lundi 30 novembre 2009

Ghost Dog : la voie du samouraï (Ghost Dog : The Way of the Samuraï)


Les apparences sont souvent trompeuses, et le cinéphile devra apprendre, au risque de se laisser posséder, à ne pas se fier aux apparences. Ainsi, Ghost Dog n’a rien du vulgaire film de gangster.

Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un film de Jim Jarmusch, cinéaste en quête de soi-même, cherchant à s’émanciper de toute influence préexistante et voulant trouver sa voie du cinéma dans l’expérimentation, dans le débordement des limites du film de genre : le film de prison avec Down by law, le western avec Dead Man et plus tard le road-movie avec Broken Flowers.

Ensuite parce que le matériau du film est pour le moins surprenant : un black fort comme un bœuf qui joue les fantômes et les samouraïs, déconnecté de son temps qu’il est, bossant pour des caricatures de gangsters italiens, le tout sous fond de hip hop (sublime b.o. de RZA). Sans oublier une esthétique extrêmement soignée qui prouve définitivement l’aisance de Jarmusch à filmer aussi bien en couleur qu’en noir et blanc.

Après parce que le film est une jolie réflexion sur la quête de l’innocence : le retour en enfance des gangsters qui regardent les dessins animés, un espagnol qui construit un bateau sur un toit, un tueur aux valeurs morales féodales, le tout présenté par un Jarmusch qui désire un film pur, sans origine précise, comme l’indique ce final où western, film de samouraï, drame européen et regard enfantin se croisent. C’est aussi un film jarmuschien dans le sens où l’incommunicabilité des êtres joue un rôle prépondérant, du père mafieux qui ne parle pas à sa fille au Ghost Dog qui ne communique que par pigeon voyageur et voit en un Français ne parlant pas anglais son meilleur ami.

Enfin parce que Forest Withaker, avec son physique de camionneur, joue tout en finesse, en subtilité, presque en douceur. Tandis que son corps envahit l’écran, c’est son âme qui domine le film, et son charisme d’acteur trop sous-employé.

Le cinéphile pessimiste, une fois cet enseignement acquis, découvrira sans doute avec joie que le cinéma regorge encore aujourd’hui d’audace et d’originalité. Et que pour cela il doit remercier un maître parmi les maîtres : Jim Jarmusch. Tel est la substance de la voie du cinéphile.

Note : *****

samedi 28 novembre 2009

Running out of time (Aau chin)


Synonymes de Johnnie To : virtuosité, direction d'acteurs parfaite, scénario habilement construit, rythme maîtrisé à la perfection. Running out of time n'échappe pas à la règle.

Virtuosité : comme s’il en était besoin, To démontre avec brio qu’il manie la caméra sans se forcer, enchaînant les plans savoureusement cadrés et construits. Il y a quand même de temps en temps de l’esbroufe mais, globalement, il sait comment filmer telle scène, et surtout comment bien la filmer (cfr la fusillade entre les mafieux et les deux héros).

Direction d’acteurs parfaite : si Lau Ching Wan est plus que correct en inspecteur intègre, c’est évidemment Andy Lau qui emporte tout sur son passage, délicieux manipulateur jouant au chat et à la souris avec la police en ayant, bien sûr, toujours deux coups d’avance sur ceux-ci. Son association avec To semble, de ce que j’en ai vu, un merveilleux tremplin pour cet acteur asiatique qui, paradoxalement, possède un jeu assez occidental.

Scénario : plein de rebondissements (génial twist final) et rempli de thèmes propres à To (la compétition, l’amitié masculine, la frontière entre le Bien et le Mal…), il est suffisamment clair et concis pour tenir en haleine le spectateur durant l’heure trente que dure le film.

Verdict : sans prétention si ce n’est de divertir, Running out of time fait penser à un Heat made in Hong Kong. Cette dernière phrase devrait suffire à convaincre les plus sceptiques de la qualité de ce film d’action où s’immisce souvent la réflexion.

Note : ***

jeudi 26 novembre 2009

Evil Dead 2


On prend les mêmes et on recommence, ou presque : Evil Dead 2, c’est la suite qui ne suit pas vraiment Evil Dead. Vous comprenez ?

