jeudi 25 mai 2006

Maris et femmes (Husbands and wives)


Une superbe mise en abyme que ce Maris et femmes.

Au cours d'une soirée, Jack et Sally annoncent à leurs amis Gabe et Judy Roth leur intention de se séparer par consentement mutuel. Seulement, leur grande complicité va devenir un mur insurmontable à cette séparation. Gabe et Judy, pour leur part, voient leur couple se défaire au contact de leurs rencontres respectives et du poids de trop de non-dits.

Pour bien apprécier ce film, il faut tout d’abord le situer chronologiquement : nous sommes en 1992, le couple Allen-Farrow bat méchamment de l’aile. D’ici quelques mois, ce sera le divorce, les disputes, les tribunaux… Mais pour l’heure, la rupture n’est pas encore faite, même si elle s’annonce fortement. Du coup, pour pas changer, Woody s’inspire de son histoire pour traiter un de ses thèmes chéris : les relations de couple. A noter que l’auteur se défend toutefois d’avoir fait un film autobiographique…

Deux couples : d’une part, Woody et Mia, couple intello où tout va plus ou moins bien mais qui, petit à petit, se décompose ; de l’autre, Sydney Pollack (tiens, un réalisateur…) et Judy Davis pour qui tout fout le camp mais qui finiront par se remettre ensemble. De cette manière, Allen projette les deux éventualités pour son couple : bien finir ou mal finir.

D’un point de vue scénaristique, Allen est fidèle à lui-même : thèmes récurrents, voix-off agissant comme un personnage à part entière, dialogues pointus et savoureux… Bref, rien ne manque.

Cette fois, au niveau de la réalisation, Allen abandonne ses influences européennes et travaille à la manière du plus célèbre cinéaste indépendant américain : John Cassavetes (Shadows, Une femme sous influence…). Déjà que les relations humaines étaient une caractéristique du style Cassavetes, Allen lui reprend aussi le style de mise en scène : improvisation, tournages en décors naturels et en extérieurs, caméra à l’épaule pour conférer au film un aspect réaliste… Rien n’est laissé au hasard pour rendre hommage à cet artiste disparu en 1989…

Autre habitude du cinéaste : s’entourer d’un casting extraordinaire. Il en aura déjà connu des vedettes le Woody, et il en aura aidé d’autres encore à décoller. Cette fois, en plus des vétérans Pollack (superbe) et Davis, il ajoute une Juliette Lewis rafraîchissante et un Liam Neeson un rien idéaliste en amour. Comme souvent, chacun se démène pour conférer à son personnage quelque chose qui lui est propre et aussi quelque chose qui provient d’Allen lui-même…

Bien sûr, le film contient tous les éléments allenien : le jazz, New-York, des personnages névrosés et frustrés, une approche freudienne de la sexualité… Seul élément absent : la comédie. Si le film n’est pas foncièrement noir (quelques moments viennent amuser le spectateur), il s’agit bel et bien d’une comédie plus dramatique que vraiment comique. Sans doute est-ce le traitement que nécessitait un tel sujet, et nous sommes encore bien loin de la noirceur de Crimes et délits par exemple.

Un chef-d’œuvre de la part du cinéaste, qui a su le temps d’un film se mettre en avant tout en prenant des distances avec la réalité. Si Meurtre mystérieux à Manhattan suivra l’idée, il n’en aura pourtant pas la classe dramatique de ce Maris et femmes qui, assurément, aurait plu à John Cassavetes.

Note : ****

Inside Man


Inside Man, ou une preuve supplémentaire que dans le monde du cinéma, cinéaste engagé et blockbuster peuvent coexister.

Le film aurait été un énième thriller si à la réalisation on n’avait pas placé un petit gars du nom de Spike Lee. Et même s’il reste moins connu en Europe qu’aux USA, il reste le réalisateur de films dérangeants dont Do the right thing et Malcom X font figures de proue. Etonnant donc de le voir là, et surtout inquiet de savoir s’il ne va pas se faire littéralement bouffer par la faune hollywoodienne. Heureusement, le ton est vite donné !

