jeudi 25 mai 2006

Maris et femmes (Husbands and wives)


Une superbe mise en abyme que ce Maris et femmes.

Au cours d'une soirée, Jack et Sally annoncent à leurs amis Gabe et Judy Roth leur intention de se séparer par consentement mutuel. Seulement, leur grande complicité va devenir un mur insurmontable à cette séparation. Gabe et Judy, pour leur part, voient leur couple se défaire au contact de leurs rencontres respectives et du poids de trop de non-dits.

Pour bien apprécier ce film, il faut tout d’abord le situer chronologiquement : nous sommes en 1992, le couple Allen-Farrow bat méchamment de l’aile. D’ici quelques mois, ce sera le divorce, les disputes, les tribunaux… Mais pour l’heure, la rupture n’est pas encore faite, même si elle s’annonce fortement. Du coup, pour pas changer, Woody s’inspire de son histoire pour traiter un de ses thèmes chéris : les relations de couple. A noter que l’auteur se défend toutefois d’avoir fait un film autobiographique…

Deux couples : d’une part, Woody et Mia, couple intello où tout va plus ou moins bien mais qui, petit à petit, se décompose ; de l’autre, Sydney Pollack (tiens, un réalisateur…) et Judy Davis pour qui tout fout le camp mais qui finiront par se remettre ensemble. De cette manière, Allen projette les deux éventualités pour son couple : bien finir ou mal finir.

D’un point de vue scénaristique, Allen est fidèle à lui-même : thèmes récurrents, voix-off agissant comme un personnage à part entière, dialogues pointus et savoureux… Bref, rien ne manque.

Cette fois, au niveau de la réalisation, Allen abandonne ses influences européennes et travaille à la manière du plus célèbre cinéaste indépendant américain : John Cassavetes (Shadows, Une femme sous influence…). Déjà que les relations humaines étaient une caractéristique du style Cassavetes, Allen lui reprend aussi le style de mise en scène : improvisation, tournages en décors naturels et en extérieurs, caméra à l’épaule pour conférer au film un aspect réaliste… Rien n’est laissé au hasard pour rendre hommage à cet artiste disparu en 1989…

Autre habitude du cinéaste : s’entourer d’un casting extraordinaire. Il en aura déjà connu des vedettes le Woody, et il en aura aidé d’autres encore à décoller. Cette fois, en plus des vétérans Pollack (superbe) et Davis, il ajoute une Juliette Lewis rafraîchissante et un Liam Neeson un rien idéaliste en amour. Comme souvent, chacun se démène pour conférer à son personnage quelque chose qui lui est propre et aussi quelque chose qui provient d’Allen lui-même…

Bien sûr, le film contient tous les éléments allenien : le jazz, New-York, des personnages névrosés et frustrés, une approche freudienne de la sexualité… Seul élément absent : la comédie. Si le film n’est pas foncièrement noir (quelques moments viennent amuser le spectateur), il s’agit bel et bien d’une comédie plus dramatique que vraiment comique. Sans doute est-ce le traitement que nécessitait un tel sujet, et nous sommes encore bien loin de la noirceur de Crimes et délits par exemple.

Un chef-d’œuvre de la part du cinéaste, qui a su le temps d’un film se mettre en avant tout en prenant des distances avec la réalité. Si Meurtre mystérieux à Manhattan suivra l’idée, il n’en aura pourtant pas la classe dramatique de ce Maris et femmes qui, assurément, aurait plu à John Cassavetes.

Note : ****

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