Bon, en clair, au lieu de se contenter de faire un flash-back en guise d’intro, Raimi retourne à vitesse grand V un remake d’Evil Dead en 8 minutes en modifiant l’histoire originale (cette fois ils ne sont plus 4 mais deux, et c’est Ash qui conduit jusqu’à la cabane hantée). Une fois les faits remis en mémoire, le film peut enfin démarrer là où Evil Dead finissait…

Evil Dead 2 n’offre cependant pas beaucoup de nouveauté ; bizarrement, l’imaginatif Sam Raimi semble à court d’idées pour cette suite et reprend ainsi 80% des scènes de son premier film (le zombie dans la cave, l’attaque des arbres…). Pire, parfois le cinéaste pousse le vice à s’autoréférencer de manière trop précise, ce qui pose problème : soit on a pas vu le premier Evil Dead et on ne capte pas la subtilité, soit on a vu le premier justement et la surprise d’Evil Dead 2 n’est plus là.

Néanmoins, peut-être conscient des limites de son film, Sam Raimi mise davantage cette fois sur l’humour que le gore ; exit l’ambiance flippante, les maquillages affreux et la musique horrible, place à la dérision (mythiques disputes entre Ash et… sa main !), l’exagération (les hectolitres de sang pour une petite blessure) et plus d’effets spéciaux, ce qui contribue à la distanciation avec le film d’horreur classique pour le film fantastique plus simple.

Mais si j’ai eu l’impression d’un travail moins fourni, force est de constater que le film est surtout un grand moment car il permet à l’un des plus grands héros de notre temps de naître véritablement : ainsi ai-je nommé Ash, le héros mi-homme mi-tronçonneuse et tueur de zombies à l’occasion. Accessoirement s’agit-il du grand rôle de Bruce Campbell, meilleur encore que dans le premier film.

Un manque d’originalité donc et un travail plus pépère de prime abord empêche donc à mon sens Evil Dead 2 d’atteindre (alors qu’il aurait même pu le dépasser) Evil Dead premier du nom. Rendez-vous au troisième volet !

Note : ***

mardi 24 novembre 2009

Dead Man


« Chaque nuit, chaque matin, certains naissent pour le chagrin. Chaque matin, chaque nuit, certains naissent pour le délice exquis. Certains naissent pour le délice exquis, certains pour la nuit infinie. » Jarmusch, lui, semble être né pour le génie.

Je suis un énorme fan de western. De tous types : de The Great Train Robbery au remake de 3h10 pour Yuma, en passant par John Ford, Howard Hawks, Samuel Fuller, Sam Peckinpah, Clint Eastwood ou évidemment par Sergio Leone. Et je pensais avoir tout vu. Jusqu’à ce Dead Man.

Le western, genre classique par excellence, entre les mains d’un cinéaste (post)moderne. Le western, genre d’action par excellence, par un réalisateur qui privilégie l’inaction. De quoi se poser des questions. A tort, évidemment.

Evidemment car Jarmusch est quelqu’un d’assez cinéphile pour respecter le genre. Ainsi trouve-t-on autant de références à Ford qu’à Leone, deux marshalls qui se nomment Lee et Marvin, et les ingrédients basiques du western : les colts, la prostituée, les tueurs à gages, l’indien, les paysages magnifiques et grandioses.

Sauf que Jarmusch ne s’arrête pas là : pour lui, le western moderne, ce n’est pas un divertissement, ce n’est pas un chant du cygne, ce n’est pas une renaissance, c’est une quête. Ouvertement métaphysique, Dead Man est le portait d’un esprit, celui de William Blake, qui doit retrouver la pureté. Le lent passage de la civilisation et de Machine Town à la nature sauvage et « miroir » où le ciel et la mer se rejoignent n’est pas anodin. L’inaction désacralise également le mythe du western sauvage (toute action est ici très courte et, parfois, à l’instar du duel final, lointain), tout comme la musique électrique de Neil Young, qui confère au film un aspect plus irréel encore.

C’est aussi comme la synthèse des films précédents de Jarmusch : la solitude du héros rappelle celle des personnages de Stranger than Paradise, la descente en canoë celle de Down by law, l’ouverture avec le train celle de Mystery Train… Comme si Jarmusch arpentait une nouvelle voie, ce qu’il fera effectivement avec ses films suivants comme Ghost Dog et Broken Flowers. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agisse de son plus beau film en noir et blanc.

Je pourrais également parler de Johnny Depp et dire centaines de louanges sur cet acteur jarmuschien idéal, mais ce serait inutile.

