjà clair (cours de cinéma pour bayistes à venir : que le cinéma soit du 24 images/secondes ne veut pas dire que les 24 images doivent être toutes radicalement différentes les unes des autres hein), des contre-jours extraordinaires (ah j’aime ce plan où le soleil vient bouffer toute l’image et casse la tentative d’émotion de la scène) et j’en passe et des pas mal ;

3/ il faut saluer un jeu dramatique d’une intensité sans faille : Megan Fox étant un Transformer parfait point de vue carrosserie… et c’est tout. Quoique si vous insistez on pourrait encore parler de la transparence de Shia LaBeouf et, surtout, des grandes interprétations caricaturales de Jon Voight et John Turturro (qui ont au moins ce mérite malgré eux de signaler aux jeunes que la drogue, c’est mal, surtout quand il faut signer des contrats).

Après je tiens à remercier, mais là c’est plus personnel, Michael Bay (j’allais dire « les scénaristes » mais je me suis ressaisi, ce que je peux être con des fois quand même) d’avoir permis à des millions de jeunes d’apprendre les valeurs essentielles de la vie :
- si t’es moche mais que t’as une super bagnole, tu sauteras la bimbo du bahut sans te forcer (et si t’es méga basé c’est que tu joues forcément au football et que t’es un gros macho de base, connard va)
- si t’es un black à la grande gueule tu finiras forcément par vendre des bagnoles ou si t’es musclé tu seras un militaire même pas gradé, pas question que t’aies un poste important faut pas déconner
- si t’es un militaire dont la base se fait détruire par un gros machin robotique, ton réflexe sera de te foutre dans le désert sans eau ni vivres ni protection mais eh, fuck, t’es un putain de G.I., t’emmerdes la logique
- si tu tapes la discussion avec 5 robots de 20 mètres de haut et 15 tonnes sur la balance avec la voix de Barry White après une trachéo qui hurle dans une ruelle, tu te feras pas choper par les voisins trop cons pour regarder
- si t’achètes pas un gsm Nokia c’est trop la loose car il le répète pourtant bien 3 fois dans le film et bien clairement que « Nokia c’est de la balle »
- et si t’es trop con pour pas détruire directement le rubik’s cube et attendre que la ville entière soit saccagée avant de tilter… ben c’est rien tu te feras quand même la super bonnasse sur le capot de la bagnole mais t’auras bien emmerder ton monde avant, good game kid !

Une question subsiste néanmoins à l’apparition du générique : pourquoi diable un heureux hasard, je ne sais pas, genre une pluie de météorites radioactives, ne s’abat jamais sur la maison de Michael Bay au fait ?

Note : 0

mardi 10 août 2010

Bad Boy Bubby

Ce qui fait la beauté du cinéma, comme de nombreux autres arts j’en conviens (mais je suis cinéphile avant tout, on ne se refait pas), c’est de découvrir des œuvres dont on ne soupçonnait même pas l’existence et de les apprécier. Comme ce fut le cas pour moi avec ce Bad Boy Bubby.

Je le dis tout net : je ne connais le réalisateur, ni l’acteur, ni même le cinéma australien. La surprise était donc totale pour ce film datant quand même de 1993. Ce qui en ressort à la fin du générique, c’est qu’il s’agit avant l’heure d’un Forrest Gump un peu fauché et surtout trash : un débile malgré lui (sa mère l'ayant enfermé pendant 35 ans et en ayant fait à la fois son fils, son amant et son souffre-douleur) doit quitter son « innocence » en entrant dans le monde réel.

Il y a pas mal de clichés tout au long du film mais ce n’est pas très gênant en soi : il s’agit après tout de la vision du monde Bubby, même si parfois le cinéaste tombe dans la facilité (comme cette scène où Bubby faisant un scandale dans une cellule se voit collé avec un prisonnier baraqué et sodomite pour lui apprendre à se taire). Au-delà de ça, la réalisation est propre et sympathique, le cinéaste s’essayant parfois à quelques effets qui peuvent fonctionner sans trop de casse (pour l’anecdote, 32 directeurs photos, un par lieu de tournage, ont été engagés pour donner un côté plus « patchwork expérimental » au film).

J’émets toutefois un reproche assez fort car, à mon sens, il gâche le film. Du début à la fin, le cinéaste s’oppose farouchement à la notion de religion ; en soi, rien d’extraordinaire, chacun ses opinions et ce n’est pas le premier à faire cela. Là où ça coince, c’est quand le cinéaste impose ses idées, ne fait plus que les transmettre mais les revendique presque comme vérité absolue à travers une série de constations et de stéréotypes qui en deviennent lourdingues : ça commence calmement par la crainte du Christ qu’impose la mère à Bubby jusqu’aux salutistes se goinfrant de pizza avec l’argent de la quête aux plus problématiques discours théologiques contestataires, aux parents extrémistes et à l’accusation de la religion comme source de mal dans le monde. A nouveau je ne juge pas mais l’oppression religieuse que dénonce le cinéaste devient alors sa propre oppression sur le spectateur, ce qui finit par devenir gênant d’autant que cela n’a pas toujours lieu d’être dans le film.