Lee n’abandonne pas son style : rythme fluide, plans succincts, le film débute même sur une musique indienne, bien loin des standards du genre. Une sorte de prémisse à ce qui va arriver par la suite : un règlement de compte avec les Etats-Unis post 9/11. Sans délaisser l’humour, Lee dessine des personnages meurtris mais qui ne s’en portent pas plus mal (l’hindou qui refuse de parler à la police tant qu’il n’a pas son bandeau, les juifs qui discutent d’éventuels procès pour gagner de l’argent…). Et si la facilité du cinéaste revient à mettre un duo de flics noirs face à une bande de voleurs blancs, on ne lui en tient finalement peu rigueur.

Car il faut dire qu’il a su s’entourer le Spike Lee ; outre son fidèle Denzel Washington, Spike Lee s’est adjoint les services de Clive Owen, Jodie Foster, Willem Dafoe et Christopher Plummer. Ce qui est génial, c’est de voir que chacun diffère quelque peu de ses rôles habituels : Washington quitte le rôle du noir épris de justice pour devenir un flic qui devient aussi manipulateur que ceux qui veulent le manipuler ; Clive Owen joue les cambrioleurs intellos prétentieux mais au grand cœur ; Jodie Foster joue la garce de service, sorte de mercenaire à la solde d’un Christopher Plummer pourri jusqu’à la moelle ; enfin, Willem Dafoe joue un flic hélas trop effacé pour qu’on en retienne quelque chose. Il convient de saluer leurs performances, notamment celle de Clive Owen qui, l’air de rien, devient la vedette du film, celui qu’on est content de voir à l’écran ou, tout simplement, d’entendre.

Et si le scénario un peu simple tente de jouer sur la manipulation du spectateur (qui est vraiment le méchant de l’histoire ?) notamment dans son final, il ne gâche en rien les confrontations entre le trio Washington-Owen-Foster.

Du blockbuster comme on les aime donc, à la fois grand spectacle et film d’auteur, où Spike Lee touche à la fois à la gloire du box-office et à la grâce de son cinéma un rien anarchiste. Un homme magnifique à Sydney Lumet (les parallèles avec Un après-midi de chien sont frappants, et Owen surnomme Washington « Serpico ») et du divertissement de très haute gamme.

Note : ****

jeudi 18 mai 2006

Sexy Movie (Date Movie)


Du salement trash et un humour scato pour un film à moitié drôle : voilà le résumé de Sexy Movie.

Il faut dire que depuis quelque temps (et notamment grâce à la tétralogie des Scary Movie), la parodie est à la mode. Mais là où les Y a-t-il… ? étaient un rien lourd, là où les Hot Shots étaient déjà plus décalés, il y a désormais des films pipi-caca, ne reculant devant aucun effet désastreux pour faire rire.

Au niveau des films parodiés, on retrouve du Mes beaux-parents et moi, Hitch, Mr & Mrs Smith, Kill Bill Vol. I & II, Le mariage de mon meilleur ami, King Kong, Le Seigneur des Anneaux, Star Wars III : la revanche des Siths, Mon mariage Grec, Dodgeball, Un mariage trop parfait, Serial Noceurs, Pretty Woman et des émissions comme The Bachelor ou encore Pimp my Ride, de la chaîne MTV dont le principe est de transformer une voiture pourrie en bolide de compét. En somme, du bon et du moins bon (certaines parodies sont vraiment inutiles comme SDA ou King Kong).