Il est dit au début du film qu’il est toujours préférable de ne pas voyager avec un mort. Ici, en l’occurrence, cela m’aurait éviter de me rendre compte que Jarmusch est un cinéaste inégalable, parvenu à trouver une voie unique à un genre pourtant mainte fois manipulé.

Note : *****

dimanche 22 novembre 2009

Sportif par amour (College)


Ah, l’éternel combat entre les beaux gosses et les intellos ! Un sujet inépuisable chez les Américains dirait-on. Et pas récent récent puisque Buster Keaton en jouait déjà dans College.

Vous vous rendez compte ? Buster Keaton et le sport, de quoi prévoir une bonne dose de cascades, slapsticks et performances inoubliables ! Eh ben non. Visiblement à court d’idées, le film finit par se répéter, les échecs du personnage de Keaton aussi, quand on ne tombe pas dans des gags faciles (Buster Keaton en serveur noir).

La romance n’est pas non plus des plus intéressantes, à mes yeux en tout cas, la demoiselle convoitée m’apparaissant bien antipathique.

Reste néanmoins de ci de là de très bons gags (le costume trempé qui rétrécit en séchant), un final speedé attendu mais néanmoins inventif et, heureusement d’ailleurs, un Buster Keaton toujours aussi drôle et charismatique.

Note : ***

vendredi 20 novembre 2009

The Yards


James Gray est un cinéaste rare. Hormis le doublé qu’il nous a offert en enchaînant La nuit nous appartient et Two Lovers il y a peu, force est de constater que le bonhomme prend son temps entre chaque film (6 ans entre Little Odessa et The Yards).

Mais cela vaut le coup d’attendre : The Yards, par exemple, est à la fois dans la continuité et à l’opposé total de Little Odessa. Un véritable tour de force !

Au point de vue visuel par exemple, Gray continue de travailler ses plans comme des peintures, attachant une grande importance à la lumière (ici, très influencée par Georges de la Tour mais faisant aussi écho au travail de Gordon Willis sur Le Parrain). Exit aussi les plans figés de Little Odessa, place à des plans plus vivants, plus serrés sur les acteurs aussi. Mais surtout, place à une plus grande tension dans les scènes, parfois ponctuées d’explosions de violence à l’instar de cette bagarre non-simulée entre les personnages de Whalberg et Phoenix.

Ce n’est plus non plus un film intimiste, mais un opéra moderne sur les destins tragiques d’une famille sans grande prétention mafieuse de prime abord. Pour illustrer cela, Gray sait s’entourer en confrontant deux générations d’acteurs formidables, l’ancienne (James Caan, Faye Dunaway, Ellen Burstyn) comme la nouvelle (Charlize Theron, Mark Whablerg surprenant de sobriété et un Joaquin Phoenix déjà grandiose).

Formidable révision formelle de ses thèmes, The Yards est un film qui fut sous-estimé à sa sortie ; à la lumière de ce jour, il est plus que temps d’installer James Gray au panthéon des grands cinéastes de demain.

Note : ****

mercredi 18 novembre 2009

Micmacs à Tire-Larigot


Premières minutes, une mine explose à la gueule d'un soldat. Quelques minutes plus tard, Dany Boon se prend, par un manque de bol phénoménal, une balle dans la tête : il est cloué au sol, le sang coule lentement, autre angle, toujours le sang qui s'écoule très lentement sur le visage de l'acteur. Comme comique, j'ai déjà connu plus fin.

Mais le problème est que le film se veut drôle, sort de burlesque contemporain et esthétique. Pourtant c’est jamais drôle, tout au plus ça fait sourire. La faute à quoi ? Je ne sais pas trop : du rythme il y en a, de l’humour aussi, mais il ne fonctionne pas systématiquement, prévisible et redondant (les crises de Basil, le corps tordu pardon contorsionné de la Môme Caoutchouc).

Tout aussi prévisible est le scénario par ailleurs : le pauvre mec qui perd tout et va se venger des vilains messieurs qui fabrique des armes, jusqu’à un final pitoyable et mal venu dans ce film (je vous laisserai juger si vous tenez jusque là).