C’est bien dommage je trouve, car malgré quelques longueurs en plus le film tient la route, grâce notamment à un humour noir prononcé et, surtout, un Nicholas Hope très bon dans le rôle principal, cet attardé au grand cœur mais déconnecté de la réalité. Une belle surprise au demeurant.

Note : ***

dimanche 8 août 2010

A bittersweet life (Dal kom han in-saeng)

Je l’avoue : je ne suis pas un grand connaisseur du cinéma asiatique (c’est même le premier Kim Jee-Woon que je découvre malgré les éloges que j'ai eu à propos de 2 sœurs). Mais j’observe quand même qu’il y a des références énormes entre le cinéma asiatique et le cinéma américain, et je ne m’étonne pas que l’un veuille souvent remaker l’autre (Infernal Affairs, Old Boy).

A bittersweet life fera un excellent remake entre de bonnes mains : tous les ingrédients sont réunis pour plaire à l’occidental moyen. Cet anti-héros qui a la classe dans toutes les situations, une action bougrement efficace quand elle a lieu et un scénario pas du tout compliqué (avec une fin ouverte qui plus est), que demander de plus.

J’admets que ce film est très abouti : bien filmé, bien joué, bien rythmé, bref du divertissement très efficace. Là où je pinaille, c’est dans les nombreuses incohérences que peut proposer le récit tout son long : on démarre comme quelque chose de sérieux et on dérive vers quelque chose de too much assez rapidement. Il y a un côté burlesque au film presque, qui pourrait justifier ce changement de ton radical, mais il n’empêche : la rupture est un rien violente entre le réalisme cru de la violence et des situations ou des actions surréalistes (le mec qui se déterre d’une seule main sous une boue d’un mètre ou qui parvient à éliminer une quinzaine de gangsters en pissant le sang et toujours avec un seul bras valide… hum). A trop surfer entre deux eaux, on perd un peu l’équilibre et finit par boire la tasse.

Il est toutefois intéressant de noter quel plaisir prend le cinéaste à prendre en contre-pied plusieurs éléments : alors qu’il paraît évident que le héros se tapera la jeune fille, il ne le fait pas. Quand on croit qu’il domine une situation, il se retrouve dans la merde. Quand on se dit qu’il ne pourra se sortir d’une situation impossible, c’est un bête fait qui résoudra le problème.

Un film fort sympathique et très agréable à regarder, preuve si besoin en était que le cinéma coréen (avec Bong Joon-Ho, Park Chan-Wook et dans un autre registre Kim Ki-Duk) est l’une des valeurs sûres à l’heure actuelle.

Note : ***

vendredi 6 août 2010

Baarìa

Giuseppe Tornatore est un drôle de cinéaste, ou plutôt a-t-il connu une drôle de carrière : son deuxième film, Cinéma Paradiso, fut un tel succès qu’il éclipsa longtemps les films suivants du cinéastes, qui il faut bien l’avouer n’a pas particulièrement briller dans cette décennie (Malena fut son seul film des années 2000). Pourtant, le savoir de retour me procurait une certaine envie, la curiosité de retrouver ce cinéaste me titillant un peu plus quand j’appris le sujet de son film Baarìa, soit l’histoire politique du 20ème siècle en Italie (j’adore ce genre de fresque) mélangeant la petite et la grande Histoire.

Voilà donc comment le cinéaste va, sur 3 générations, nous parler de communisme. Si 1900 de Bertolucci prônait à sa fin la naissance du communisme comme un nouvel espoir, Baarìa en souligne (dénonce ?) les limites et les désillusions, en particulier dans une Sicile dominée par un patriarcat étouffant, un machisme ambiant et surtout une mafia envahissante.

2h30, c’est trop long, même pour couvrir 35 ans d’Histoire. L’avantage, c’est que Tornatore dans le discours politique ne délaisse pas l’humour, la tendresse, l’épique (qui rappelle quelque fois ces films de révolte comme 1900 ou Allonsanfan des frères Taviani) et surtout la poésie et l’imagination, qui rendent le récit bien moins austère que d’autres films avec un sujet semblable.

Seul (gros) bémol : cette fin, que Tornatore ne trouve pas : il cherche pourtant, il cherche, en propose une, puis une autre, encore une troisième. Aucune ne marche réellement, et pourtant elles durent, elles durent…

Reste que l’ensemble du film, si inégal soit-il, contient des éléments assez plaisants (des comédiens, surtout le duo comique Ficara-Picone bien connu en Italie, à la musique de Morricone) et reste un moment si pas inoubliable au moins sympathique.

