mardi 30 novembre 2010

La maison de bambou (House of bamboo)

Si l’on parle beaucoup des films de guerre de Samuel Fuller (bon, ok, vu son passé, c’est normal), on oublie un peu ses deux autres genres de prédilection : le western, qu’il aimait utiliser pour autopsier les travers de l’Amérique, et surtout les films noirs qui, finalement, étaient assez proches aussi de son passé (pour avoir côtoyé les gangsters avant de devenir soldat). Et parmi ceux-ci, La maison de bambou est probablement l’un de ses plus beaux.

Un film noir (en couleurs par ailleurs sublimes) avec comme décor le Japon au lendemain de la guerre, il fallait oser, Fuller l'a fait ! Premier film hollywoodien à être entièrement tourné au Pays du Soleil Levant après 1945, House of Bamboo est surtout l'occasion pour Fuller de magnifier un pays qu'il aime et d’essayer d’en capter la saveur et l’originalité (à l’instar de cette séquence de théâtre traditionnel sur le toit d’un immeuble) tout en parlant de ce milieu qu'il connaît bien, les gangsters. Bien sûr, on est loin de la sombre peinture qu’il a pu en faire dans Pick up on South Street, le modèle du genre dans sa filmo à mes yeux, mais les criminels de House of bamboo n’ont rien de caricatures comme dans beaucoup de films de la même époque, ce sont au contraire des hommes avec des sentiments parfois complexes, comme le lien trouble, quasiment homosexuel refoulé, qui unit le chef du gang et son bras droit.

Le scénario est assez prévisible mais contient suffisamment de beaux moments pour tenir la route. Ces moments, ce n'est pas Robert Stack, héros certes mais un peu fade, qui s'y illustre, mais bien Robert Ryan, sublime en chef de gang dandy et homosexuel, éclatant lors du meurtre de son bras droit. Cette séquence d’ailleurs, très simple, est pourtant riche d’émotions et d’une complexité de jeu de la part de Ryan plus qu’intéressante. Sans aucun doute le personnage de Ryan est-il le plus travaillé du film, et l'un des plus beaux chez Fuller en général. La scène finale, dans la zone de jeux pour enfants sur le toit d'un immeuble en plein cœur de Tokyo, véritable duel de plates-formes, est elle aussi mémorable.

Un film à reconsidérer. Comme beaucoup de Samuel Fuller soit dit en passant. Je sais, je me répète, mais vérifier par vous-même vous verrez si je mens !

Note : ***

samedi 27 novembre 2010

Monstres & Cie (Monsters Inc.)

Tout commence avec un générique jazzy et évoquant ces compositions des années 50-60. Vient ensuite une scène s’apparentant à un film d’horreur : une chambre d’enfant, une porte qui grince, les ténèbres, une ombre monstrueuse, les cris apeurés du morveux… et les cris encore plus apeurés du monstre qui nous offre quelques secondes de pur burlesque en se vautrant dans les jouets du gamin.

En 3 minutes chrono, Pixar vient d’emballer le spectateur et ne va plus le lâcher pendant 1h30 de chef-d’œuvre. Oui, « chef-d’œuvre », le mot est dit, et je l’assume. Il est sans doute souvent galvaudé (par moi en premier) mais je ne vois aucun autre adjectif qui collerait à cette merveille d’animation.

On a beau regarder ce qu’on veut, tout est irréprochable. Il y a déjà cette qualité de dessin incroyable, où les monstres sont hideux sans être affreux, et où le soin apporté à chacun peut être tout simplement dantesque, comme c’est le cas pour Sullivan dont les poils sont presque perceptibles chacun (je ne vois que Ratatouille qui supplante ce sens du détail). Les décors sont certes basiques mais reflètent bien l’ambiance qui peut exister dans une usine par exemple, ou dans le resto chic du quartier.

Les personnages sont par ailleurs extrêmement attachants, de la petite boule de nerf de Bob au gros nounours de Sullivan, en passant bien entendu par le petit démon de Bouh. Même les méchants ont ce petit quelque chose, en particulier Léon (Randall en vo, car la voix est Buscemi est géniale), sublime crapule à la sauce Disney.

