vendredi 23 avril 2010

Shutter Island

On peut affirmer sans crainte qu’il existe deux Scorsese : un véritable auteur d’une part, et un cinéaste commercial d’autre part, brillant au demeurant. La couleur de l’argent, Les nerfs à vif, The Aviator ont prouvé que le cinéaste était plus que compétent à Hollywood, et Les Infiltrés a même réussi à souligner le talent incroyable du cinéaste à s’investir dans une œuvre impersonnelle comme un remake. Qu’en est-il de ce Shutter Island, adaptation d’un best-seller ?

Eh bien il ne faut pas se voiler la face : malgré son génie, Scorsese n'est ni Hitchcock (Spellbound) ni Kubrick (Shining), qu'on se le dise. Il n’empêche : il reste encore et toujours l'un des techniciens les plus brillants en activité. Le film est propre et clair, parfois un peu trop en se perdant dans le longues explications ou de longs bavardages qui font retomber la tension, à l’image de la dernière demi-heure qui si elle est essentielle n’en demeure pas moins un peu molle. L’ambiance est toutefois à souligner : par un habile jeu de lumière mais, surtout, une utilisation toujours aussi impressionnante de la musique (de Mahler à John Cage en passant par Ligeti), le film est angoissant et claustrophobe à souhait. Je regrette peut-être une utilisation moyenne des effets spéciaux (les séquences de rêves, pas toujours au point) mais ce n’est qu’un détail.

Côté acteurs, ils sont tous très agréables à regarder, DiCaprio n’étant peut-être pas aussi à l’aise que ne le sont Ben Kingsley ou Max Von Sydow dans leurs rôles ambigus. J’avoue avoir vraiment adoré la performance, courte mais efficace (il supplante carrément DiCaprio en 10 minutes) de Jackie Earle Haley (le Rorschach de Watchmen), qui reste définitivement un acteur au jeu puissant. Quant au scénario, il contient assez de rebondissements et de scènes angoissantes pour tenir la longueur, s’amusant à glisser de fausses pistes de ci de là.

Reste que tout cela n'a plus grand chose de scorsesien si on enlève tous les clins d'oeil cinéphiliques, subtils ("C'est le Kansas ici !" durant une tempête, écho à Wizard of Oz) ou non (Shining justement). Il n’y a pas cette patte qui faisait justement des Infiltrés un film de commande et personnel à la fois. Les fans purs et durs diront donc qu’il s’agit d’une œuvre mineure dans la filmographie du cinéaste. Ce à quoi je répondrai qu’un Scorsese, même mineur, reste un film au-dessus de la moyenne.

Note : ***

mercredi 21 avril 2010

Mort ou vif (The Quick and the Dead)

Wanted : Sam Raimi. Crime : être un surdoué.

Pensez donc : non content d’avoir fait une trilogie de films d’horreur culte de chez culte ou de réaliser des films de super héros dignes de ce nom, le prodige est aussi capable de réaliser des films dans des genres où on ne l’attendait pas forcément !

Faut dire que le western, en 1995, c’est un peu le désert et pas qu’au figuré ; tout au plus Clint Eastwood a-t-il, quelques années plus tôt, offert une sorte de chant du cygne du genre avec Impitoyable. Et voilà que Raimi va réussir l’improbable : réaliser un western à part et qui a pourtant bien sa place dans le genre.

Pour l’aider, un casting de rêve pour les connaisseurs : Sharon Stone et Gene Hackman en vedettes, Russel Crowe, Leonardo DiCaprio (tous deux inconnus ou presque alors), Gary Sinise et Lance Henriksen en seconds couteaux (et même pour les fans de Saw un Tobin Bell en bandit). Tous sont merveilleux, mais c’est bel et bien Gene Hackman qui l’emporte, crapule achevée et tueur sans pitié dirigeant en tyran un misérable village à la frontière mexicaine. Une performance énorme d’un acteur qui l’est tout autant.

Revenons au film en lui-même : inutile déjà de chercher un scénario, il n’y en a presque pas. Une cow-girl arrive à Redemption pour se venger du propriétaire qui a gâché sa vie, tout ça tient sur une feuille à cigarette, et ce n’est pas les problèmes existentiels de chaque personnage (la jalousie du fils, la volonté de rédemption de l’ancien bandit) qui changeront grand chose. A noter quand même que chaque personnage est parfaitement stéréotypé pour être facilement identifiable.