Les acteurs s'emmerdent aussi, en tout cas ils ont l’air. Et que dire des personnages qui sont de faux "types" pas drôles, Jeunet usant jusqu’à la corde ce ressort comique qui ne fonctionne plus qu’à moitié aujourd’hui : hormis Omar Sy et ses expressions « à couper les cheveux en quatre » et inévitablement André Dussolier qui excelle dans les rôles de méchants caricaturaux, c’est bien pauvre. Marielle, Pinon, Moreau, quel dommage pour eux d’être sous-employé ; quant à Dany Boon, s’il s’en sort bien, il ne pourra probablement jamais se débarrasser de son étiquette Chtit (pourquoi diable le faire parler en flamand alors qu’il vit à Paris dans le film ?).

Encore un peu ? L’esthétique est fade, sans vie, sans imagination, et les private joke tombent à plat (les tas de panneaux publicitaires de Micmacs à Tire-Larigot). Jeunet semble réutiliser les ingrédients de son univers mais sans imagination, comme si il le faisait juste pour faire plaisir aux gens (il n’est pas le seul cela étant : se souvenir de Promets-moi de Kusturica).

Un film-soufflé, retombé aussitôt après être sorti du four, ce qu'il devient au final. Argh !

Note : *

lundi 16 novembre 2009

Night on Earth


Night on Earth, ou quand un cinéaste adepte des récits proches de l’enfilade de sketchs… Ben fait réellement un film à sketchs.

7:07 pm, Los Angeles
Le premier segment met en scène Gena Rowlands et Winona Ryder. Le duo fonctionne bien dans la dualité, la morale est mignonne (vit tes rêves, quels qu’ils soient) et esthétiquement c’est propre. Assez drôle, on se demande juste un peu le rapport avec le reste du film…

10:07 pm, New York
Le second segment et l’un des plus drôles avec Rome est déjà beaucoup plus jarmuschien : la rencontre improbable entre un black survolté de Brooklyn, sa belle-sœur au langage peu châtié et un chauffeur de taxi d’origine allemande. C’est la confrontation culturelle qui est ici en jeu, comme lors de cette discussion sur les prénoms respectifs des hommes (Helmut, qui ressemble presque à « helmet » ou casque en anglais, et Yo-yo). Difficile aussi de ne pas relier le personnage de Rosie Perez au « fuck » facile à celui qu’elle avait un an auparavant dans le film de Spike Lee Do the right thing. Hilarant, dynamique, doux-amer sur sa fin, probablement le meilleur segment du film.

4:07 am, Paris
Autre segment, autre thème : la différence. Cette fois, c’est un noir (Isaac de Bankolé) qui, ne supportant plus les blagues racistes et les remarques désobligeantes, prend une aveugle en stop (magnifique Béatrice Dalle). Et face à cette femme différente de par sa cécité, c’est le chauffeur qui va cette fois devenir intolérant… Ca pourrait être manichéen, c’est surtout assez drôle dans le sens de la répartie du personnage de Dalle, qui ne se laisse jamais faire. Et le final est jubilatoire.

4:07 am, Rome
L’autre segment comique du film, porté par un seul acteur : Roberto Benigni. On savait que le trublion italien pouvait être incroyable devant la caméra de Jarmusch (cfr Down by law), il est tout simplement irrésistible ici. Ou comment il tue accidentellement un prêtre en parlant de citrouille, de brebis et de sa belle-sœur ! La personnalité de l’acteur est si forte qu’elle tire tout le segment dans sa folie humoristique et rebooste le film vers les sommets.

5:07 am, Helsinki
Hélas, Jarmusch dose mal cette fois son effet de retour à l’amertume après 1h40 de rigolade. Si tout commence bien par un réveil du trio endormi et une dispute dans le taxi où tout le monde s’étrangle (du typiquement burlesque), les dernières minutes morbides effacent le sourire que l’on a pu avoir jusque là pour laisser place à un choc émotionnel trop intense pour être digéré rapidement.

Ajoutant à cela que chaque acteur est bon, que Jarmusch sait comment filmer de nuit et rendre l’espace restreint d’un taxi suffisamment intéressant pour ne pas être pesant, et que la musique leitmotiv de Tom Waits est, à l’image du film, douce-amer, et on se rend vite compte que derrière sa lacune de film à sketchs (variations de rythme et inégalité des segments), Night on Earth est un pas de plus de Jarmusch dans sa réflexion sur les relations humaines. Et quelle réflexion. Un grand film de Jarmusch. Encore un.

Note : ****

samedi 14 novembre 2009

Arnaques, crimes et botanique (Lock, stock and two smoking barrels)

Vous connaissez Guy Ritchie ? En dehors de la mention « ex-monsieur Madonna », c’est aussi un cinéaste qui a le mérite de ne pas laisser indifférent : soit on aime, soit on aime pas.

