dimanche 21 novembre 2010

La fiancée de Frankenstein (The Bride of Frankenstein)

1935 : quatre ans après le succès incontestable de Frankenstein, et toujours dans les difficultés financières, la Universal décide de ramener à la vie (si je puis dire) son monstre bankable histoire de renflouer un peu le tiroir-caisse. Ainsi naquit La fiancée de Frankenstein.

J'avais un doute concernant la supériorité de ce film sur le premier Frankenstein : on ne peut pas dire qu’à Hollywood les suites soient souvent inspirées ou de qualité égale au film modèle. Mal m'en a pris, car Bride of Frankenstein est bel et bien meilleur que le premier film.

Avec un budget plus confortable, James Whale signe un film plus beau, plus abouti, plus gothique (décors et lumières), plus poétique. Visuellement c’est splendide, véritable exemple du film fantastique classique : on y retrouve des décors du premier film, tel le laboratoire du docteur Frankenstein ou son immense demeure, mais on découvre aussi de splendides décors comme les catacombes dans lesquelles le Monstre va rencontrer l’un des personnages les plus fascinants du film : le docteur Prétorius, archétype du savant fou et surpassant le docteur Frankenstein dans sa quête du pouvoir divin – le genre de personnage inoubliable. Il y a aussi une étonnante modernité dans la réalisation, sans temps mort et j’ai envie de dire presque atemporelle, et la transgression à peine perceptible du genre fantastique vers le genre comique est superbe. Je veux dire que pour moi, Bride of Frankenstein est plus une parodie qu'horrifique ; preuve en est avec cette séquence magistrale où Pretorius exhibe ses homoncules : prouesse technique et ironie grinçante !

Côté scénario, il est lui aussi bien plus étoffé que le premier film, et ce à bien des égards. On retrouve ces thèmes forts de Frankenstein, avec un approfondissement systématique, en particulier concernant l’ambiguïté du Monstre. Cette ambiguïté, elle est caractérisée par une variation constante des sentiments du Monstre, passant de la haine à la peur, puis de l’amour (la rencontre avec le vieil aveugle dans le cabanon est plus qu’émouvante dans ce genre de film) qui mènera à cette quête d’une fiancée, avant de finir tragiquement dans un sentiment de vengeance exacerbé. Rares sont les monstres de cinéma qui auront connu une telle recherche psychologique, et c’est tant mieux dans ce cas-ci. Evidemment, la performance de Boris Karloff, encore meilleur que dans le premier Frankenstein, n’est pas étrangère à la réussite du film.

Enfin, preuve ultime de l’humour noir du film : l’idée de faire jouer le rôle de Mary Shelley et de la fiancée du Monstre par la même actrice, Elsa Lanchester, madame Charles Laughton ! Mais au-delà du double clin d’œil, il y a aussi un sens important qui rentre dans la ligne thématique du film : « James Whale, déclarait Elsa Lanchester, pensait que les gens charmants et doux, hommes ou femmes, possédaient au fond d’eux-mêmes des pensées malsaines. Il pouvait s’agir de dragons, de monstres ou du laboratoire de Frankenstein. James voulait que les deux personnages aient la même interprète car après tout la fiancée de Frankenstein provient de l’âme de Mary Shelley. »

Film phare, Bride of Frankenstein est un classique incontournable, que l’on aime le cinéma fantastique ou non tant il dépasse son genre pour toucher au sublime. Un chef-d’œuvre.

Note : *****

1 Comment:

François said...

Je suis très content que ce film t'ait autant plu, tu as mis les mots sur beaucoup de choses qui m'avaient profondément touché lorsque je l'ai découvert. Il dépasse son genre, comme tu dis.