Chez Raimi, il faut souvent (mais pas toujours je l’accorde) chercher du côté mise en scène pour être épaté. Comme ici : film-éponge, Mort ou vif emprunte, référence, plagie et parodie à la fois les films de John Ford, Samuel Fuller et surtout Sergio Leone, en accommodant le tout à sa sauce, à cette réalisation survoltée et post-moderne, proche du dessin animé ou du comics avec en toile de fond un vrai souci de ce qui constitue la mise en scène (lumière, décors, etc.)

En résulte un film patchwork mais avec sa propre identité en profondeur, l’un des derniers grands coups d’un cinéaste aujourd’hui enfermé dans un système hollywoodien qui bride son génie underground. Espérons que Raimi revienne à ce niveau au plus vite, car c’est bel et bien là qu’il excelle, dans l’art de transfigurer ce qu’il touche en film résolument culte.

Note : ****

lundi 19 avril 2010

The Fantastic Mr Fox

Wes Anderson : "Je ne pensais pas vraiment en terme de public. Je faisais un film pour enfants, je savais que je devais respecter certains paramètres, mais je n'ai jamais raisonné en me demandant ce que les enfants aimeraient voir. Je me basais surtout sur ce que je pensais être le mieux, ce qui m'amusait moi." Ca c'est clair, c'est de l'humour à la Wes !

Sous couvert d’un dessin animé donc, Wes Anderson vient s’amuser comme un petit fou. Entre allusions, subtilités, piques et autres bons mots, on assiste à du grand cru côté dialogues. L'humour est le tenant même du film : par exemple, Wes Anderson s'amuse à supprimer toute fausse émotion des scènes (romance, mélo, drame) par un humour parfois noir. Entre autre,s on aura donc droit à une histoire de la queue de Fox, au passé peu farouche de sa dame, à des « fils de flûte » en veux-tu en voilà et même des tue-l’amour et une absence de respect des morts ! Tout ça avec ce côté bon enfant vicieux qu’on aime tant.

Ces dialogues, ce sont des personnages magnifiquement croqués qui les débitent, entre ce vieux rusé de renard, ce blaireau avocat ou encore cet opossum un brin attardé. Tous, y compris les méchants (magnifiques stéréotypes des vilains fermiers face aux gentils animaux de la forêt) sont irrésistiblement drôles.

L'animation est elle aussi vraiment bien faite. Il ne fallait pas attendre de Wes Anderson quelque chose de propre, numérique, tout ça, et à raison puisque le côté rétro de l’animation image par image des figurines colle parfaitement à l’univers que s’est construit le cinéaste et qui transparaît encore ici.

Reste juste que ce n'est pas tout à fait un film pour enfants, mais plutôt pour ados. Mais au diable tout ceci : le film est aussi délicieux qu’un poulet au cidre, qu’on se le dise !

Note : ****

samedi 17 avril 2010

Snatch

Attention, Guy Ritchie, deuxième !

Dans la plus pure continuité de Arnaques, crimes et botanique, Snatch est un moment de foutraque pas possible, et l’apothéose du style Ritchie qu’il n’a à ce jour toujours pas retrouvée d’ailleurs.

A nouveau, on a droit à un humour décalé (sans quoi la violence serait, faut le reconnaître, insupportable), une mise en scène qui en fait des tonnes (parfois trop), un scénario faussement compliqué, et une b.o. de dingue.

Mais surtout, la force de ce film repose dans son casting 4 étoiles : des « gueules » (de Rade Sherbedgia à Dennis Farina en passant par Vinnie Jones) aux acteurs qui ont la classe (Jason Statham), ils sont tous irrésistibles, mais celui qui emporte tout est sans conteste Brad Pitt. Quelle audace de briser son image aussi fortement ! Dans le rôle du Manouche qui parle trop vite et qui fait n’importe quoi, c’est son talent comique qui explose, prouvant qu’il est autre chose qu’une belle gueule (je rappelle que ce film date de 2000) et qu’il possède un registre plus varié qu’on ne lui sous-entendait à cette époque.

Iconoclaste (on ne peut pas dire que les gangsters anglais soient mis à l’honneur dans ce bazar) et survitaminé, Snatch est une petite pépite brute qui ne demande qu’à être consommée sans modération, tant par les fans de Ritchie que par les autres, tant le niveau est élevé et, pour une fois, accessible même aux détracteurs.

