samedi 29 novembre 2008

W.

W. – l’improbable président a une place toute particulière à mes yeux : il est le premier film sensitif que je connaisse. Comment ça ? C’est très simple : c’est bien la première fois que j’ai eu littéralement envie de vomir devant un film.

Avant de déblatérer le film et de clamer mes vociférations négatives, je laisse à Oliver Stone le soin de se défendre : « Bush a eu un impact énorme sur le monde. Sous son administration, les pouvoirs de la présidence ont été renforcés comme jamais. Ce film traite d'un sujet d'actualité, certaines personnes comprendront notre version de sa vie alors que d'autres la rejetteront, mais notre objectif était d'approcher l'homme d'une manière différente. Les gens vont avoir la chance de voir ce qui se cache derrière cet improbable Président que l'on ne connaît pas vraiment parce que son image a été artificiellement créée par son équipe. Ils vont aussi pouvoir comprendre la relation père-fils qui est au centre de l'histoire. (...) La relation très compliquée que George W. entretient avec son père a eu sur lui de profondes répercussions, et par extension, sur les Etats-Unis et le monde, mais c'est un sujet que la famille Bush n'aime pas trop aborder. ». Il ajoute « J'avais le sentiment que si nous ne faisions pas ce film sur Bush tout de suite, il ne verrait jamais le jour, ou du moins pas avant très longtemps. Aujourd'hui les gens ont la mémoire de plus en plus courte, en particulier pour ce qui est de la politique et de l'Histoire, et il fallait absolument faire ce film avant les élections » avant de conclure « Ce film n'est pas là pour accuser ou glorifier Bush. Mon objectif n'est pas de rabaisser ou de blesser cet homme. Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Je voulais montrer que sa vision de la guerre en Irak reflétait ce qu'il est et son histoire personnelle. J'espère qu'en sortant des salles, les gens se diront : "Je comprends ce type. Je ne suis peut-être pas d'accord avec lui, mais je comprends". L'objectif du film est de poser des questions sur la présidence. Que s'est-il passé ? Qui est cet homme ? Il commence par gaspiller sa vie de privilégié, trouve la foi, fait un retour fracassant et devient Président. Son parcours vers la présidence est une histoire fabuleuse en soi. »

Maintenant nous savons tous pourquoi ce film est la première fiction dans l'histoire du cinéma américain à avoir été réalisée sur un président qui était encore en fonction lors de la sortie du film aux Etats-Unis, le 17 octobre 2008. Une question me taraude néanmoins : pourquoi Oliver Stone nous prend-il pour des cons ?

Le cinéaste a en effet bâti sa carrière sur une image de poil à gratter, de tatillon qui appuie là où ça fait mal : le Salvador de 1980, le Vietnam, le système économique avec Wall Street… Et surtout une prise de position politique très forte avec JFK et Nixon. Mais déjà World Trade Center m’avait semblé pour le moins ambigu et assez scandaleux (soulignant à gros traits le pathos et ne laissant que trop peu de répit entre l’événement et le film) et voilà que Stone abandonne ici ses idées, que dis-je ses idéaux, pour réaliser une œuvre consensuelle et je suis tenté de dire sacrément allégée. Stone prétend vouloir illustrer l’homme qu’il est, dans toute sa complexité et parfois son absurdité, mais qu’en est-il réellement ?

