mardi 24 novembre 2009

Dead Man


« Chaque nuit, chaque matin, certains naissent pour le chagrin. Chaque matin, chaque nuit, certains naissent pour le délice exquis. Certains naissent pour le délice exquis, certains pour la nuit infinie. » Jarmusch, lui, semble être né pour le génie.

Je suis un énorme fan de western. De tous types : de The Great Train Robbery au remake de 3h10 pour Yuma, en passant par John Ford, Howard Hawks, Samuel Fuller, Sam Peckinpah, Clint Eastwood ou évidemment par Sergio Leone. Et je pensais avoir tout vu. Jusqu’à ce Dead Man.

Le western, genre classique par excellence, entre les mains d’un cinéaste (post)moderne. Le western, genre d’action par excellence, par un réalisateur qui privilégie l’inaction. De quoi se poser des questions. A tort, évidemment.

Evidemment car Jarmusch est quelqu’un d’assez cinéphile pour respecter le genre. Ainsi trouve-t-on autant de références à Ford qu’à Leone, deux marshalls qui se nomment Lee et Marvin, et les ingrédients basiques du western : les colts, la prostituée, les tueurs à gages, l’indien, les paysages magnifiques et grandioses.

Sauf que Jarmusch ne s’arrête pas là : pour lui, le western moderne, ce n’est pas un divertissement, ce n’est pas un chant du cygne, ce n’est pas une renaissance, c’est une quête. Ouvertement métaphysique, Dead Man est le portait d’un esprit, celui de William Blake, qui doit retrouver la pureté. Le lent passage de la civilisation et de Machine Town à la nature sauvage et « miroir » où le ciel et la mer se rejoignent n’est pas anodin. L’inaction désacralise également le mythe du western sauvage (toute action est ici très courte et, parfois, à l’instar du duel final, lointain), tout comme la musique électrique de Neil Young, qui confère au film un aspect plus irréel encore.

C’est aussi comme la synthèse des films précédents de Jarmusch : la solitude du héros rappelle celle des personnages de Stranger than Paradise, la descente en canoë celle de Down by law, l’ouverture avec le train celle de Mystery Train… Comme si Jarmusch arpentait une nouvelle voie, ce qu’il fera effectivement avec ses films suivants comme Ghost Dog et Broken Flowers. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agisse de son plus beau film en noir et blanc.

Je pourrais également parler de Johnny Depp et dire centaines de louanges sur cet acteur jarmuschien idéal, mais ce serait inutile.

Il est dit au début du film qu’il est toujours préférable de ne pas voyager avec un mort. Ici, en l’occurrence, cela m’aurait éviter de me rendre compte que Jarmusch est un cinéaste inégalable, parvenu à trouver une voie unique à un genre pourtant mainte fois manipulé.

Note : *****

2 Comments:

ultimatom said...

Ce film est en effet énorme.
Vaporeux. Où le personnage principal navigue constamment entre la vie et la mort.

Magnifique.

Benoît said...

C'est promis, je m'y attaque très vite. :)