Note : ****

jeudi 15 avril 2010

Survival of the dead

Souvenez-vous de Diary of the dead : sans explication, les morts revenaient dire bonjour (et bon appétit) tandis qu’une bande de jeunes glandeurs tentaient de sauver leur peau. Au cours de leur périple, ils rencontraient une équipe de soldats peu orthodoxes qui n’étaient pas des plus gentils avec eux. Survival of the dead, c’est l’histoire de ces soldats.

Point de procédé « point de vue subjectif en DV » ici, retour à du cinéma traditionnel (même si les effets spéciaux sont encore cheap). Continuant sa critique de l’Amérique, entreprise il y a 40 ans quand même, Romero s’attarde cette fois sur le racisme, l’autarcie américaine, même à Bush dans le portrait d’un bad guy texan tyrannique maintenant les zombies en… esclaves à tout faire !

40 ans de cinéma donc, 40 ans de zombies : faut bien reconnaître qu’ils n’ont plus la cote. Faut dire aussi qu’ils sont probablement les monstres les plus lents, les plus prévisibles et les plus cons qui soient. Alors à force, ben les zombies ne sont plus effrayants, comme ici, où l’amateur de frissons regrettera une absence réelle d’éléments qui foutent les jetons. Conscient de cela, Romero mise définitivement tout sur le second degré gore : les morts des zombies sont ainsi parmi les plus funs que je connaisse ! Entre l’explosion à la dynamite, la fourche dans les testicules ou, mon préféré, le zombie flambé à la fusée de détresse d’un bateau (!), on se marre plus qu’on a peur.

Un humour, cela étant, qui n’empêche pas le film d’être plus acide que son prédécesseur dans son message final. Qu’on se le dise, Romero’s living again !

Note : ***

mardi 13 avril 2010

Assurance sur la mort (Double Indemnity)

Dans l’histoire du cinéma, Double indemnity (dont le titre fait référence à une clause de contrat d’assurance, qui voit la prime décès doublée si la mort n’est pas ordinaire) est souvent considéré comme l’une des œuvres phares du film noir, tout simplement parce qu’elle en a établit plusieurs principes et traits caractéristiques que je vais me faire un plaisir d’énumérer ici.

Le film a notamment lancé la mode de la voix-off et du flash-back, pour briser la linéarité du récit policier et du suspense : l’impact sur l’objectivité du récit est évidemment très forte. Dans ce cas-ci, on peut observer que, puisque c’est Neff qui raconte toute l’histoire, son personnage n’est pas aussi mauvais qu’il devrait l’être, finissant par attirer la sympathie du spectateur en se faisant passer pour la victime d’une cruelle manipulatrice. Il y a donc un impact sur l’objectivité mais aussi sur le but du récit : en effet, puisque tout le film n’est qu’un long flash-back, il est inutile de chercher l’identité du coupable, elle est donnée d’emblée. Le suspense s’inscrit alors dans le « comment » de la situation finale de l’histoire (et initiale du film), celle qui amène le coupable à se confesser. Cette idée du suspense n’est pas sans rappeler celle d’Hitchcock, qui avouera par ailleurs que Wilder avait réussi à l’égaler avec son film. On pourrait même presque parler, pour rester dans l’univers hitchcockien, de direction du spectateur, Wilder n’hésitant pas à insérer ci et là des séquences qui font angoisser le spectateur quant au sort des personnages, pourtant détestables, rendus sympathiques. La scène la plus marquante à cet égard reste sans conteste celle de l’après meurtre, lorsque la voiture refuse de démarrer, où le récit semble alors pouvoir prendre une autre tournure.

Sur foi du narrateur, nous devons donc découvrir une série de personnages qui deviendront typiques : la femme fatale, manipulatrice et séductrice, responsable de l’explosion d’une famille (celle de la victime). Ensuite, le détective têtu et sans pitié, incarné ici par Edward G. Robinson, qui paradoxalement quitte ses rôles de gangsters pour interpréter un honnête investigateur d’assurances. Enfin, comme point commun à tous les personnages, un homme égoïste, véritable anti-héros, manipulé dans un premier temps avant de devenir lui-même manipulateur.

Ici, le personnage de Neff incarne l’indiscernabilité parfaite : représentant de la sécurité (les assurances), il devient un danger mortel. On ne peut plus non plus, puisqu’il est le seul et unique narrateur, distinguer le vrai du faux. Enfin, le spectateur ne sait jamais vraiment si l’idée du meurtre était de lui ou non, puisque si dans un premier temps il réfute toute éventualité d’homicide, il finit par avouer en avoir envie et le propose à sa future maîtresse.