Eh bien Georges W. Bush est une victime. Victime d’un père autoritaire, étroit d’esprit (comment ne pas rire à la réplique significative « Do you think you’re a Kennedy ? You’re a Bush ! »), victime d’un caractère texan qui l’a empêché de se stabiliser dans le monde du travail, victime d’un certain alcoolisme que seule la Voie du Seigneur a pu apaiser, victime d’une équipe politique manipulatrice jusqu’au bout des ongles. Ok. What else ? Il ne faut pas être devin pour deviner les vraies ambitions, politiques, économiques et personnelles de l’invasion en Irak, mais quid des relations de la famille Bush avec Ben Laden avant le 11 septembre ? Et comment admettre que Bush a été une victime quand tout au long de son mandat il dit à qui le veut « I’m the President », l’unique chef de la première puissance mondiale. Comment admettre que Bush s’est laissé berné par une équipe de cinglés : un Donald Rumsfeld salaud, une garce de Condoleeza Rice et un Dick Cheney manipulateur de bout en bout, une équipe où même ce pauvre Colin Powell, ardent défenseur de la moralité, vend son âme au diable. Bref, Stone enfonce des portes ouvertes, joue l’extrême prudence concernant un Président encore en fonction au moment de la réalisation du film (l’erreur la plus grossière et la plus fatale à la production). Au début j’en ai ris, mais par la suite j’en ai vite eu marre, de voir Stone se proclamer défenseur de la vérité et de jouer la carte du consensualisme en plein.

Je ne condamnerai cependant pas l’entièreté du film ; le casting est à ce titre peut-être le seul élément à sauver (je ne m’attarderai pas sur la mise en scène très plate de Stone, qui ressemble ici à celle d’un vulgaire téléfilm de l’après-midi). Josh Brolin, en W., est relativement impressionnant, physiquement ressemblant et ayant surtout fait un énorme travail sur la voix et la gestuelle ; Richard Dreyfuss en Dick Cheney, Ellen Burstyn en Laura Bush et Scott Glenn en Donald Rumsfeld sont également très bons, mais c’est surtout James Cromwell en Bush Sr qui emporte tout sur son passage (et remplaçant haut la main Warren Beatty et Harrison Ford initialement prévus pour le rôle).

Que dire de plus ? Rien. Je n’en ai ni la force, ni l’envie. W. – l’improbable président est à mes yeux non pas un échec mais une vaste fumisterie, un besoin vital pour Stone d’attirer les foules après des échecs critiques et commerciaux cinglants. Mais le plus grave est que le démocrate Stone semble avoir tourné sa veste après des années de service. Quand réalisera-t-il un film qui reconnaît Lyndon Johnson comme bienfaiteur de l'humanité ?

Note : *

mercredi 26 novembre 2008

In Bruges


Ah Bruges. Son centre historique. Ses musées. Ses bières. Et maintenant, ses tueurs cinglés. Welcome In Bruges.

Le réalisateur Martin McDonagh (dont c’est le premier film) a eu l'idée du scénario à l'occasion d'un voyages dans la ville belge : « La première fois que j'ai visité Bruges il y a quatre ans, j'ai éprouvé au sujet de cette ville des sentiments contradictoires. J'ai alors imaginé deux personnages ayant chacun une vision très différente de cette cité, et je me suis mis à écrire sur eux en les mettant en scène dans différents lieux de la ville. » Un buddy movie donc, mais à la sauce british (donc humour cynique au programme), coproduit par Focus Features et avec en vedettes Colin Farrell, Ralph Fiennes et Brendan Gleeson. Un projet de bonne augure donc… Et qui a grandement répondu aux attentes qu’il pouvait susciter.

On pourra me traiter de chauvin (encore que, cette notion en Belgique est rudement mise à mal) mais quel plaisir de voir à quel point la ville de Bruges tient un rôle prépondérant dans le récit. Plus qu’un paysage, c’est un véritable personnage, qui fascine autant Ken qu’elle dégoûte Ray. Une Bruges irréelle, fantasmagorique, habitée par des symboles carrément issus de l’œuvre du peintre Bosch dont Ray et Ken admire Le jugement dernier : une manière de dire que Bruges est pour nos deux tueurs le lieu de leur jugement dernier.

Mais le film n’est pas aussi sombre qu’on pourrait le croire ; il n’est pas vraiment drôle non plus. Disons plutôt qu’il se situe entre la tragédie et la comédie, les bonnes répliques chevauchant parfois les crises existentielles des personnages, en particulier Ray après un accident lors de l’exécution d’un contrat. Ce mélange des deux extrêmes est parfois déroutant, et fait parfois perdre de son intensité au film, surtout lors de la seconde partie. On regrette alors de ne pas profiter un peu des dialogues savoureux du début, et des disputes entre les deux amis pour un oui ou pour un non (heureusement, le personnage de Fiennes est toujours drôle avec sa facilité déconcertante à placer le mot « fuck » en moyenne 10 fois en une phrase ; pour anecdote le mot « fuck » sort 126 fois en 1h47, soit 1,18 fuck à la minute).