Pourtant, les gags sont excessivement mal faits ; si les idées de base sont parfois amusantes, à force de tirer en longueur elles deviennent pitoyables voir irritables. Ainsi, le détour de Kill Bill peut paraître amusant mis, au bout de 10 minutes, on a envie de brûler la bande ou de péter l’écran, au choix. Et là je ne parle que des gags qui sont normaux, évitant ainsi ceux à tendance scato (le chat aux toilettes avec la chiasse pendant 10 minutes) voir nécro (le même chat qui baise le cadavre de la mère de Frank…).

Ce qui déçoit encore plus est l’aspect « private joke » du film ; beaucoup de références sont en effet réservées aux Américains, comme cette parodie de la pub pour McDo de Paris Hilton ou la remarque « consommation d’alcool : presque autant que Tara Reid ».

Un film qui en fait des tonnes et qui, lorsqu’il parvient à arracher quelque sourire, l’efface directement par une enfilade de gags à base de poil, de cul et de merde. La sentence « volez bas » ne correspond même plus à ce film qui marquera l’histoire du genre comme étant l’une de ses plus grosses daubes.

Note : 0

Carnets de voyage (Diarios de motocicleta)


Une belle réussite que ce Carnets de voyage.

Inspiré de leurs journaux intimes, le film raconte le voyage d’Alberto Granado et d’un certain Ernesto Guevara de la Serna, qui sera plus tard connu sous le nom de Che Guevara.

Il faut dire que Walter Salles connaissait bien les livres de souvenirs d'Ernesto Che Guevara : "Ce livre a eu un impact sur moi parce qu'il n'est pas seulement un voyage initiatique mais aussi la recherche de ce que j'appellerais une identité latino-américaine. J'ai retrouvé au fil de mon périple l'essentiel de ce que j'avais ressenti en lisant les témoignages d'Ernesto et Alberto. Ces livres sont modernes et contemporains, signe que les réalités sociales et politiques de la culture latino-américaine ont peu changé en cinquante ans".

En quelques mots, le film est donc résumé : un film humaniste, politique, servi par des décors somptueux.

Politique, le film l’est assurément, établissant le constat affligeant d’une Amérique Latine désabusée, pauvre et ayant perdu toute illusion du bonheur. Si l’Amérique du Sud peine dans le film est sensée représenter celle des années 50, force est de constater qu’en un demi-siècle rien n’a changé.

Humaniste, le film l’est tout autant, décrivant un Che en devenir aimant son prochain, épris de justice sociale, d’égalité humaine (voulant par exemple supprimer le fossé entre les médecins et les lépreux) et refusant le mensonge, quitte à en payer les conséquences.

C’est d’ailleurs la plus agréable surprise du film : Gael Garcia Bernal. Avec toutes les responsabilités que cela comporte (rester proche de la vérité tout en évitant d’égratigner la légende), Bernal offre une dimension exceptionnelle à Ernesto Guevara. Tout en faisant de lui un jeune idéaliste, il dessine le portrait du Che tel qu’il le sera réellement : juste mais sévère, ne concevant la révolution que comme un acte de force. Personnalité trouble, Guevara trouve en Bernal un digne représentant, ce dernier ne tirant même pas la couverture du film à lui seul, jouant parfois même sur les émotions plutôt que les paroles.

Il convient, finalement, de saluer la beauté des décors naturels, des ruines Incas aux Cordillères des Andes. Parfois, le cinéaste cède même au charme de ces beautés naturelles et les filme comme des cartes postales. On ne s’en plaindra pas vu leurs beautés, mais il faudrait voir à ne pas trop se laisser aller…

Un film étonnant, où l’idéologie de la révolution cubaine se dessine en même temps que l’esprit du Che, et où le réalisateur, en plus de rendre un vibrant hommage au mythe du Che, dresse le portrait d’une Amérique Latine occultée, pourtant riche sur le plan humain et d’une beauté visuelle sans nom, qui mériterait à ce que l’on s’occupe un mieux d’elle. Un film à la fois humaniste et politique, c’est trop rarement réussi pour ne pas le saluer.