Enfin, d’un point de vue géographique, le film se situe en zone urbaine, mais la majorité de l’action se déroule dans des lieux clos, comme des bureaux ou des salons. Un élément claustrophobe qui donne à l’ambiance déjà sombre du film un petit plus non négligeable.

Bon après, Barbara Stanwyck et Edward G. Robinson sont magnifiques, la réalisation grandiose de Wilder, le scénario diablement bien écrit, etc. En gros : pur chef-d’œuvre. C’est clair ?

Note : *****

dimanche 11 avril 2010

New Mexico (The Deadly Companions)

Les premiers films des grands cinéastes représentent souvent plus des curiosités que de véritables intérêts cinématographiques. C’est le cas de ce New Mexico, premier film de Sam Peckinpah.

On est encore loin de ce qui fera le panache du cinéaste : ni puissance visuelle baroque, ni ambiance crépusculaire (malgré plusieurs plans au coucher du soleil qui donne une teinte particulière au film) ne sont au rendez-vous. Au contraire, la réalisation est bien trop sage, classique, convenue (tous les archétypes du western sont réunis, sans originalité) et on a du mal à croire que le film soit signé Bloody Sam, ou plutôt on se rend compte qu’il manquait cruellement de cette liberté de ton qu’il prendra par la suite (et permettra à des chefs-d’œuvre de voir le jour comme l’incontournable Horde sauvage).

On retrouve néanmoins déjà cet attachement à des personnages marginaux, évoluant avec la mort à leurs côtés. Hélas, le scénario est sympathique mais peu captivant, où une histoire de vengeance n’est que prétexte à une histoire d’amour qui ne veut pas s’avouer entre un ancien soldat yankee et une prostituée. Et ce ne sont pas les acteurs, certes sympathiques mais pas inoubliables, qui sauvent l’ensemble d’un certain déjà vu.

Une curiosité donc comme je disais, qui ne vaut que pour voir les débuts d’un cinéaste majeur, même si le film ne reflète en rien ce que sera le reste de son œuvre.

Note : **

mardi 6 avril 2010

L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot

Si on compte le nombre de films sortant chaque année, si on compte aussi les grands films disparus à tout jamais (catastrophes naturelles, guerre, absence de conservation), on aborde hélas trop peu souvent les films qui n’ont jamais vu le jour. Don Quichotte fut un vaste projet maudit par exemple (chez Orson Welles comme Terry Gilliam) mais chez les Français aussi il faut compter des films qui auraient pu être majeurs qui sont morts-nés. En l’occurrence, L’enfer, d’Henri-Georges Clouzot, auquel Serge Bromberg a offert un documentaire.

Sur la forme rien de passionnant : le documentaire est d'une simplicité, d'un académisme et d'une linéarité constantes. Il ne s’agit somme toute que d’interviews, d’images d’archives, le tout dans un ton très sobre. On regrettera même parfois que Bromberg s’amuse à compléter, ou faire rejouer des scènes du film à Jacques Gamblin et Bérénice Béjo qui, pardonnez-moi, n’ont pas la carrure de Reggiani et Schneider.

C'est donc bien le fond qu'il faut regarder, ce film maudit d'un cinéaste hors norme. Comment d'un "petit film", on passe à un projet dantesque, inouï, confié aux mains d'un mégalomane qui perd tout sens pratique pour s'abandonner à ses désirs expérimentaux les plus fous : ralentis, accélérés, travail des voix, du son en général, fondus, écrans divisés, tout y passe. L'enfer aurait pu être un film unique, une histoire toute simple virant à l'expression visuelle de la folie, en lorgnant entre l'expérimental et le cinéma impressionniste (on pense parfois à du Epstein), avec une Romy Schneider éclatante de beauté (et de sensualité, bigre !) et un Serge Reggiani troublant et effrayant en mari jaloux.

En dévoilant petit à petit un film qui ne verra jamais le jour, Bromberg laisse apparaître les difficultés de la création cinématographique et la folie d'un cinéaste, tout en soulignant pourquoi un film peut ne pas naître. Bromberg défend par son propos l’idée qu’un film dépend entièrement de son auteur, puisqu’il ne s’agit pas ici de question financière (les USA donnaient carte blanche et crédit illimité à Clouzot) ni d’implication des acteurs (Schneider allait réellement jusqu’au bout de ses limites) ni de compétences techniques (les meilleurs opérateurs étant déplacés pour la peine) mais bien de la mégalomanie d’un cinéaste (qui prenait des heures entières pour faire un seul plan qu’il n’était pas sur de garder).