Côté casting, rien à redire, le trio de tête est vraiment intéressant : Colin Farrell en dépressif chronique (mais plus drôle que dans Cassandra’s dream), Brendan Gleeson attachant et Ralph Fiennes hilarant en boss irritable et désagréable. On notera tout de même dans les seconds rôles la présence de la mignonne Clémence Poésy et le méconnaissable Jérémie Rénier.

Film entre deux eaux, parfois trop troubles pour vraiment séduire, In Bruges reste un premier film qui a le mérite d’être original, décomplexé, divertissant et plutôt réussi. Des éléments assez rares pour se priver du plaisir de voir le film. Et d’aller visiter ce fuckin Bruges.

Note : ***

vendredi 21 novembre 2008

Le silence de Lorna


Le silence de Lorna a ceci de particulier qu’il suscite deux réactions chez moi. La première, choquée : « non mais de qui se moque-t-on ?! ». La deuxième, perplexe : « Euh… Et si finalement le n’y connaissais rien en cinéma ? »

Car il faut bien dire que le cinéma des frères Dardenne, c’est pas mon truc. La misère sociale, l’absence d’humour même léger, de distance aussi, la grisaille de la météo belge ambiante, moi ça me flingue le moral. Mais je sais quand même reconnaître certains de leurs films à leur juste valeur : Rosetta est très impressionnant par moments, tout comme Le Fils est intéressant sur un plan cinématographique. Mais, pour moi, ça s’arrête là. Pas de quoi les proclamer génies du septième art. Pourtant, la critique s’accorde à dire depuis une dizaine d’années qu’ils sont surdoués : Cannes fait figure de proue en récompensant systématiquement leur film en compétition (ce qui a permis 2 Palme d’Or, un Prix d’interprétation masculine et pour Lorna un Prix du meilleur scénario), décernés par des jurys que l’on soupçonnerait pas de ce bord-là. D’où questionnement : est-ce moi qui ne comprend rien à leurs films ou est-ce les critiques qui font preuve d’un consensualisme envers le festival qui présente les films ?

Car récompenser le scénario de Lorna, ce serait comme décerner le prix de la meilleure friterie à McDonald : une hérésie. Celui du Fils eut mérité beaucoup plus ce prix par exemple. Ici, rien de neuf sous la pluie belge : le monde est pourri, corrompu, les pauvres petits gens (ici une immigrée, petit changement il est vrai) essaient de s’en sortir comme ils peuvent. Autre changement important j’oubliais : l’action de ne se déroule plus à Seraing mais à Liège. Où est la différence ? Dans la réalité, il y en a une : chez les frères, il n’y en a pas. Liège, c’est moche, c’est Mafia City, c’est une ville de paumés, de chômeurs, de junkies et j’en passe. L’endroit idéal pour les vacances en somme. A croire que, personnellement, je n’ai vu la vraie face de Liège, car tout ceci me paraît surfait, stéréotypé. Et en plus d’enfiler une série de clichés, le scénario souffre d’un sérieux manque de cohérence par moments, certaines ellipses s’avérant parfois vraiment gênantes (et dont on ne comprend le sens que 10 minutes après).

Autre non-surprise : le casting. Arta Dobroshi, actrice principale (qui a appris le français pour le rôle) est, il est vrai, touchante de sincérité, d’authenticité. Pour le reste, que des visages connus : Fabrizio Rongione (en malfrat encore après L’enfant), Jérémie Renier (en paumé, comme d’hab), Olivier Gourmet (en clin d’œil, histoire de dire qu’il est venu) et Morgan Marinne (qui semble avoir du mal à percer).