Puis y a ce scénario, modèle du genre véritablement : bourré d’humour et d’action pour les enfants, aimant s’amuser des codes préétablis (ici, on inverse les rôles puisque ce sont les monstres qui ont peur des enfants) et offrant, comme toujours chez Pixar, un second degré de lecture pour les adultes (en l’occurrence, une critique très nette du capitalisme et de la course aux résultats quitte à éliminer les gêneurs).

Un vrai tour de magie, celui du cinéma d’animation capable de tous les délires possibles et qui, chez Pixar, confine au sublime. Chef-d’œuvre, c’est bien ce que je disais !

Note : *****

mercredi 24 novembre 2010

Zombieland

Les zombies, monstres éculés dans le cinéma d'horreur, guère effrayants car lents, prévisible, sans aucune aptitudes... Autrefois. Ici, comme dans L'armée des morts, ils courent les vicieux, sont attirés par le bruit et les lumières flashy et, surtout, ont salement faim même après avoir bouffé la planète entière. Et quoi de mieux qu'une équipe improbable pour leur faire la nique ? Un étudiant paranoïaque et au colon fragile, un yankee qui massacre du zombie - et qui le fait bien – et deux petites garces. Voilà le programme de Zombieland.

Tour à tour hommage et parodie, Zombieland a le mérite de jouer cartes sur table d’entrée de jeu : oui, c’est un bon gros divertissement sans prise de tête, loin des discours sociaux à la Romero mais ne visant qu'à divertir le spectateur. Pour ce faire, l’action est presque continue, sans temps morts, et les dialogues et situations sont bourrées d’humour tantôt au premier degré tantôt au second. Une très bonne idée consiste, par exemple, à insérer les règles de survie dans l’image, selon une typographie spécifique, créant souvent un décalage comique avec la scène « d’horreur » qui se déroule. Dommage que, de temps à autre, une séquence pas drôle du tout (le passé de Tallahassee, la séquence romantique), même vainement contrebalancée par une touche d'humour sur la fin, cassent un peu l'ambiance délirante parfois énorme (comme la séquence de la guest-star surprise).

Reste que le casting est plutôt surprenant, entre la (très) jolie Emma Stone, le nerd Jesse Eisenberg et surtout un Woody Harrelson trouvant un rôle à sa (dé)mesure, immense en grand taré qui s’éclate à buter du zombie en jouant du banjo dans un hypermarché. Probablement le point fort du film, Harrelson est tout simplement inoubliable dans ce rôle.

Un peu plus potache et moins gore que Evil Dead, Zombieland n’atteindra sans doute pas le même degré de culte les années à venir. Il n’empêche : il s’agit très clairement d’une comédie horrifique décomplexée, pas prétentieuse et remplissant point par point son rôle, celui du divertissement du samedi soir. Et rien que ça, c’est énorme et mérite le respect le plus total.

Note : ***

dimanche 21 novembre 2010

La fiancée de Frankenstein (The Bride of Frankenstein)

1935 : quatre ans après le succès incontestable de Frankenstein, et toujours dans les difficultés financières, la Universal décide de ramener à la vie (si je puis dire) son monstre bankable histoire de renflouer un peu le tiroir-caisse. Ainsi naquit La fiancée de Frankenstein.

J'avais un doute concernant la supériorité de ce film sur le premier Frankenstein : on ne peut pas dire qu’à Hollywood les suites soient souvent inspirées ou de qualité égale au film modèle. Mal m'en a pris, car Bride of Frankenstein est bel et bien meilleur que le premier film.