Moins fun que Lost in La Mancha, dans le même registre, mais tout aussi puissant et frustrant.

Note : ***

dimanche 4 avril 2010

Frankenstein

Ah ce charme des vieux films fantastiques de la Universal. J’ai toujours été fan personnellement, et je dois bien avouer que Frankenstein me semble l’un des fleurons de l’époque.

Evidemment, il n’y a plus rien d’effrayant dans ce film de nos jours (il date de 1931, faut pas déconner). Il ne faut pas non plus aller chercher du côté des acteurs, peu convaincants, ou d'un scénario très (trop) vite expédié, le film durant à peine plus d’une heure – à se demander d’ailleurs comment on a pu condenser l’œuvre de Mary Shelley de manière aussi compacte.

Quoiqu’il subsiste néanmoins un intérêt considérable dans le dit scénario : Frankenstein, de par sa description, se révèle être le monstre le plus intéressant car le plus ambigu : d'origine criminel (son cerveau étant celui d'un tueur), on comprend vite qu'il n'est pas l'affreux que l'on attend, puisqu’il ne tue pas par plaisir (comme L'homme invisible lavé de toute culpabilité quand il ne doit plus se regarder dans un miroir), par besoin vital (Dracula), par instinct (le loup-garou) mais seulement pour se protéger (ses meurtres n’étant que les conséquences d’agressions de la part du valet, du médecin ou des habitants du village). Cette séquence, diablement ambiguë, où il joue avec une petite fille prouve bien qu'il n'a pas conscience de ses actes. Il devient alors une créature qui met à mal notre perception de ce qui est mauvais ou non en l'homme.

Ce qui est intéressant aussi, c'est de voir la rigueur de James Whale à rendre réaliste ce qui ne l'est pas : absence de musique (fait lié à la nouveauté encore du parlant à l’époque cela dit), cadrages précis et tempo soigneusement calculé sont ainsi de mise pour s’approcher, tout en restant dans le fantastique, d’une manière de raconter naturaliste. Ca a pris un coup de vieux mais quel charme encore (très fan personnellement de l'astuce du moulin, une surimpression pour compenser la profondeur de champ qui n’était alors pas encore concrètement mise au point comme Welles l’a établie).

Frankenstein, véritable métaphore du cinéma (un assemblage d'éléments divers motivés par un signal électrique), s’inscrit donc dans une lignée de films importants dans l’histoire du cinéma (la grande époque de la Universal + le début d’une longue et fructueuse série) mais s’avère tout autant être un merveilleux moment de cinéma comme on les aime, à la fois divertissant et réflexif. Ah que c’est bon !

Note : ***

vendredi 2 avril 2010

Bottle Rocket

Le film s’ouvre sur une « évasion », celle d’un jeune homme en parfaite santé mentale, dans un hôpital, aidé par un vrai petit barje qui lui est en liberté totale. Par ce petit clin d’œil, Wes Anderson annonce dès son premier film ce qui composera l’univers qu’il dessinera au fil de son œuvre.

A la base de Bottle Rocket, un court métrage que Wes Anderson a fini par étirer pour en faire un long. Ce n’est pas le premier à faire ça, surtout dans le circuit indépendant, mais ce petit détail a son importance dans la mesure où il est la principale faiblesse du film : on sent en effet que le scénario est tiré en longueur, que le rythme n’est pas toujours là et que, malgré des scènes très drôles (le grand braquage final est juste jubilatoire d’emmerdes et d’imprévus), le tout tient un peu difficilement le choc.

C’est bien dommage d’ailleurs car pour le reste, nous sommes en présence d’une œuvre clairement estampillée Wes Anderson : on y retrouve ces losers en antihéros (formidables frères Wilson mais aussi un James Caan décalé et très drôle), un humour souvent fin, les grands thèmes de l’amitié et de la famille comme Anderson les affectionne et une affection toute particulière du cinéaste apportée aux personnages, trop rarement vue à l’époque du film (c’est pas moi qui le dit, c’est un certain Martin Scorsese).

Quant à la réalisation, rien de transcendant, du classique, parfois même du surplus (ces petits ralentis pour faire genre) mais déjà aussi ce côté kitsch assumé, avec les couleurs criardes et la lumière soigneusement travaillée.

Sans être un chef-d’œuvre, Bottle Rocket reste néanmoins un divertissement fort sympathique, et la mise en place d’un univers cocasse et fichtrement original dans le paysage du cinéma américain, celui de l’enfant terrible Wes Anderson. La classe américaine.

Note : ***