Perso j’aime. Bien sûr, je comprends parfaitement les arguments des détracteurs : esbroufe visuelle, scénario tiré par les cheveux et compliqué pour rien, violence omniprésente, film plus proche du clip que du vrai métrage…

Oui mais moi, j’aime bien ! D’abord parce que la violence est diminuée par un humour so british que j’affectionne particulièrement. Ensuite, parce que le scénario est surtout prétexte à une enfilade de situations cocasses et burlesques totalement invraisemblables mais souvent jouissives. Enfin, parce que l’esbroufe visuelle, passé de réalisateur de clip et de pub oblige, ne dessert pas le récit mais, au contraire, ouvre une nouvelle perspective à un public qui de prime abord ne serait peut-être pas venu voir ce genre de film (les jeunes).

Bon évidemment je reconnais que, parfois, on est dans la surenchère et que ça plombe un peu le tout, mais globalement ce film iconoclaste (comme le sera tout autant Snatch) est un pur moment de divertissement sous emphét, sans réelle prétention à mes yeux. A noter enfin les bons acteurs et la b.o. tout simplement géniale.

Note : ***

jeudi 12 novembre 2009

Cecil B. Demented


Et que vive le cinéma underground !

Vibrant hommage à ce cinéma mésestimé et aux cinéastes sous-estimés eux aussi (Otto Preminger, Samuel Fuller, Sam Peckinpah…) même s’ils ont évolué dans le monde d’Hollywood, Cecil B. Demented possède un point de départ plus qu’honorable – et plus que tentant. D’autant que les personnages sont réellement déjantés !

Cependant, il y a un problème de cohérence assez conséquent. Pour vanter le cinéma underground, rien n’aurait été plus efficace qu’un véritable film underground, ou du moins fauché, or ici, on sent que John Waters a eu assez de moyens pour réaliser son film sans se soucier ; pire, il se formate lui-même dans un standard hollywoodien qu’il prétend dénoncer. Le film est en effet trop propre, trop convenu et trop « classique » (cfr le final qui évoque Sunset Boulevard) pour être crédible.

Et puis il y a cet humour un peu gras, qui fait tache : autant c’est marrant de voir ces jeunes fous de cinéma hors norme se torturer quand le personnage de Griffith dit lamentablement son texte, autant le côté branché sexe pour faire cool (la séance collective de masturbation, la partouze finale) tombe à plat.

Dommage donc, que le film ne tienne pas toutes ses promesses, car potentiel il y avait. Vraiment.

Note : **

mardi 10 novembre 2009

Angoisse (Experiment Perilous)


Ca commence comme un bon Hitchcock : un pauvre quidam, sur base d'une rencontre fortuite et d'une erreur de bagages, va se retrouver mêlé à une histoire de jalousie et de meurtres. L'introduction laisse même présager, avec ce train luttant contre les courants d'eau une nuit d'orage, à du bon fantastique. Inutile de dire la petite excitation montant en moi en à peine 5 minutes.

En fait, il n'en sera rien : le film virera très vite dans le policier bâclé et le mélodrame tirant en longueur. Tant d'éléments méritaient d'être développés et sont laissés à l'abandon. Tourneur, visiblement, ne sais pas gérer le budget qu'on lui a octroyé cette fois. On devine bien vite qui est qui et qui (a) fait quoi, et l’histoire d’amour naissante entre le médecin et l’objet de toutes les convoitises est d’une lourdeur que je n’ai pas appréciée. Ajoutons à cela que je n’ai pas trouvé les acteurs particulièrement convaincants…

Reste quelques bons moments (le final possède une certaine tension en soi) mais une histoire trop pâle (surtout qu'Hitchcock et Cukor feront bien mieux sur le même principe de manipulation de la conjointe pour la rendre folle avec Rebecca ou Suspicion pour l’un et Gaslight pour l’autre) pour prétendre atteindre le niveau de La Féline, I Walked with a Zombie ou dans le genre policier La griffe du passé.

Note : **

dimanche 8 novembre 2009

Sanjuro


La première fois que j’ai vu Yojimbo, ce fut une énorme claque (vous l’avez peut-être remarquer si vous êtes un fidèle de mon blog ; sinon, honte à vous !). Alors de savoir qu’une suite existait, avec l’inénarrable Toshiro Mifune, je n’ai pas résisté longtemps avant de voir Sanjuro !