Il existe cependant un point intéressant : la mise en scène. La volonté de la caméra portée pour plus de réalisme, habituelle chez les Dardenne, cède ici la place à une caméra plus calme, plus posée, ne cherchant plus à découvrir ce qui se cache au-delà des choses mais se contentant de filmer ce qui se passe devant elle. Le passage au 35 mm semble avoir amené les frères à une image plus stable, moins froide, et sincèrement cela fait du bien. A noter aussi la scène finale, qui bien que tirant en longueur est assez poétique et significative.

Mais le manque de distance finit bien à un moment ou l’autre à agacer : pas d’humour, pas de musique, rien, et c’est l’ennui qui s’installe. C’est dommage car Le silence de Lorna aurait pu être un très bon film. Mais les frères ne semblent plus au fil de leur filmographie que se répéter, sans trop varier (ils devraient sans doute demander conseil à Woody Allen). Mais le grand danger est que l’on risque de limiter le cinéma belge à ce type de films – ce qui serait, croyez-moi, une grave erreur.

Note : **

lundi 17 novembre 2008

Le fantôme de l'opéra (The phantom of Opera)


Carl Laemmle. Drôle de nom, mais grand bonhomme : il fut en effet le fondateur du mythique studio Universal. Quel intérêt ? Eh bien c’est grâce à lui, à son bras droit Irving Thalberg (autre grand producteur) et à son fils (Carl Laemmle Jr) que l’on doit de grands noms du cinéma (John Ford, Erich Von Stroheim, Harold Lloyd, Mary Pickford et Lon Chaney) mais surtout un véritable âge d’or du cinéma fantastique, dont Le fantôme de l’opéra de Rupert Julian fait assurément partie en l’inaugurant.

A ce titre, Le fantôme de l’opéra est le seul film de l’âge d’or du fantastique que produira Carl Laemmle senior, puisque c’est son fils qui s’occupera des productions de La momie, Frankenstein, Dracula, La fiancée de Frankenstein ou L’homme invisible. De même, on attribue souvent la réalisation du film à Rupert Julian, mais il faut savoir qu’Edward Sedgwick (aujourd’hui connu pour ses collaborations avec Buster Keaton) a réalisé plusieurs séquences après que Julian, justement, n’aie quitté le plateau après s’être engueulé avec l’équipe du film. Autre anecdote, le film fut une « Jewel Production » : contrairement aux autres majors, Universal ne disposait pas en son temps d’une chaîne de cinéma (malgré le fait que Laemmle ait commencé dans les nickelodéons) et Laemmle avait alors imaginé en 1916 un système de classifications pour que les propriétaires de cinéma s’y retrouvent : il y avait ainsi les Red Feather (pour les cinémas petits budgets), les Bluebird (le plus courant) et les Jewel (les productions prestigieuses) ; le studio abandonna cette idée en 1929 lorsque Carl Laemmle Jr deviendra le boss.

Plus de 80 ans plus tard, il est bien évident que cette adaptation du roman de Gaston Leroux ne fait plus vraiment peur. Le film ne bénéficie pas non plus d’effets spéciaux mémorables comme L’homme invisible, ou d’un message aussi fort que Frankenstein. Alors qu’est-ce qui fait encore son charme ? Deux choses : l’innovation technique que le film représente, et surtout la présence magnétique d’un des plus grands acteurs du muet : Lon Chaney.

Lorsque Le fantôme de l’opéra est réalisé, il convient de rappeler aux plus étourdis que le cinéma est encore en noir et blanc. Pourtant, le film contient à l’origine plusieurs séquences en couleur ! Deux procédés furent utilisés : le Technicolor pour la scène de Faust et celle du bal masqué, et le Handschiegel (une technique reposant sur le coloriage à la main) pour la cape du fantôme lors de la séquence sur le toit. Voir un film muet en couleur, plutôt surprenant ! Et le film fut un tel succès qu’en 1929, on utilisa la récente utilisation du son pour créer près de 40% de film en son synchrone (le reste demeurant un accompagnement lors des projections). A noter que Lon Chaney ne put doubler, par faute de temps, son personnage.

