jeudi 30 juin 2011

D'un film à l'autre

Je ne sais pas si vous pouvez imaginer l’ego que peut avoir un réalisateur. Bien sûr, chez les très grands comme Chaplin ou Welles, les anecdotes fusent, mais même chez les petits c’est parfois effarant. Alors quand un réalisateur, ni grand ni petit, mais avec une carrière reconnue, décide de faire son autoanalyse, on peut se demander ce que ça vaudra.

D’un film à l’autre, c’est Lelouch qui raconte Lelouch : 50 ans de carrière, 50 ans de films, des bons, des moins bons, des bonheurs, des déceptions, mais surtout des souvenirs. Ce cinéaste mal-aimé de la critique mais pas du public, à quelques films près, décide de se poser et de réfléchir un peu. L’introduction du film, un court métrage qu’il a réalisé en 1976 et qui s’appelle C’était un rendez-vous et constitue une traversée de Paris en voiture sans jamais freiner, est exemplaire : Lelouch analyse son propre film en voix-off et le rattache à sa propre vie, ce besoin de vitesse mais surtout ce besoin de ne jamais s’arrêter, ne jamais stopper au risque de ne pas redémarrer – et, à la clé, peut-être des emmerdes comme ici avec la justice.

Jamais on ne verra Lelouch aujourd’hui : le film ne se compose que d’extraits de ses films, d’une petite reconstitution en début de film et d’images d’archives inédites et étonnantes de Lelouch sur ses tournages. Etablissant des liens entre sa vie privée et ses films, expliquant les raisons de ses succès comme celles de ses échecs, Lelouch aborde surtout son cinéma avec humilité, celle d’un sage sentant la fin plus proche que le début, et qui veut rétablir quelques vérités, saluer les copains, se souvenir des belles choses, donner des conseils aux plus jeunes. Ce n’est pas de l’analyse que le film relève, mais plutôt de la biographie imagée.

Je ne suis pas un grand connaisseur de Lelouch, mais je sais qu’avec ce film, j’ai eu envie de (re)voir ses films, à la lumière de certains de ses commentaires et, aussi, parce que ses images m’ont donné envie. En ça, Lelouch a probablement réussi la mission du film : celle de le faire redécouvrir par une nouvelle génération.

Note : ****

vendredi 24 juin 2011

Double feature cinéma

Les déboires d'un tournage de film indépendant, entre crises d'ego, techniciens maladroits, tensions entre les acteurs et mère échappée de l'asile... Il y a un vrai regard ironique sur le cinéma dans le film de DiCillo, ancien directeur photo (notamment sur le Stranger than paradise de Jarmusch, dont on sent une influence ici) qui dit avoir vécu sur différents tournages tous les travers que vit le personnage de Buscemi ! Un Buscemi par ailleurs excellent, comme à l'accoutumée. L'ennui ? Le film tourne vite court, et se répète assez vite. Reste qu'il reste un joli clin d'oeil au cinéma indépendant et à la difficulté de créer sans argent.

Note : **

Un petit génie gagne un prix pour son film d'étudiant, et se voit plongé dans le milieu hollywoodien... Plus cynique que subversif, The big picture fait doucement rire quand il démontre comment un film intimiste en noir et blanc sur un triangle amoureux en hiver devient un film d'ados et d'hôtesses de l'air en bikinis à la plage. Au-delà de ça ? Rien de transcendant : la réalisation est finalement peu inspirée, abusant de l'effet "clin d'oeil cinéphilique" quand le personnage de Bacon (bien, sans plus) est en situation de stress. A noter quand même quelques clins d'oeil de stars comme Elliott Gould, John Cleese ou Roddy McDowall qui viennent faire coucou. Trop gentil sans doute sur le monde du cinéma, surtout quand on sait que 3 ans plus tard Robert Altman proposera sa vision d'Hollywood, bien plus cinglante, avec The Player. Un excellent téléfilm mais un film de cinéma moyen...

Note : **

mardi 21 juin 2011

Tree of Life

J’aime bien Malick, vraiment : La ligne rouge est l’un des meilleurs films de guerre que j’ai pu voir, Le nouveau monde a quelque chose de mystérieusement touchant, la beauté des images des Moissons du ciel est largement établie et Badlands… Ben je dois le revoir en fait. Mais j’aime bien Malick.