Note : ***

vendredi 12 mai 2006

Ken Park


Un film qui vaut plus pour sa réputation que pour ses qualités que ce Ken Park.

Faut dire que même en sachant le nom du réalisateur, on ne sait jamais à quelle claque s’attendre. Après Kids, Another day in paradise ou Bully, on sait que son film suivant sera une bombe mais on ne sait pas sous quelle forme. D’où, après contrecoup, une certaine déception concernant Ken Park.

A la base, en lisant le synopsis et en regardant la bande-annonce, on peut s’attendre à du corrosif, du mordant qui va épingler l’american way of life au mur avec une punaise grosse comme une chaise. On peut s’attendre à une critique des Etats-Unis qui abandonne les jeunes à leur sort, à leur désespoir d’être en vie dans un monde qui n’est vraiment pas le leur. Et là, on retombe de haut. Tout ce qu’on voit, c’est du cul, du joint et du malsain. Les terreurs du film ? Un paumé qui couche autant avec sa copine qu’avec la mère de celle-ci, un autre paumé au père alcoolique, une nympho au père tyrannique, un taré détestant les grands-parents chez lesquels il vit et un rouquin jovial qui se grille la cervelle devant sa caméra en plein milieu d’une aire de skateboard.

Rien de bien jovial là-dedans. C’est fait exprès. Mais là où on commence à en avoir marre, c’est à force de voir des cunnis, des masturbations, des jeux sado-masochistes, des parents qui veulent se taper leurs enfants et des fumettes durant 1h30. Si encore cela pouvait servir le récit, passe encore, mais à quoi bon filmer pendant 3 minutes un mec bourré qui pisse ? Un ado perturbé se pendre à la poignée de sa porte pour se masturber, et filmer en gros plan son éjaculation ?

Clark tente d’attaquer l’autoritarisme parental, les dangers de la censure qui pousse à cacher aux jeunes les plaisirs sexuels ; mais à trop appuyer les poncifs (le père alcoolo, le veuf pleurant quotidiennement sa défunte femme…), il détruit la majorité de son discours. Quant au reste, c’est par une enfilade de longues minutes inutiles qu’il l’achève.

Dommage, car les acteurs, comme souvent, valent le déplacement, respirant l’authenticité, sans doute car provenant réellement de ce milieu. C’est aussi ça, la touche de Clark : tirer des gosses des quartiers pour en faire, le temps d’un film, des acteurs à part entière. A noter la présence au générique d’Amanda Plummer comme vedette.

Un film travaillé, dans la veine de Clark mais qui, à trop lorgner sur le porno pseudo intello, en oublie ses fondements : une analyse acide de la société US comme on les aime. Plus intelligent qu’un film de cul mais de peu.

Note : **

Aaltra


Un OVNI cinématographique que cet Aaltra.

Deux voisins. Mal dans leur travail et dans leur vie. Face à face en rase campagne, quelque part dans le nord de la France. La cohabitation est difficile. Ils se dérangent et se détestent. Une violente dispute se termine à l'hôpital à cause d'une benne agricole qui s'est écrasée sur eux pendant leur bagarre. Ils sont paralysés des deux jambes et sortent de l'hôpital en chaises roulantes. Après réflexion, chacun renonce au suicide et ils se retrouvent par hasard sur le quai de la gare. Voisins malgré eux, encore. Commence alors pour eux un voyage improbable et atypique. Objectif : aller réclamer des indemnités au constructeur du matériel agricole qui se trouve en Finlande. Ces deux paralytiques vont vivre un véritable parcours initiatique : la découverte de son voisin.

Road-movie déjanté, signé des compères Benoît Delépine et Gustave Kervern, Aaltra ne ressemble à rien de ce qui existe déjà dans le genre. Pas totalement une comédie, loin d’être un drame, le film vogue entre les genres, ne se fixant aucune limite au politiquement incorrect et à l’humour noir.