Lon Chaney donc, qui constitue le deuxième attrait essentiel du film. L’ « homme aux mille visages » était réputé pour être un grand perfectionniste et, surtout, quelqu’un aimer jouer de la souffrance de son corps pour donner une dimension supplémentaire à son personnage. C’était en outre un grand artiste puisqu’il créa pour le film son propre maquillage. L’idée était de ressembler à un crâne : il commença d’abord par coller une fine peau de poisson à son nez, le tira jusqu’à ce qu’il obtienne l’effet qu’il désire et collait l’autre extrémité sur son crâne masqué par le faux crâne chauve (pour certaines prises, Chaney remplaçait la peau par du fil et du caoutchouc, ce qui occasionna beaucoup de coupures et de saignements de l’acteur), il rempli ensuite ses joues de coton, colla ses oreilles en arrière et mis de la membrane d'œufs sur ses globes oculaires pour leur donner un regard nuageux. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’effet est saisissant ! Et permet à Chaney de s’effacer totalement derrière son personnage, pour notre plus grand bon heur : incontestablement, il domine tous les autres acteurs du film, par un jeu subtil, tantôt délicat tantôt schizophrène, un jeu très moderne pour l’époque qui fait qu’aujourd’hui encore, il n’a presque pas vieilli.

La performance de Chaney est telle qu’on ne peut blâmer le reste du film ; on pourrait se plaindre d’un scénario parfois confus (certaines ellipses sont gênantes), et d’une réalisation somptueusement baroque mais ne profitant pas assez des innovations techniques de la caméra (travellings, etc.) pour rendre le film un peu plus vivant.
Toujours est-il que Le fantôme de l’opéra sera un succès colossal, notamment grâce à Lon Chaney ; c’est sans doute une performance égale à celle de ce dernier qui manquera aux adaptations suivantes, et qui fait que la version de 1925 reste un incontournable du genre.

Note : ***

jeudi 13 novembre 2008

Starship Troopers


Adaptation d’un roman de science-fiction (que Verhoeven a avoué n’avoir jamais lu en entier), Starship Troopers apparaît quelques années après la première Guerre du Golfe comme un film antimilitariste, anti-propagandiste, bref anti-américain. Plus artistiquement, il apparaît comme un vaste champ d’expériences cinématographique où les genres se mélangent.

Le film se veut une critique des USA en ce sens qu’il met en avant – et parodie – des éléments comme le patriotisme, la soif de guerre, la hiérarchie bureaucrate opposée à la force de terrain. C’est une idée souvent avancée à laquelle je n’adhère pas totalement ; comment peut-on juger du degré d’ironie d’un film quand elle n’est pas explicite et revendiquée ? Or ici, Verhoeven ne fait jamais dans l’excès, mais dans une certaine banalité qui apparaîtra ridicule ou non au spectateur en fonction de ses valeurs personnelles. Le public européen, par exemple, pourra rire de certains messages du film, mais il est fort à parier qu’un public manquant de recul, par exemple les Etats-Unis, ne verra pas le message subversif du cinéaste. Verhoeven prétend dénoncer le « lavage de cerveau » de la jeunesse, envieuse d’un avenir meilleur, qui s’enrôle dans l’armée; l’idée n’est hélas pas toujours bien exploitée.

L’aspect le plus intéressant du film réside ailleurs. Avec cette œuvre de commande, Verhoeven semble s’amuser à mélanger les genres, à dénoncer (et là c’est de belle manière) la désinformation de temps de guerre et tout cela sans complexe. Le film emprunte donc tout autant à la science-fiction qu’à la sitcom, le film de guerre, le western et le documentaire de propagande. De la sitcom par exemple, Verhoeven retient les histoires d’amour ridicules, les amitiés brisées et tous les autres poncifs possible. Vient ensuite les parallèles avec ces grands films de guerre que sont Full Metal Jacket (la séquence d’entraînement) et Le jour le plus long (la première offensive vouée à l’échec). Du western, il retient ces vastes plaines désertiques et surtout l’offensive d’un fort qui ressemble à s’y méprendre à Alamo. Enfin, du documentaire de propagande se glisse par-ci par-là sous forme de message publicitaire du web (internet commence alors à exploser dans le monde) et joue ce qu’il y a de plus ridicule parfois en masquant hypocritement une vache se faire dévorer violemment par un insecte géant alors que des équipes télés sont envoyés sur le front et filment frontalement les morts horribles des soldats sur place.