Avec un budget plus confortable, James Whale signe un film plus beau, plus abouti, plus gothique (décors et lumières), plus poétique. Visuellement c’est splendide, véritable exemple du film fantastique classique : on y retrouve des décors du premier film, tel le laboratoire du docteur Frankenstein ou son immense demeure, mais on découvre aussi de splendides décors comme les catacombes dans lesquelles le Monstre va rencontrer l’un des personnages les plus fascinants du film : le docteur Prétorius, archétype du savant fou et surpassant le docteur Frankenstein dans sa quête du pouvoir divin – le genre de personnage inoubliable. Il y a aussi une étonnante modernité dans la réalisation, sans temps mort et j’ai envie de dire presque atemporelle, et la transgression à peine perceptible du genre fantastique vers le genre comique est superbe. Je veux dire que pour moi, Bride of Frankenstein est plus une parodie qu'horrifique ; preuve en est avec cette séquence magistrale où Pretorius exhibe ses homoncules : prouesse technique et ironie grinçante !

Côté scénario, il est lui aussi bien plus étoffé que le premier film, et ce à bien des égards. On retrouve ces thèmes forts de Frankenstein, avec un approfondissement systématique, en particulier concernant l’ambiguïté du Monstre. Cette ambiguïté, elle est caractérisée par une variation constante des sentiments du Monstre, passant de la haine à la peur, puis de l’amour (la rencontre avec le vieil aveugle dans le cabanon est plus qu’émouvante dans ce genre de film) qui mènera à cette quête d’une fiancée, avant de finir tragiquement dans un sentiment de vengeance exacerbé. Rares sont les monstres de cinéma qui auront connu une telle recherche psychologique, et c’est tant mieux dans ce cas-ci. Evidemment, la performance de Boris Karloff, encore meilleur que dans le premier Frankenstein, n’est pas étrangère à la réussite du film.

Enfin, preuve ultime de l’humour noir du film : l’idée de faire jouer le rôle de Mary Shelley et de la fiancée du Monstre par la même actrice, Elsa Lanchester, madame Charles Laughton ! Mais au-delà du double clin d’œil, il y a aussi un sens important qui rentre dans la ligne thématique du film : « James Whale, déclarait Elsa Lanchester, pensait que les gens charmants et doux, hommes ou femmes, possédaient au fond d’eux-mêmes des pensées malsaines. Il pouvait s’agir de dragons, de monstres ou du laboratoire de Frankenstein. James voulait que les deux personnages aient la même interprète car après tout la fiancée de Frankenstein provient de l’âme de Mary Shelley. »

Film phare, Bride of Frankenstein est un classique incontournable, que l’on aime le cinéma fantastique ou non tant il dépasse son genre pour toucher au sublime. Un chef-d’œuvre.

Note : *****

jeudi 18 novembre 2010

Dracula

Les fidèles de ce blog le savent : je suis un grand fan de la période « cinéma fantastique » de la Universal dans les années 30, et de la naissance (ou de l’apothéose) des grands monstres du septième art : Frankenstein, l’homme-invisible, le loup-garou, le fantôme de l’opéra et, bien sûr, le plus séduisant de tous : Dracula.

Qui n’a pas vu Dracula de Tod Browning ne peut prétendre avoir vu Dracula au cinéma. Non pas tant parce qu’il constitue l’une des premières apparitions officielles du vampire au cinéma, mais bien parce que le mythe du suceur de sang passe obligatoirement par Bela Lugosi, par son « I am… Dracula », par son jeu théâtral (notamment le fameux regard) et par son charme vénéneux. Chaque minute à l’écran est un bonheur de cinéphile, tant il frôle constamment le sur-jeu sans jamais y céder.

Par ailleurs, Tod Browning est un cinéaste majeur qu’il ne faut pas sous-estimer. Si sa réalisation ici prête à sourire plus d’une fois quand il utilise des effets spéciaux (les chauves-souris sont ridiculement niaises), elle est néanmoins délicate quand il s’agit d’illustrer un manoir en ruine, la beauté d’une actrice ou la tension d’un duel psychologique entre Dracula et Van Helsing par exemple. Sans être extraordinaire, la mise en scène de Browning est rythmée, va à l’essentiel et permet au film de ne pas lasser le spectateur et de le tenir en haleine de A à Z.