Note : ***

mercredi 4 août 2010

Le Figurant (Spite Marriage)

Rah le parlant, quelle saleté !

Point négatif : les films sont devenus bavards !
Point positif : le cinéma a découvert le silence…

Point négatif : exit le langage universel de l’image !
Point positif : de grands dialoguistes ont marqué l’histoire du cinéma…

Point négatif : les carrières de grandes vedettes du muet ont été brisées !
Point positif : le jeu d’acteur en a été changé…

Mais au milieu de tout ça se trouve tout de même des films inclassables, plus tout à fait marqué par le muet et se refusant encore au parlant. Tel est le cas de Spite marriage, plus une comédie qu’un film burlesque, sans véritable cascade spectaculaire comme Buster savait si bien les faire.

C’est un film sympathique, sorte de vaudeville filmé, qui contient quelques bons moments (la pièce de théâtre remaniée, l’attaque des pirates…). Et puis Buster démontre qu’il avait un réel talent pour la comédie, ne se limitant pas qu’à son physique extraordinaire.

Mais la désagréable l’impression de ne pas voir un film de Buster Keaton submerge l’ensemble du film, qui aurait été oublié sans la présence de l’acteur au générique. Triste triste fin de carrière, même si elle n’est pas honteuse…

Note : **

lundi 2 août 2010

Le dossier Adams (The Thin Blue Line)

27 Novembre 1976: David Harris, 16 ans, vole une Mercury Comet bleue, de l'argent et un pistolet. Il se rend à Dallas. Le lendemain, un policier est abattu par le conducteur non identifié d'une voiture bleue. Harris commet plusieurs méfaits et finit par être arrêté. Il dénonce alors Randall Adams, comme l'auteur du meurtre du policier. Il affirme avoir pris celui-ci en auto-stop, ils ont bu, été au cinéma et la balade s'est mal terminée. Adams nie. Interrogé, au secret, identifié par de nombreux témoins douteux, il est condamné à mort. Par chance, la cour Suprême des Etats-Unis casse le jugement. 17 Avril 1985: c'est la date de la première rencontre entre Errol Morris, cinéaste, et David Harris. Morris s'intéresse à l'affaire et interroge les témoins. Ses interviews filmées sont acceptées comme pièces à conviction et font apparaître les aberrations de l'enquête, des témoignages, de l'examen psychiatrique d'Adams. On découvre aussi que l'un des magistrats est incompétent. Enfin, Harris avoue, au cours d'un enregistrement qu'il est seul coupable du policier. Le 21 Mars 1989, Adams sort de prison après 12 ans de réclusion dont 3 dans le couloir de la mort. La légende de ce film le dépasse un peu : non, ce n’est pas seulement grâce à ce documentaire que Randall Adams a été rejugé et acquitté mais il faut bien admettre qu’il y a grandement participé.

Errol Morris part donc d’un fait divers qui le perturbe et mène une véritable enquête policière pour connaître la vérité. Qui ne connaît pas le style d’Errol Morris sera peut-être dérouté dans un premier temps puis ne verra pas la nouveauté de ce procédé et pourtant : la stylisation du documentaire et le souci de la reconstitution ne sont que des idées récentes dans les émissions et documentaires télévisuels, justement influencés par Thin Blue Line qui eut, à sa sortie, un impact considérable sur ceux qui l’ont vu (Morris passa par ailleurs à ras de la nomination aux Oscars, qu’on lui refusa car son film fut catalogué comme « fiction » !).

Il y a donc un travail d’enquête tout à fait impressionnant (les faits remontant à 9 ans lors du tournage, Morris ayant du retrouver les acteurs du procès et de l’enquête policière) mais au-delà de la qualité de l’investigation, c’est la réalisation qui est magistrale : Morris propose plus qu’un documentaire, un véritable thriller stylisé, avec son ambiance (la musique de Philip Glass fait des merveilles), sa photo exemplaire et son sens du cadrage et de la reconstitution. Chose étonnante aussi : Morris parvient à rester objectif en n’intervenant pas directement dans le film (on n’entend jamais ses questions, sauf par obligation dans les aveux du vrai coupable) et en plus filme exactement de la même manière (même distance, même cadrage, même éclairage) tous les intervenants. Le spectateur est alors mêlé à l’enquête et doit se faire lui-même son propre avis sur Adams, en fonction des preuves et témoignages dont il dispose, avant de voir l’énigme résolue par les aveux de Harris en fin de film.

Un véritable modèle de documentaire d’investigation, critique (en gros il dénonce quand même le dysfonctionnement judiciaire au Texas) et plutôt ironique : après avoir évité la chaise électrique grâce au film, Adams intentera un procès au cinéaste pour avoir tiré profit de sa vie et demandera des dommages et intérêts. Qui a dit que les Américains n’avaient pas le sens pratique ?

Note : ****