jeudi 18 septembre 2008

99 francs


Ca y est, il est de retour ! Comment ça « qui » ? Mais Jan Kounen bien sûr ! Mais si, souvenez-vous, l’ex-fils de pub qui avait proposé à Vincent Cassel de braquer des fourgons sous influence Tex Avery (Dobermann) ou encore de se payer des trips chamaniques sans prendre le moindre petit gramme d’herbe (Blueberry). Eh ben ce mec-là, ce trublion, ce déjanté de la pellicule a décidé de nous revenir, et en forme qui plus est avec ni plus ni moins que l’adaptation de 99 francs !

Voilà bien un projet qui en a connu des noms pour le porter à l’écran : Antoine de Caunes (avec Edouard Baer dans le rôle d’Octave), Mathieu Kassovitz ou même Beigbeder lui-même, avant que Kounen n’entende finalement parler du roman sur le tournage de Blueberry : « Je voyais abstraitement l'objet : un film enlevé et corrosif sur le monde de la pub. (...) C'est la lecture du bouquin qui m'a donné le désir de faire le film. Un film sur notre monde, sur la société de consommation. La partie artistique du film m'intéressait, car elle m'offrait l'opportunité d'expérimenter, d'être pleinement créatif par rapport à la matière. On me proposait en tant que cinéaste de faire quelque chose que je n'aurais pas fait de moi-même : aller dans un univers mental ? alors que j'étais dans un univers contemplatif ? et de changer de mode de fonctionnement. »

Faisons cependant l’impasse sur la comparaison entre le roman au film (tout simplement parce que des personnes qualifiées s’en chargeront bien mieux que moi), tout en oubliant pas de noter un fait assez sympa pour être signalé : Beigbeder ne rejette pas l’adaptation de son œuvre ! « C'est très très spectaculaire, très visuel, très créatif. Et Jan va apparaître enfin comme le réalisateur de génie qu'il est. Il a réussi à s'approprier mon roman et à en faire une oeuvre intime, personnelle, en parfaite cohérence avec tous ses travaux précédents. Notamment ses documentaires, Darshan - l'étreinte et D'autres mondes. C'est vraiment ça puisque Octave cherche un autre monde. » dixit l’auteur himself.

Dès le départ, nous pouvons observer la marque de fabrique de Kounen : le mauvais goût allié à un sens du spectacle et, surtout, du numérique inouïs. Vaste laboratoire d’expérimentation pour le cinéaste, 99 francs mélange tout et n’importe quoi (superbe et bien trash, délire cartoonesque sanguinolent après la prise d’une petite pilule magique) dans un récit tout autant cynique que cinéphilique : le film s’inspire, salue, parfois parodie des films cultes, des films dont on aime que parler dans les dessins animés politiquement incorrects, des clins d’œil à Trainspotting ou Fight Club mais pas seulement ; Jan Kounen, c’est aussi quelqu’un de sensible (si si) et d’ouvert au monde, rien d’étonnant dès lors d’observer un hommage direct au cinéma de Terrence Malick à travers une « deuxième fin » prônant le retour au naturel. Le film ne perd jamais pour autant son identité propre, à savoir l’autodérision (apparitions parodiques de Beigbeder en veux-tu en voilà, n’hésitant pas à le confondre avec une figure christique lamentable) et un goût prononcé pour le jusqu’au-boutisme, le film n’étant, en gros, qu’une énorme pub se foutant bien de nos habitudes de consommations (pub ne se prenant bien sûr jamais au sérieux, comme le prouve cette scène où Octave s’engueule avec l’une de ses créations dans un délire second degré).

En tête d’affiche, un Jean Dujardin plus talentueux que jamais, capable de rendre le pire des arrogants en personnage sympathique. C’est aussi un peu pour ça que Kounen l’a choisi : Quand j'ai commencé à travailler sur le film, Alain Goldman m'a dit que j'étais libre par rapport au casting. Et dès que j'ai lu le scénario, j'ai pensé à Jean Dujardin. Pourquoi ? Je l'avais vu dans Brice de Nice et je trouvais qu'il avait une capacité extraordinaire à faire aimer un imbécile arrogant. Or il se trouve que dans 99 F, j'avais besoin de faire aimer un intelligent sensible arrogant, et ce après l'avoir d'abord rendu détestable ! Comme le dit Octave : "J'espère que vous me détesterez pour mieux détester l'époque qui m'a créé." ». Pari réussi, Dujardin trouvant là à ce jour son meilleur rôle, celui d’un surdoué à fleur de peau, se détruisant lui-même pour mieux nous en rejeter la faute et, le pire, c’est qu’on finit par le prendre en pitié. A ses côtés, un étonnant Jocelyn Quivrin, appelé à être suivi de près, et le toujours plaisant Antoine Basler (Moustique dans Dobermann, déjà).

Bien sûr il y a des défauts : des longueurs par-ci par-là et surtout un contexte au film qui mets en doute son intégrité : oui, la promo du film se base sur des éléments publicitaires faciles comme la notoriété de Beigbeder et/ou de son livre, oui Jan Kounen vient de la pub et doit ses succès à la polémique alimentée par la presse, oui Dujardin doit beaucoup à la télévision ; et alors ? Un petit crachat dans la soupe, ça n’a jamais tué personne, même si celui-ci semble venir du fond de la gorge.

Note : ***