Hélas… On peut être fan des décors, de Bela Lugosi, de ce charme qui se dégage de ces films fantastiques des années 30, il faut bien admettre que ce Dracula de Browning, si réussi soit-il, souffre d'une très sérieuse concurrence. Sans les énumérer tous, il y a bien évidemment l’angoissant et toujours surprenant Nosferatu de Murnau (où Max Shreck est bien plus flippant que Bela Lugosi, certes dans un registre moins glamour). Il y a le sulfureux Cauchemar de Dracula, où Christopher Lee efface largement la performance de Lugosi en matière de vampire raffiné et angoissant. Enfin, il y a le baroque Dracula de F.F. Coppola, pour ne citer que ces trois références là.

Du coup, quand on repense à tout ça, Dracula a pris un sacré coup de vieux, et ne possédant pas la richesse thématique de films comme Frankenstein ou L’Homme-invisible, il n’a pu traverser les âges de la même manière. N’en déplaise : il reste un classique agréable à regarder et divertissant. En soi, voilà qui est largement suffisant.

Note : ***

PS : la nouvelle bande sonore composée par Philip Glass, que l’on peut trouver sur le dvd, prouve quant à elle 2 choses : 1/ Glass est un génie et 2/ la musique joue un rôle énorme dans l'ambiance d'un film. A la fois contemporaine et évoquant ces musiques de films muets, elle colle parfaitement au film et lui confèrerait une étoile de plus si je devais noter le film en en tenant compte.

lundi 15 novembre 2010

Gomorra

Le message de Gomorra est d’une certaine subtilité, et je dois être franc d’une certaine originalité : la Mafia, c’est le Mal, je dirais même, c’est PAS bien. Merci. J’ignorais.

Évidemment que c'est un fléau pour ceux qui y sont confrontés. Évidemment qu'ils sont partout et intouchables. Évidemment qu'ils ne plaisantent pas. Évidemment qu'une fois qu'on s’y frotte, on traîne déjà avec soi une odeur de sapin. Mais tout de même : il ne faut pas souligner aux gros traits ces différents points pour faire entendre ce discours. Par son parti-pris réaliste, Gomorra semble s’opposer à ces films-références sur l’univers de la mafia : le Parrain, Scarface, les Affranchis, Casino… N’est-ce pas occulter que, sous leurs airs virtuoses ou baroques, ils énoncent tous le même discours : quiconque se risquera à cette vie finira soit seul et malheureux soit entre quatre planches ? A-t-on besoin d’asséner pendant 2h30 un discours moralisateur et appuyé pour dire que, non, la mafia n’est pas quelque chose qui fait rêver mais bien une organisation criminelle dangereuse, aussi bien pour les autres que pour ceux qui en font partie ?

Gomorra est cinématographiquement pauvre. Il ne se passe pas grand chose, ça parle beaucoup, ça manque cruellement d’invention, d’audace, d’imagination visuelle. Ca manque aussi de tension, de rythme, de personnages attachants. L’approche documentaire (morne) enchaîne les séquences à la « à peu près », frôlant le voyeurisme plus d’une fois. Je ne sais même pas si on peut dire que c’est bien filmé tant tout semble brouillon. Et dire que, la même année, Paolo Sorrentini nous proposait son magistral Il Divo sur un thème similaire…

Bien sûr, il faut rendre justice à une pléiade d’acteurs convaincants et de ci de là des moments intéressants, mais Gomorra ne concourt pas dans n’importe quel genre : il se situe dans celui du film de gangster, l’un des plus difficiles car l’un des plus fréquentés et peuplé de grands chefs-d’œuvre. Les comparaisons sont presque inévitables, et Gomorra n’en supporte aucune, ni italienne, ni américaine, aucune. Filmer caméra à l’épaule n’accentue pas un sentiment de réalisme, ça donne juste le mal de mer. Voir la mafia escroquer des gens ou tuer des jeunes voyous n’augmente pas l’antipathie que l’on peut éprouver à son égard, elle ne la renforce même pas : tout cela a déjà été vu des centaines de fois, et bien pire encore parfois.

