lundi 27 août 2007

Ne le dis à personne


Après un sympathique premier film (Mon idole), on était curieux de savoir comment Guillaume Canet allait nous revenir derrière la caméra. Et une fois n’est pas coutume, un cinéaste français a décidé d’adapter un roman américain, Ne le dis à personne.

D’abord, place aux bons mots du réalisateur : « Il y avait une multitude de personnages forts, ce qui m'allait bien puisque j'ai un défaut : à chaque fois que je croise un acteur ou une actrice qui me séduit, j'ai envie de travailler avec lui ou elle. Cette fois, je pouvais offrir plein de rôles! » De ce point de vue, il est vrai que le casting est des plus alléchant : François Cluzet, André Dussollier, Marie-José Croze, Kristin Scott Thomas, François Berléand, Marina Hands, Jean Rochefort, Nathalie Baye, Gilles Lellouche, Jalil Lespert, Olivier Marchal et Guillaume Canet lui-même, on a connu moins prestigieux. Et c’est là l’un des points forts du film, ces acteurs et actrices, chacun étant très bon dans son rôle, avec mention spéciale à François Cluzet (récompensé d’ailleurs par un César), Jean Rochefort, François Berléand et Kristin Scott Thomas. Cluzet d’ailleurs avoue avoir pris son pied avec ce film, puisqu’il s’agissait d’un rôle très physique : « C'est la raison pour laquelle ce rôle est l'un de mes préférés : je suis venu au cinéma pour faire des films d'action, et pas du tout des films d'auteur ». Il n’en demeure pas moins convaincant dans ses moments de troubles fréquents dans le film, où le personnage d’Alex ne sait plus qui ou ce qu’il doit croire ou non.

Côté réalisation, Guillaume Canet (César du meilleur réalisateur) revendique clairement ses influences populaires, ces films de genre américains du même acabit que Ne le dis à personne : faux semblants, vengeances et courses poursuites (dont une admirable sur le périphérique parisien, exceptionnellement fermé pour l’occasion) parsèment ainsi le film comme un standard américain, alors que nous sommes bien dans un film français. L’audace est donc là, mais on regrette néanmoins un manque de rythme constant, même si le mélange de calme et d’urgence est judicieux, il reste certains moments de flottements, parfois trop lents comme cette introduction et l’arrivée à l’élément déclencheur, qui ne se montre qu’après 20 minutes (César du meilleur montage au demeurant).

En revanche, en ce qui concerne le scénario, il faut bien admettre que le roman original était beaucoup plus captivant que son adaptation. Ce n’est pas que c’est mal écrit, loin de là, mais l’agencement des situations est tel que l’on devine assez facilement ce qui va arriver par la suite, et on se surprend à connaître la fin avant l’heure. Un comble pour un polar.

Cependant, il reste un autre élément-clé du film, qui aide le film à se hisser un cran au-dessus des productions de ce genre dans l’Hexagone : la musique. Le compositeur est d’ailleurs bien connu dans le milieu puisqu’il s’agit de Mathieu Chedid, alias ‘M’ sur scène, qui sur proposition de Canet lui-même s’est vu offert une proposition des plus sympathiques : improviser une musique sur le film une fois que Chedid l’aurait vu. Coup de bol, Chedid adore le film et trouve bien vite l’inspiration : « J'avais choisi une guitare un peu spéciale-une guitare baryton, plus grave qu'une guitare classique. La musique vient quasiment de toutes les premières prises enregistrées en direct, j'ai rarement recommencé, cela s'est fait de façon quasi animale. Hormis la chanson de fin, plus arrangée, et l'enregistrement du violoncelle, tout s'est fait de manière fulgurante, porté par l'énergie créatrice de Guillaume, qui bondissait en se frottant les mains à la fin de chaque séquence et m'encourageait, par sa bonne énergie, à poursuivre ». Le résultat est là : à la fois mélancolique et progressive dans le ton, la musique de Chedid colle à merveille au film, lui conférant cet aspect mélodramatique parallèle à l’enquête centrale du film et la course effrénée d’Alex. Du grand art récompensé par un César, lui aussi.

Un film sympathique, certainement pas un chef-d’œuvre mais cherchait-il ce statut ? Canet prouve en tout cas qu’il possède un savoir-faire certain, à peaufiner à l’avenir, et que le cinéma français peut aussi tenter certaines choses de temps à autres et redonner ainsi un souffle nouveau à un cinéma qui commence à trop tourner en rond.

Note : **

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