Jusqu’à hier. A une époque où l’extrémisme religieux est largement critiqué, j’osais espérer ne pas en voir dans un objet cinématographique reconnu comme publique et accessibles à tous, qui se prétend universel car ne définit pas d’emblée « ceci est un film religieux ». Pas une seconde Malick ne laisse reposer la spiritualité du spectateur : Dieu est grand, alors ta gueule. C’est un peu le message du film, en plus subtil (ou pas). Il me semble impossible de nier ou même de mettre de côté cette lourdeur théologique en regardant le film : aussi bien sur le fond que sur la forme, le film est judéo-chrétien et, reconnaissons-lui au moins ça, l’assume. Les voix-off parlent de Lui, et que voit-on dans les images ? Un bébé jouant avec l’arche de Noé. Le passage lu du Livre de la jungle, celui du serpent Kaa. Et je ne compte plus le nombre de plans du ciel (Dieu), ciel souvent associé à l’eau (la vie) ; je vous laisse déduire le message.

Bien sûr, il y a de bonnes choses : Malick n’a pas peur du ridicule, et sa vision de la conception du monde, contradictoire (2h de catholicisme pour 20 minutes d’évolutionnisme ?), est franchement risible, tant la débauche d’effets spéciaux, au-delà de la dimension narrative de la séquence, n’a aucun intérêt dans ce genre de film. En plus, les dinosaures sont mal faits, et question crédibilité j’ai plutôt vu Denver le dernier dinosaure que Jurassic Park. Quand le carnivore fout sa patte sur la gueule de l’herbivore, j’ai cru qu’il allait lui faire le signe de croix dis donc.

Je n’ai pas envie de parler du montage, tant je l’ai trouvé grossier, ou de la narration à la fois prévisible et bancale (le père autoritaire qui se laisse dominer par son fils à la fin ? Sérieusement ?). La réalisation aurait pu être intéressante, mais si c’est pour voir quelques plans magnifiques, tournés avec des focales bien précises, mettant en avant la beauté de la nature, selon un cadrage particulier, je préfère revoir Koyaanisqatsi : là au moins, une idée se dégage de ses images mis bout à bout, pas comme ici où tout est gratuit (hormis les plans du ciel, on sait). Et on applaudira Sean Penn dans le rôle du figurant qui tire la gueule.

Il reste au moins une bonne nouvelle à mes yeux : les Hot d'or ne sont pas morts, car Cannes a bel et bien récompensé une magnifique branlette théologique.

Note : 0

jeudi 2 juin 2011

Les émotifs anonymes

Une histoire d’amour entre deux personnes qui, au contraire de ne pas vouloir s’aimer, ne peuvent tout simplement pas s’aimer sous peine de faire une syncope ? Voilà un pitch pour le moins intriguant et amusant.

Les émotifs anonymes n'a qu'une ambition : celle de divertir. Et encore, pas n'importe qui, un public bien précis : celui de la ménagère de 50 ans qui trouvera cette histoire si émouvante. Je ne suis pas du public cible (loin de là) mais je dois bien admettre que le film a quand même fonctionné chez moi.

De par son humour, déjà, absolument pas lourd, au contraire. Alliant le gag le plus burlesque possible (le restaurant, lorsque Poelvoorde doit changer de chemise) aux sous-entendus parfois carrément sexuels sans pour autant être grivois, le film ponctue ses séquences d’une touche de légèreté souvent délicieusement subtile.

De par ses personnages attachants, ensuite, interprétés par deux comédiens au top. Il n’est pas fréquent de voir cette grande gueule de Poelvoorde jouer des personnages timides, romantiques, et il faut dire que ça lui va aussi bien que les anti héros acariatre, mais c’est surtout Isabelle Carré, à la beauté si simple, qui rayonne dans le film, tirant presque la couverture à elle seule sans en faire de trop.

Et si la réalisation n’est pas prétentieuse mais pas toujours très inspirée (quel besoin de glisser une séquence musicale en plein milieu du truc...), j’assume clairement mon point de vue quand je dis que dans le genre comédie dans la plus pure tradition française, ces Emotifs ont mérités de ne pas rester anonymes.

Note : ***