Sauf qu’à force d’être trop original, on finit par décrocher. Et là, les cinéastes en herbe ne nous aident pas à rester accrochés. Quelques moments viennent alléger le tout, mais le plus souvent les scènes ne semblent pas en terminer. Comme si, par obligation, les réalisateurs tirait le film en longueur pour atteindre l’1h30.

Les auteurs-réalisateurs-acteurs sont pourtant dans leur élément, distillant le même humour que dans Groland, ou presque. Ils jouent la carte de la dérision, de la verve acide, de l’humour pince-sans-rire qui active les zygomatiques mais au fond fait mal. Hélas, le film est très mal équilibré pour qu’on ne puisse retenir que cet aspect positif.

C’est tout aussi dommage pour les invités, noms prestigieux comme ceux de Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Noël Godin, Aki Kaurismäki ou Jan Bucquoy. Quoique pour certains, les scènes semblent avoir été improvisées, histoire de dire qu’ils avaient un rôle dans le film. Des scènes insolites, comme celle de Bouli Lanners en chanteur finlandais, dont on ne comprend finalement pas vraiment l’intérêt…

A l’aide d’un noir et blanc contrasté, le duo tente vainement de critiquer quelque chose, mais on ne sait pas exactement quoi : les assurances ? Les profiteurs ? Les gens regardant différemment les paraplégiques ? Ou peut-être, plus simplement, ne cherchent ils pas à critiquer quoi que ce soit, et veulent tout simplement faire un film à contre-courant, n’ayant pas peur d’être lui aussi différent.

Dommage que l’idée soit si floue, dans un scénario qui aurait gagné cette fois à un petit peu plus d’explications ; le film, quasi muet, n’en emporte en effet aucune. C’est vrai que c’est unique. Trop, peut-être.

Note : ***

dimanche 7 mai 2006

La Bombe (The War Game)


Film choc et documentaire effroyable de Peter Watkins que cette Bombe.

En réalité je l’avoue, il s’agit plutôt d’un moyen-métrage destiné à la télévision (c’est produit par la BBC) que d’un véritable film, mais nombre d’entre vous savent le culte que je voue à Peter Watkins et son Punishment Park, alors je ne pouvais pas laisser passer l’occasion de parler de son autre chef-d’œuvre…

L’histoire… est en relation directe avec l’Histoire : nous sommes en 1967, en pleine guerre froide. Je suppose que vous avez deviné le sujet : l’usage de la bombe atomique. Impossible de faire mieux que Dr Folamour dans ce domaine, et ça Watkins l’a compris. De toute manière, il ne voit pas matière à plaisanter comme Kubrick l’a fait. Il choisit donc, dans la plus pure tradition de son style vrai faux-documentaire, de parler des effets de la bombe sur la population. Et c’est là que ça devient effrayant !

En se basant sur des données scientifiques et sur des faits authentiques (ceux de Hiroshima, Nagasaki et Dresde), Watkins dépeint ainsi toute la misère et la souffrance humaine qu’engendrerait une explosion nucléaire. On part ainsi de la déportation de familles vers des zones moins risquées, familles amputées de tout mâle valide et de plus de 18 ans. S’en suit alors l’explosion, qui même à une dizaine de kilomètres, provoque des dégâts : sous la chaleur, la partie sensible de l’œil fond, la chair est brûlée au troisième degré et les murs prennent feu. Les conséquences continuent avec le souffle atomique, créant un peu partout des tempêtes de feu impossibles à maîtriser.
Ca, c’est l’aspect le plus soft du film. J’éviterai de vous parler en détail des mesures prises par les autorités pour abréger les souffrances des gens, l’anarchie totale régnant au sein de la société, la destruction psychique des survivants, la lutte pour la survie… Sans oublier l’insoutenable, la vision intégrale des dégâts, tant moraux que physiques…

Watkins permet toutefois au spectateur de se remettre de ses visions apocalyptiques mais c’est pour mieux l’assommer ; en guise de carton d’interruption, Watkins donne des informations officielles, des citations authentiques qui laissent présager tout l’horreur que provoquerait une telle attaque.

