mardi 21 août 2007

The Last Show (A Prairie Home Companion)


Ironie du sort, The last show est le dernier film du cinéaste Robert Altman, décédé en novembre dernier. Et le pire est que le métrage s’attarde notamment sur la mort, sans pour autant sombrer dans le drame en tournant tout à la dérision, qui caractérisait tant les films du cinéaste. Un final à l’image de son auteur : immense.

Mais reprenons depuis le début : le film s'inspire d'une authentique émission de radio, très populaire aux Etats-Unis, et également intitulée A prairie home companion. Créé en 1974, ce programme, qui se déroule chaque semaine en direct, réunit pas moins de 4 millions d'auditeurs américains sur 558 stations de radio, et suivi dans 35 millions de foyers à travers le monde. Animateur et âme de cette émission où se mêlent chansonniers, comédiens et chanteurs de country, Garrison Keillor a écrit pour Robert Altman le scénario du film. Altman est un habitué des adaptations, puisqu’il en a déjà fait de nombreuses auparavant (Fool for love, Beyond Therapy, Streamers…) donc aucun souci.

La préparation du film se fait en douceur : Meryl Streep apprend l’accent du Wisconsin avec sa belle-mère, George Clooney et Michelle Pfeiffer sont remplacés par Kevin Kline et Virginia Madsen tandis que Tom Waits et Lyle Lovett cèdent leurs places à Woody Harrelson et John C. Reilly, Lindsay Lohan obtient un rôle par lobbying (elle avait dit dans la presse qu’elle jouerait un rôle dans le film alos qu’il n’y avait rien de prévu pour elle !) et pour une question d’assurance Robert Altman nomme un réalisateur « de réserve » pour le pire des cas répondant au nom de… Paul Thomas Anderson.

Le tournage est tout aussi folklorique : côté anecdote, l’actrice Maya Rudolph est réellement enceinte comme son personnage devait l’être, et lors d’une scène (présente dans le film) où Kevin Kline débouche une bouteille de champagne nous entendons un « Ow ! », suivi d’un « sorry » de la part de Kevin Kline : il s’agissait de Robert Altman ayant reçu le bouchon directement sur le front ! Mais le cinéaste est également un artiste allant au bout des choses : il opte donc pour un tournage novateur. Par exemple, le film est enregistré durant cinq semaines, au Fitzgerald Theatre de Saint-Paul dans le Minnesota, là où Keillor enregistre son émission depuis 1978. Garrison Keillor joue lui-même le rôle l'animateur de l'émission, appelé simplement G.K. Certains des personnages du film existaient déjà dans le show radiophonique et, l'équipe technique habituelle de l'émission à collaboré avec celle du film lors des numéros de variété, tournés sur scène devant un public et dans les conditions du direct. Des conditions qui rendent le film plus authentique. Altman ajoute même : « On pourrait dire que nous avons tourné ce film comme un documentaire. Nous n'avons pas essayé de camoufler nos caméras. On a procédé un peu comme pour une captation : la caméra est présente pendant l'action, mais rien n'est organisé pour elle ».

Une fois de plus, Altman s’entoure d’un casting cinq étoiles où chacun prend son pied. Le coup de cœur va sans doute à Kevin Kline qui la joue comique comme on l’aime, et à Meryl Streep qui pousse la chansonnette de manière incroyable. Cependant, les autres acteurs n’ont rien à envier, et tandis que Lindsay Lohan efface son image d’actrice pour films enfantins en interprétant cette adolescente suicidaire, le duo Woody Harrelson – John C. Reilly est impayable, notamment lors des blagues à deux balles. On regrette juste de ne pas profiter un peu plus de Tommy Lee Jones mais c’est la règle des films « choraux ».

D’un point de vue mise en scène, le cinéaste n’a plus rien à apprendre : son humour acerbe et à froid et ses analyses au scalpel de l’Amérique profonde et du monde du spectacle ont contribué à bon nombre de chef-d’œuvre. Sans se départir de ces caractéristiques qui ont fait sa réputation, Altman prend son temps, filme avec une certaine nostalgie et humilité cette dernière représentation de l’émission de radio, radio qu’il affectionnait tant étant enfant et qui a fortement influencé sa mise en scène notamment au niveau du travail du son. Le réalisateur semble savourer l’instant présent, présentant inconsciemment ou non que ce sont les derniers qu’il vivra. Le paradoxe veut que le thème de la mort, qu’Altman abordait fréquemment, soit le plus présent dans ce film, qu’elle soit artistique ou humaine… Altman signe aussi son hommage à la musique country une dernière fois, musique qu’il avait déjà glorifié dans l’incontournable chef-d’œuvre de sa carrière, Nashville.

Rythmé et mélancolique, amer et drôle, A prairie home companion est le film testament d’un cinéaste en état de grâce, qui salue une dernière fois son public avec sincérité et simplicité, comme les acteurs de l’émission de radio. Quand la fiction rattrape la réalité, le constat est dur : Robert Altman n’est plus, et le pire est qu’il était irremplaçable.

Note : ****

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