De prime abord, c’est une suite assez déstabilisante. Il faut dire qu’elle est presque opposée au premier film ! Mais le film se passant j’ai bien vite cru comprendre où voulait en venir Akira Kurosawa.

Yojimbo, c’était une réponse de Kurosawa au western américain. Une sorte de commentaire ironique, se moquant ouvertement de la violence en la réduisant à la farce et, le cas échéant, à un moment très bref. Kurosawa ne pouvant, en tant que maître du cinéma, se permettre de faire deux fois le même film, opte pour une nouvelle solution. Toujours pour dénoncer la violence, il confère à son film un côté… comédie pure !

En effet, n’en déplaise aux puristes des films de samouraïs, Sanjuro ne contient presque pas de combats, et le peu qu’il contient est vite résolu quand il n’est pas tout simplement réduit au ridicule (cfr le duel final). Mais l’élément frappant est l’esthétique même du film, qui confine clairement à celles du dessin animé et du manga. De la sorte, le récit pour le moins basique (et moins intéressant que Yojimbo, il faut bien le dire) garde sa saveur et donne envie au spectateur de savoir comment va finir le film. Et Kurosawa de continuer sur sa lancée humaniste en dénonçant l’usage de la violence comme solution à chaque problème.

J’en ai déjà parlé moult et moult fois mais la performance de Toshiro Mifune est, comme à chaque fois, un vrai régal. A noter aussi le reste du casting très drôle et qui semble, au Japon, être du 5 étoiles.

Un peu moins fascinant que le premier, le scénario étant un peu trop léger et la surprise de Yojimbo étant passée, Sanjuro n’en est pas moins une franche réussite, ou comment un film d’action se transforme grâce à l’humour et la distanciation en pamphlet pacifiste. Génial !

Note : ****

vendredi 6 novembre 2009

Watchmen


Le film s’ouvre sur un affrontement violent, qui ferait passer Jason Bourne pour une gonzesse, et se conclut par une mort biblique (une chute) d’un ancien « héros ». Cut. Générique : naissance et fin des super héros, Nixon en dictateur, la paix aux chiottes. Retour sur un smile taché de sang, celui du Comédien, dont la trace de sang indique justement minuit moins cinq, comme l’horloge de l’Apocalypse. La fin du monde est proche, celle des héros aussi.

Le film est d’une richesse visuelle et narrative incroyable. Prenant le pari de rejeter l’entertainment hollywoodien (aucune star, 2h30, peu d’action, énormément de psychologie), le film est une œuvre postmoderne par excellence, faisant écho tout du long à l’histoire de l’art : peinture (La Cène, Andy Warhol), photographie (clin d’œil à Annie Leibovitz), musique (Mozart y croise Simon & Garfunkel), cinéma (Dr Folamour, Mad Max), littérature. Le film est chargé de symboles : par exemple, dès qu’un héros va sombrer, une vitre se brise (le Comédien, Dr Manhattan, Ozymandias). L’esthétique est ultrasoignée, Snyder impose sa patte. Ce gars est un magnifique plasticien.

Je réagis peu face à l’histoire car je la connais d’à travers les comics, respecté scrupuleusement par ailleurs, comme l’était 300. Elle reste prenante car elle s’écoule lentement : Snyder se fout de l’objectif final, il pose les bases de chacun de ses personnages, et c’est bien mieux comme ça. Dans l’intime, c’est l’universel qui apparaît : l’amour, la haine, la vie, la mort. Chaque personnage n’est ni bon ni mauvais, juste humain.

Il y a un jeu phénoménal sur la temporalité : le passé et le présent se confondent pour un futur incertain. Flash-back et flash-forward s’entremêlent et brouillent les cartes. Il y a aussi une profonde réflexion sur la religion, notamment avec le personnage de Dr Manhattan, dieu vivant mais impuissant.

Le final est effrayant, mais d’une logique imparable. Le dernier plan laisse place à toutes les interprétations possibles : la Vérité va-t-elle éclatée ? Va-t-on la dissimuler ? Va-t-on seulement s’y intéresser ?

Le générique final défile. Dernière pierre d’un édifice qui vient de bousculer Hollywood, l’adaptation de comics, le film de super-héros. Snyder est grand, qu’on se le dise ; Watchmen est certainement son œuvre ultime tant sa richesse équivaut celle des plus grandes œuvres de l’histoire de l’art.