Je ne cache pas être curieux de lire le livre, car ce film m’a semblé contre toute attente de ma part bien fade : Matteo Garonne n’a pas le panache d’un Martin Scorsese, le sens du tragique d’un Francis Ford Coppola, le lyrisme d’un Sergio Leone, la violence d’un Brian De Palma ni même l’invention d’un Paolo Sorrentino ou la vigueur d’un Francesco Rosi. Il a le mérite d’avoir essayé, et c’est tout.

Note : *

vendredi 12 novembre 2010

Primary

Primary est un film de Robert Drew et Richard Leacock, et raconte la campagne présidentielle opposant John Fitzgerald Kennedy à Hubert Humphrey. Voilà qui ne nous rajeunit pas (enfin vous, moi j’étais pas né). Et, fait important, il s’agit de l’un des premiers documentaires du cinéma-direct.

Qu’est-ce ? Pour faire court et simple, disons que le cinéma-direct, comme son nom l’indique, a(vait) pour ambition de saisir la vérité de ce qu’il filme, sans interférer de quelque manière que ce soit. Autrement dit, le cinéaste n’intervient plus (pas d’interviews par exemple) et la caméra (devenue légère : c’est l’ère de la 16mm) tente de se faire oublier. Le cinéma-direct n’est donc plus une retranscription mais bien une observation du monde.

Donc, voilà que nos amis Drew et Leacock décident de suivre les deux candidats à la présidentielle de l’époque, en décidant non plus de les filmer comme le font les télévisions mais en voulant donner une image « vraie » de ces deux hommes. On ne peut pas le nier : certaines séquences sont éloquentes, notamment lorsque l’on sent et voit le stress chez les Kennedy lors d’une campagne dans un Etat qui leur est défavorable de prime abord. C’est assez drôle, de ce point de vue, de voir que les politiques peuvent aussi être derrière leurs façades impeccables, des êtres humains.

Et pourtant : c’est paradoxalement là la limite du cinéma-direct. Quelques années plus tard, Drew et Leacock ont reconnu eux-même la faiblesse ultime de leur film : devant une caméra, même en faisant mine de l’ignorer, tout le monde se met en scène, et les politiciens encore plus (et ça se sent très nettement dans ce film). Certes, on peut approcher de manière flagrante (d’où un travail sur les gros plans) leur intimité, mais jamais la vérité vraie ne pourra être atteinte en présence d’une caméra. Film-fondateur du cinéma direct, il en est aussi l’opposition malgré lui. Primary ne convainc donc qu’à moitié malgré sa bonne volonté.

De plus, le regard rétrospectif que l’on en a (la victoire de Kennedy), la mauvaise qualité du son (le son synchrone ne fonctionnait pas encore vraiment à l’époque) et le fait que l’on soit habitué aujourd’hui, par le biais du cinéma mais aussi des médias, aux coulisses des campagnes présidentielles, tout cela fait que le film aujourd’hui a passablement vieilli et n’est guère plus passionnant. Il n’en demeure pas moins un film-clé dans l’histoire du cinéma documentaire, et comporte encore un certain charme pour pouvoir encore être vu de nos jours, mais plus par curiosité que par intérêt.

Note : **

mardi 9 novembre 2010

Le Royaume de Ga'Hoole: la légende des gardiens (Legend of the Guardians: The Owls of Ga'Hoole)

Zack Snyder est quelqu’un de surprenant. Après avoir rajeuni le film de zombie en osant se frotter au remake d’un classique de Georges A. Romero, après avoir réactualisé le péplum, après avoir osé aller à contre-courant du film de super héros, le voici qui s’attaque au film d’animation. Le résultat est-il aussi surprenant que les autres films de Snyder ? La réponse est : non.

La légende des Gardiens est d’abord une victime parmi d’autres du malaise qui règne dans le cinéma d'animation depuis quelques temps (Pixar, Dreamworks, Sony ont aussi succombés) : le film vise un public qui n'existe pas, à la fois trop violent et trop sombre pour les enfants (avec une absence quasi totale d'humour en prime) et trop simple et prévisible pour les adultes. Attention, je ne dis pas que le scénario ne contient pas des éléments intéressants, mais globalement le public pour ce film n’existe pas vraiment, et c’est bien là sa grande faiblesse.