C’est peut-être là que le film en choquera plus d’un, dans cette peinture sans concession de la vie post-nucléaire, entre lambeaux de peaux qui tombent et regards vides des victimes. Arme à double tranchant puisque si elle choque, elle fait prendre également conscience de la menace qui pesait à l’époque sur les citoyens du monde. Sans compter que si le film fut applaudi par les scientifiques pour son authenticité, ils s’empressèrent de rajouter que Watkins était encore loin de la vérité…

Un film coup de poing donc, véritable traumatisme télévisuel qui a évidemment perdu de son impact à la fin de la Guerre froide (et les prémonitions du narrateur pour 1980 ne se sont heureusement pas vérifiées) mais dont l’horreur, l’aspect plus vrai que vrai du récit laisse en soi et dans son esprit une marque indélébile, une vision pénible de la condition humaine si l’horreur se produisait ; plus de doutes cette fois, face à la maestria de Watkins, Moore (pourtant génial) passe pour un gamin : c’est dire !

Note : ****

samedi 6 mai 2006

Silent Hill


Une adaptation trop fidèle au jeu homonyme que ce Silent Hill.

Voilà près de dix ans que les adaptations de jeux vidéos sont à la mode. Pour faire un rapide historique, on a eu droit à Mario Bros (bof, même pour le casting composé de Bob Hoskins, John Leguizamo et Dennis Hopper), Double Dragon (beurk !), Street Fighter (ridicule), Mortal Kombat (le 1 était encore potable, le 2 n’est même pas à considérer comme film…), Wing Commander (pas vu tiens celui-là…), Resident Evil (no comment) ou encore Tomb Raider (le 1 ok, le 2 pas vu) et Doom, sans compter les futurs (mais néanmoins potentiels) Driver, Splinter Cell, Castlevania ou encore Dead or Alive…

Alors quoi de plus normal que de voir Silent Hill adapté ? Succès planétaire, esthétique crad’ comme les fans d’horreur aime, ambiance glauque, le jeu lui-même se rapprochait d’un film.

Pour plus de sécurité, on tape même Roger Avary au scénario. Faut dire que le ciné qui marche, ça le connaît lui, auteur oscarisé de Pulp Fiction entre autres. Puis les producteurs font la gaffe qui fallait pas : ils tapent Christophe Gans (Le pacte des loups) à la réalisation.

Et c’est là que ça dérape. Mais alors, en beauté. No pas que Gans soit un mauvais (encore que…), mais c’est juste qu’il n’a pas les épaules pour ce genre de film, c’est tout.

D’accord, niveau effets spéciaux, on est servi, c’est du gros calibre. C’est d’ailleurs tellement bien fait qu’on se croirait dans le jeu vidéo lui-même. D’où le hic : pourquoi aller voir un film qui ressemble comme deux gouttes d’eau au jeu, à la différence près que l’on est frustré de ne pas pouvoir y jouer ? Parce que niveau esthétique, il n’y a vraiment rien à dire, l’adaptation est plus que fidèle à l’esprit et au style du jeu. Même certains plans font penser à lui (comme la fuite de l’infirmière d’un coin de la pièce à un autre…).

Mais c’est là qu’on décroche. A force d’avoir trop soigné l’apparence de son film, Gans semble en avoir oublié la puissance évocatrice ou, tout simplement, les subtilités scénaristiques ou les possibilités d’action. Les apparitions de monstres sont trop courtes, le film tire bien trop en longueur (surtout la fin) et les effets sensés faire peur sont les mêmes qu’utilise des types comme Night Shyamalan. C’est dire qu’ils n’ont rien d’effrayant, tout au plus sont ils surprenants. Le pire reste pourtant à venir : à trop vouloir être unique, aller plus loin que les autres avant lui, Gans sombre dans un voyeurisme malsain, un plaisir sadique à montré des scènes franchement dispensables. S’il nous épargne la purification par le feu d’une fillette, il n’épargne pas celle d’une femme, où durant 5 bonnes minutes nous voyons sa peau se boursoufler, puis se décoller avant de prendre feu. Plus que du trash, du sadisme qui n’a que pour volonté de choquer. Vu comme ça, c’est réussi tellement c’est dégoûtant.