Note : *****

mercredi 4 novembre 2009

Whatever Works


Un retour à New York, un acteur qui ressemble à Woody, une histoire d’amour compliquée : y a pas à dire, j’attendais assez bien ce Whatever Works. Et quelle déception !

Woody fait de l'humour, mais juste pour cacher un profond mépris de l'humanité. Cynisme et sarcasme deviennent ici méchants, en total contraste avec le reste du film plutôt mièvre. D'ailleurs, ça ne m'a pas paru du pur Allen : le message est violent (l’humanité est idiote) et asséné 1h30 durant, avant de laisser place à une morale bienveillante et sirupeuse d’un « faites ce que vous voulez, tant que ça marche », tant qu’on trouve le bonheur. Un discours moralisateur peut-être malvenu de la part d’un cinéaste angoissé depuis des années qui, en faisant justement n’importe quoi pour trouver le bonheur, c’est fourvoyé dans des situations pour le moins délicate (la rupture avec Mia Farrow pour sa fille adoptive, quand même).

Larry David est génial, mais trop peu présent. C’est bien dommage car on sent le gars à l’aise dans le personnage, qui n’en fait ni trop ni trop peu, typiquement allenien. Evan Rachel Wood, sosie pubère d’une Scarlett Johansson, est plastiquement magnifique (parole de mâle moyen), et joue plutôt bien, mais son personnage est lui en revanche assez fade, assez stéréotypé (la blonde un peu coconne) et déjà vu aussi dans Annie Hall. Les autres n’en parlons pas, ils font uniquement décoration.

Reste cette bonne idée de l'adresse au spectateur critiquée par les autres personnages, même si Annie Hall allait plus loin. C’est ça le problème : Woody Allen, ce génie débordant d’imagination, ressert les même plats, même si il tente de les améliorer (ici les autres personnages sont interpellés par l’adresse spectatorielle de Boris, alors que dans Annie Hall ils ignoraient celles d’Alvy Singer).

En bref, et cela me fait mal de le dire tant ce cinéaste compte pour moi, un Allen en demi-teinte et une déception si on considère qu'il revient dans une ville qui l'a si bien inspiré par le passé. Whatever doesn't works.

Note : **

lundi 2 novembre 2009

True Lies


C’est en 1991 que sort La Totale !, film de Claude Zidi mettant en scène un agent secret cachant son métier à sa femme qui s’ennuie. Un peu comme nous. Heureusement, il arrive que des surdoués du cinéma aient un jour un geste envers nous, pauvres spectateurs, et proposent de recommencer à zéro. Qui a dit que les remakes étaient toujours inutiles ?

Car True Lies, c’est ça : de l’action, de l’émotion, de l’humour, même de la parodie, et une classe inégalable. Rien d’étonnant : c’est sieur James Cameron aux commandes. Oui oui, James Cameron, le mec qui avait déjà bousculé Ridley Scott en proposant un Aliens aussi bon (meilleur ?) que le premier et en révolutionnant le cinéma SF et les effets spéciaux avec les deux premiers Terminator.

Il retrouve d’ailleurs son vieil ami Arnold Schwarzenegger, surprenant tant il est à l’aise dans le genre de l’action mais surtout dans le registre de la comédie où il a excellé plus d’une fois (chez Cameron mais aussi chez McTiernan). A ses côtés, Jamie Lee Curtis est irrésistible (et sacrément bien foutue) et Tia Carrere est juste une BOMBE SEXUELLE !

Basique (les méchants terroristes qui veulent attaquer les USA) mais bourré de rebondissements, d’action, de gags et de dialogues savoureux (« Tu as tué des gens ? – Oui mais c’était des méchants… »), le film est donc réalisé de main de maître par James Cameron, juste bluffant quand il s’agit d’impressionner et qui n’hésite pas à se moquer du genre pour le rendre encore plus divertissant et, surtout, aidant ainsi True Lies à se démarquer de ces productions vues et revues qui ont peuplé Hollywood fin des années 80 début des années 90.

Sans prétention, pur entertainment qui remplit haut la main sa tâche, True Lies devrait être un cas d’école à Hollywood, parfaite symbiose du savoir-faire et de l’intelligence, de l’universalité et de l’auteurisme d’un cinéaste qui s’épanouit dans des productions pétaradantes ou dantesques. James Cameron, putain de génie.

Note : ****