Hélas, le niveau global des acteurs (exception faite de Michael Ironside, rôdé à ce type de rôle) ne fait pas honneur à la mise en scène de Verhoeven, et force est de constater que le film en pâtit un peu. De même, le scénario n’est pas des plus brillants, et on sent nettement que le côté subversif du film a été masqué par une succession de scènes d’action efficaces.

Dommage donc, car le film partait sur des bases solides. Il n’en reste pas moins que Starship Troopers est devenu un modèle du genre, en passe de devenir une référence, et qui a surtout donné naissance à deux suites qui n’égalent pas l’original. N’est pas Paul Verhoeven qui veut.

Note : ***

mardi 4 novembre 2008

Infernal Affairs


Au niveau du polar, Hong Kong nous a déjà servi quelques petits bijoux depuis quelques années. Pourtant, ils parviennent encore à nous surprendre avec Infernal Affairs.

Le film se pose surtout comme une analyse psychologique de deux personnages torturés, et concentre donc tout son récit sur l’enfer que vivent les personnages, n’étant que l’ombre d’eux-mêmes et ne pouvant mener une vie normale. Rien ne les oppose si ce n’est leur rôle respectifs de taupe. Un polar banal me direz-vous : eh bien non. Ici, ce sont plutôt les tourments humains qui sont mis en exergue, le film se basant en réalité sur une citation de Bouddha qui revient à dire : « Celui qui est dans l’Enfer permanent ne meurt jamais ». La perte de repères et les regrets de Tony Leung, la honte et la volonté de rédemption d’Andy Lau, comme l’illustre le plan final du film, sont bien plus exploités que les traditionnels course poursuite en voitures ou gunfights chorégraphiées.

En effet, Andrew Lau et Alan Mak ont opté pour une mise en scène distante, épurée au niveau de l’action mais fortement soignée au niveau des mouvements de caméra et de la photographie. C’est ce qui avait différencier Infernal Affairs des autres polars du genre d’ailleurs, ce calme permanent, où très peu d’actions violentes ont lieu et, lorsque c’est le cas, sont soigneusement travaillées pour éviter la censure, comme lors de la mort du commissaire ou celle du héros dans l’ascenseur. Infernal Affairs est avant tout un film cérébral, se concentrant sur la dualité de ses personnages, et n’a cure d’attirer le spectateur vers un spectacle à la John Woo par exemple. De plus, l’histoire est réellement articulée autour de quatre personnages, autrement dit les deux flics-voyous, le parrain et le commissaire, ce qui accentue un peu plus le sentiment d’isolement que vivent les deux protagonistes.

Hélas, à trop vouloir faire intello et efficace, le film perd de sa puissance. Si l’absence d’action n’est pas un frein, ce jeu du chat et de la souris ne fait plus frissonner au bout d’un moment, et la mise en scène épurée et le montage au scalpel n’aide en rie un récit parfois trouble, où il n’est pas toujours évident pour le spectateur de s’y retrouver.

Il faut dire que les interprétations sont aussi mitigées. Si Tony Leung et surtout Andy Lau sont extraordinaires, on ne peut hélas pas en dire autant de tout le monde. Le parrain et le commissaire se débrouillent bien aussi, mais les autres acteurs ne parviennent pas à effacer les tics du jeu asiatique, un brin contradictoire avec l’aspect occidental du film.

Un polar surprenant, envoûtant, intelligent, captivant, mais qui faute de ne pouvoir être accessible à tous et aux interprétations moyennes malgré le duo de choc, se voit reléguer au rang des très bons films plutôt que celui des chefs-d’œuvre. Ce n’est déjà pas si mal.

Note : ***