mercredi 29 août 2007

L'enfer du dimanche (Any given sunday)


Le sport et le cinéma, ça fait souvent deux. D’abord parce qu’il faut un bon scénario sur le côté, ensuite parce que la tendance est d’illustrer des sports typiquement américains que nous autres, pays occidentaux, ne connaissons pas vraiment. L’enfer du dimanche possède ces deux tares : le manque de script décent et un sport trop méconnu pour nous séduire.

Oliver Stone est un passionné de foot américain, c’est un fait. La preuve : « Fils unique, vivant à New York, je me suis mis à collectionner des photos de joueurs dès l'âge de neuf ans, à remplir des carnets de notes avec des résultats de matches et les statistiques des équipes. Je me suis aussi inventé ma propre ligue, et me suis adonné avec passion à ces jeux en chambre qui m'occupaient parfois pendant des heures ». Il ajoute : « J'ai toujours eu envie de tourner un film à grande échelle sur le foot, mêlant les destins d'une quinzaine de personnages, comme dans les classiques des années quarante-cinquante. Je voulais que ce soit un film moderne, mais je souhaitais également y rendre hommage à une certaine tradition du cinéma hollywoodien, avec une action dense et serrée, du mouvement et de l'ampleur, une figuration abondante et démonstrative. » Bon, l’action est louable, comme dans beaucoup de films qui se voulaient originaux mais ne sont en réalité que des navets.

Stone aurait du s’en douter : les choses ont mal commencées dès la préproduction. Par exemple, Stone ne trouve aucun accord avec la National Football Ligue et doit donc en inventer une nouvelle pour le film. Plusieurs acteurs refusent de jouer dedans : Robert de Niro, Ving Rhames, David Duchovny ou encore Chris Tucker. Inversement, le chanteur P. Diddy et Cuba Gooding Jr sont vite écartés du film, l’un pour ses déboires avec la justice, l’autre pour avoir déjà jouer un footballeur dans Jerry Maguire. Enfin, signalons quand même que Clint Eastwood fut un moment pressenti pour le rôle finalement dévolu à Al Pacino, mais Eastwood fut aussi en pourparlers pour réaliser le film. Pendant le tournage, LL Cool J prend son rôle au sérieux et frappe violemment Jamie Foxx à la tête, tandis que Jim Caviezel et Tom Sizemore ne se doutent pas qu’ils seront coupés au montage. Enfin, signe d’une mauvaise préparation, Stone doit recommencer une scène entière car il y utilisait une musique sans l’accord du groupe, qui refuse d’être exploité dans ce film.

Au fil des années, Oliver Stone semble avoir fait le chemin inverse de la plupart des cinéastes : ses scénarios sont de plus en plus mauvais alors que techniquement il est de plus en plus fort. S’il l’on doit sauver un point de ce film, c’est bien sa mise en scène et encore, par moments, tels ces matchs dantesques : Stone voulait « proposer une approche frontale du jeu, diamétralement opposée à l'esthétique froide et distanciée de la télé, et concevoir une mise en scène très physique, basée sur un contact direct avec le joueur », il y réussit admirablement notamment avec un travail immense sur le son (bruits d’animaux et combats de gladiateurs mélangés aux sons réels du match). Sa caméra est constamment en mouvement, au plus proche des joueurs sur le terrain et le découpage est réussi.

Côté casting, Stone a également eu la présence d’esprit de s’entourer d’une pléiade de stars : Al Pacino, Dennis Quaid, Jamie Foxx, Cameron Diaz, Matthew Modine, James Woods, Charlton Heston, il n’y a pas de quoi se plaindre je pense ! Pourtant, si chacun joue assez bien son rôle, personne ne transcende vraiment son personnage : Pacino fait son Pacino et Woods son Woods, Dennis Quaid est un peu en retrait tout comme Modine, Heston apparaît 5 minutes et Jamie Foxx frôle le ridicule plus d’une fois. Celle qui s’en sort le mieux dans cette histoire reste assurément Cameron Diaz, surprenante en femme d’affaire vénale.

Bref, de bonnes petites bases pour un film honnête. Hélas, allez comprendre pourquoi, mais Stone semble se moquer de plus en plus de ce côté shakespearien qui faisait la force de ses premiers films (Platoon, Né un 4 juillet) ou de cette volonté de titiller là où ça fait mal (JFK, Nixon) au profit d’un scénario digne du plus petit scénariste hollywoodien en fonction. A la base, le script de L’enfer du dimanche est la fusion de trois scénarios : un écrit par un ancien joueur de football professionnel que Stone a remanié (lorsqu’on voit comment Stone remania Tueurs-nés de Tarantino, on peut craindre le pire), un deuxième scénario de John Logan et enfin un troisième de Richard Donner et Lauren Schuller Donner. Finalement, Stone s’adjoint l’aide de Logan pour mélanger tout ça, en prenant par-ci par-là des idées dans un livre controversé de Rob Huizenga. Résultat : Stone égratigne la télé, le sport, le dopage, le statut de dieu vivant des joueurs, l’appât du gain et des tas de trucs super chouettes à critiquer… quand on ne plombe pas son propos avec l’histoire d’un entraîneur en bout de course mais qui y croit encore au bon vieux temps, d’un prodige qui devient un sale con avant de redevenir super sympa avec ses potes, même celui qui lui fend le crâne, de cette vamp de patronne qui découvre la beauté du football à la place de celle de l’argent et une multitude de gags scatos pour faire rire les gens, du mastodonte qui a la chiasse au joueur qui vomi sur le terrain chaque fois qu’il joue. Tout ça sur 2h30, franchement, on en peut plus, et on décroche alors d’un film qui lorgne parfois du côté du clip rap ou r’n’b fonctionnant sur le même principe. Stone cherchait-il à copier le schéma scorsesien de gloire/chute aux enfers/rédemption ? On n’ose y croire tant le résultat final est manichéen et, n’ayons pas peur d’être méchant, minable en comparaison de ce qu’il annonçait comme traitement.

L’enfer du dimanche frôle l’échec cinématographique, où quelques bons moments visuels, une bonne gueulante comme Pacino en a le secret et une Cameron Diaz au sommet sauve le film du naufrage, la cause étant une galerie de stéréotypes sur un scénario bien en deçà de ce qu’il aurait pu (du) être. Zéro touch down dans la partie, Stone aux vestiaires !

Note : **

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