L'histoire, on la connaît, et le sens caché de la petite chouette rêveuse faisant un véritable parcours initiatique (et tragique car elle devra affronter son frère devenu mauvais) a déjà été répétée inlassablement, et le film n'apporte rien de neuf de ce point de vue. Il faut sans doute pour voir quelque chose d’intéressant replacer le film dans la filmographie de Snyder : ardemment critiqué à sa sortie, 300 avait été considéré à la fois comme un film fasciste et belliciste, justifiant la guerre en Irak (les Occidentaux devant se battre contre des Perses voulant imposer leurs croyances). Visiblement, Snyder n’est pas resté sourd à ces attaques médiatiques, et à l’instar de Griffith et de sa Naissance d’une nation, il propose son Intolerance via ce film d’animation : ici, les « sangs-purs » veulent dominer le monde mais échoueront, et la guerre est avant tout source d’un grand malheur tant au niveau émotionnel que psychologique. Une réponse qui ne passe jamais inaperçue dans le film.

Mais avant tout cela, il ne faut pas oublier le vrai talent de Snyder, celui d’un véritable esthéticien de l’image. A nouveau, on en prend plein la vue : l'animation est impeccable, audacieuse parfois, évoquant presque un 300 à plumes, le choc du métal, la violence du combat, la beauté du geste, le goût du sang et l'odeur de la mort régnant lors de scènes de batailles étonnantes. Le trait stylistique majeur de Snyder, à savoir les ralentis, sont encore légion ici, mettant bien souvent en avant la précision et le sens du détail de chaque plan en plus de chercher une forme de grâce de l’instant. Mais à nouveau, le film n’es guère accessible aux enfants de ce point de vue, et cela met un peu de plomb dans l’aile à ces Gardiens…

Bref, La légende des Gardiens n’est certes pas le meilleur film de Snyder, sans doute inapte à raconter un conte pour enfants sans les traumatiser, mais il n’en est pas déplaisant pour autant et prouve que le cinéaste est définitivement capable de nous surprendre dans les années à venir. Je ne demande pas mieux personnellement.

Note : ***

samedi 6 novembre 2010

Last Action Hero

John McTiernan vous connaissez ? Un poète des temps modernes… à a façon : Predator, Piège de cristal, Une journée en enfer… et ce Last Action Hero que je n’avais pas revu depuis l’âge du gamin dans le film.

Citons un grand moment de dialogue au hasard : "T'aimes les omelettes ? Tiens, j'te casse les oeufs ! *coup de pied dans les roustons*" Évidemment, ce genre de dialogue ne laisse pas présager à prime abord du Ingmar Bergman (et pourtant il y a une surprise vers la fin du film nananère !). Dieu merci, car John McTiernan n'excelle pas dans le philosophique. En revanche, il assure grave en matière d'action et d'humour (si possible mélangés). Cette fois encore, McT nous propose un florilège d'explosions, de coups de feu, de bastons... en mode parodique !

La force de Last Action Hero, pour ceux qui ne le sauraient pas encore, c’est de pouvoir rire allègrement de ses propres ingrédients, de ses propres caractéristiques, de ses propres travers, de ne jamais se prendre au sérieux – ou presque, rien n'est parfait, à l’instar d’un final qui se veut émouvant sans vraiment l’être tant on rigole avant. Le film joue autant la carte de la parodie (les explosions à faire pâlir Michael Bay, du style Hiroshima quand une balle ricoche sur une voiture… voyez la subtilité ?) que celle de la dérision (Schwarzenegger, véritablement doué pour l’ironie, se moquant bien souvent de lui même et des personnages de durs qu’il a pu incarner auparavant).