Les acteurs, quant à eux (devrait-je dire elles) n’ont rien à se reprocher, même si ils ne sont pas toujours au diapason avec leurs personnages. C’est sympa de placer une majorité de femme comme héroïnes, mais c’est frustrant de voir Sean Benn réduit à 10 minutes de film top chrono.

La b.o., quant à elle, est fidèle au jeu, et tente de donner du relief à un scénario qui, bien que permettant plusieurs interprétations sur le final, est beaucoup trop mal équilibré pour ne pas paraître long.

Une adaptation semi réussie donc, qui ravira les fans du jeu mais ne séduira peut-être pas autant les autres spectateurs. Dommage car nous n’est pas à jeter.

Note : **

Horribilis (Slither)


Un film bien plus proche de la comédie gore que du film d’horreur proprement dit que cet Horribilis.

Il faut dire que pour un gros budget (près de 20 millions de dollars), le film doit beaucoup à l’esprit série B ; un scénario abracadabrant et s’inspirant ci et là des chefs-d’œuvre du genre, un humour second degré, des effets gores bien dégueu mais loin d’être effrayants… Bref, le parfait petit guide du film fauché au budget colossal.

Parce qu’il faut dire ce qu’il est : Horribilis n’est vraiment pas original. Il n’est même pas intelligent (comme purent l’être les films de Romero). Pensez donc : une espèce de virus qui envahit les planètes pour manger tous ses habitants, utilisant pour cela des espèces de limaces énormes s’introduisant par la bouche. Franchement, il y a de quoi rire !

Et c’est là que le film réussit son pari risqué : aborder le second degré de manière judicieuse pour un film qui se sait d’office un navet scénaristique. S’est influencé série B, ça rend hommage à Alien, La nuit des morts-vivants ou même Men in Black. Les vannes s’enchaînent, les situations plus rocambolesques les unes que les autres provoque plus l’hilarité que le frisson. Parce qu’il ne faut pas se voiler la face, on a pas peur un seul instant, ne serait-ce qu’un tout petit peu.

Même le casting est faiblard : que des nouvelles têtes (avec peu de films au compteur). La seule tête d’affiche est Michael Rooker, apprécié des cinéphiles mais ignoré du grand public. Il y a aussi Gregg Henry, pour certains (Payback, trois films de Brian de Palma…) mais c’est tout. A noter quand même, pour ceux qui verront le film en v.o., la participation de Rob Zombie dans le rôle du docteur au téléphone…

Niveau réalisation, rien de bien innovant en tout cas. Pour ne pas dire que cela relève du classique. A la différence près que James Gunn semble avoir des dispositions pour le mauvais goût : déco affreuse, maquillages encore plus moches, morts dégueulasses, rien n’est épargné au spectateur pour le mettre mal à l’aise. C’est aussi ça la technique du film : enchaîner les situations absurdes (le flic attaqué par une chèvre morte-vivante !) par des situations plus scabreuses.

Un film sans complexe, qui assume pleinement son caractère adolescent, l’imbécillité de son sujet et la médiocrité de son scénario. Mais là où certains se seraient battu pour en faire quelque chose de bien, Gunn se complaît dans la daube et y patauge dans la joie et l’allégresse, nous conviant même à ce spectacle débile à oublier dès qu’on l’a vu. C’est peut-être pour ça que, finalement, on aime le film.

Note : ***