Last Action Hero, en plus d’être un film DE cinéma (il faut le voir sur grand écran si possible) est un film SUR le cinéma. Les clins d’œil se multiplient (le dessin animé, le Parrain, Scarface, Serpico, on aperçoit furtivement Sharon Stone de Basic Instincts, F. Murray Abraham est présenté d’emblée comme « celui qui a tué Mozart » en référence à Amadeus, etc.) tout comme McTiernan réfléchit sur les codes du film d’action (les explosions, les chargeurs de fusils qui ne se vident jamais…). Mais le plus beau, à mon sens, est la poursuite du travail lancé au préalable par Buster Keaton et Woody Allen quant au lien entre cinéma et réalité : du personnage entrant dans l’écran (Sherlock Jr) au personnage en sortant (La rose pourpre du Caire), John McTiernan compare les deux mondes, les deux points de vue, et finit par nous faire comprendre qu’au final, rien ne vaut le rêve du cinéma. D’ailleurs ses aspects « mode apocalypse activé », il y a un vrai cri d’amour envers le septième art, et de manière subtile de la part d’un cinéaste que l’on a trop vite rangé du côté des actionners.

Un film alliant réflexion et action, et ce dans l’esprit le plus décontracté et le plus adolescent possible. McTiernan, sale gosse va ! Mais qu’est-ce qu’on t’aime quand t’es comme ça…

Note : ****

mercredi 3 novembre 2010

Hitman

Bonsoir, et bienvenue à la séance « je tire dans le tas, les femmes et les enfants d’abord ! » de la semaine. Et quoi de mieux pour faire un petit carton que Hitman.

Bon, je sais, z’allez me dire « flinguer une production Besson, c’est comme tirer un canard endormi, ou coucher avec sa copine de longue date : c’est pas du vrai sport ». Bon, ok, je nie pas, y a mieux comme challenge (Besson, pas le canard, et encore moins la copine, car là ça va être sportif quand elle aura lu cet article). Mais moi je suis plutôt du genre classique, les valeurs sûres voyez, je cherche pas dans l’inédit : je me repose sur mes acquis, et je vous emmerde.

Hitman, disais-je, est un produit labellisé Luc Besson : le héros, il est costaud, il protège une fille (une pute) des méchants, il roule dans une Audi et puis y pète sa gueule à un gros black. Au-delà de la boutade, un peu vraie disons-le (un ratio de 99,9% de vérité en fait), je dois bien admettre qu’Hitman remplit son contrat (pour une fois) de manière honnête (pour une fois) en matière d’action décérébrée et, fait surprenant, lisible (comprenez que les épileptiques peuvent maintenant eux aussi voir les navets de tonton Luc).

Le seul inconvénient… En tout cas le principal inconvénient… Bon l’une des grosses merdes dans l’histoire, c’est qu’un mec a réussi à entuber tonton Luc en lui amenant un ensemble de mots (le mode d’emploi d’un rouleau de PQ ? Une notice Ikea ?) avec, en couverture, écrit le mot magique : « scénario ». Oh on ne peut pas vraiment blâmer les gens de chez Europa d’être tombés dans le panneau : « quand on te donne un truc et que tu ne sais pas à quoi ça sert, tu dis « merci » et tu fermes ta gueule » comme disait mon grand-père.

Ah ouais, j’oubliais (enfin, j’essayais) le casting. Hitman, le tueur implacable, la classe mortelle, incarné par un acteur sans charme, sans classe, sans rien (‘fin si, je suis injuste : la calvitie ça va), ça douille sévère. Heureusement, tout était prévu avec l’intrigue sous-jacente du film, son point fort : Olga Urylenko et ses aventures rocambolesques (Olga en string, Olga seins nus, Olga qui chauffe le mec, Olga et ses yeux qui brillent, Olga et le maquillage raton-laveur, Olga seins nus (again)...).

Au final : un divertissement pour ados (attardés ? naaaaaaan) qui s'assume même s'il tente, sournoisement même, de péter plus haut que son cul par moments, d’où peut-être une aléatoire envie de vomir. Sur les chaussures de Luc Besson, si possible.

Note : *