vendredi 3 août 2007

Le crime farpait (El crimen ferpecto)


Le film avoue être un hommage à Hitchcock autant qu’aux comédies noires qu’Iglesia adore : « J'ai toujours aimé les comédies noires, ces films dans lesquels le personnage principal commet un meurtre et se voit obligé de trimballer partout le cadavre sur le dos. Ça m'amuse de voir comment ces personnages essaient désespérément de cacher le corps. Comment ils perdent la tête. Comment ils se bernent les uns les autres. Ce sont des situations qui provoquent un humour noir très spécial. C'est un de mes genres préférés ».

Très sombre, l’humour d’Iglesia fait mouche car il pointe du doigt nos propres travers : une société superficielle, où les critères de beauté nous sont dictés dès notre naissance, où la réussite sociale est une priorité, peu importe la manière dont on y parvient, où personne n’est à l’abri d’une famille déséquilibrée ou d’une femme qui transperce des préservatifs… Sous couvert de l’ironie, c’est bel et bien le monde moderne, emprunt de capitalisme et à l’esprit réduit (et réducteur) que ce Crime farpait s’en prend, plus encore qu’au monde des magasins, d’apparence en ordre mais qui peuvent cacher pas mal de vilaines choses. Habilement construite, l’intrigue du film est digne des grands films policiers, et si les rebondissements ne manquent pas, c’est le final qui laisse bouche bée, puisque personne ne peu se douter d’une conclusion aussi… décalée. Sarcastique, la réalisation d’Iglesia emprunte donc aux maîtres du suspens et de l’humour noir autant qu’au fantastique, avec ces quelques interventions spectrales de l’adversaire malencontreusement tué par Rafael. Prenant ainsi ses distances avec la réalité, Iglesia se lâche et envoie valser les idées réalistes qui auraient freiné son film.

Alex de la Iglesia définit aussi Rafael comme un Macbeth du 21e siècle. Il explique : « Rafael est un individu ambitieux et combatif, amoureux de la belle vie et des belles femmes. Je le définirais comme un Macbeth du XXI siècle, toutes proportions gardées, à cause de la malédiction qui pèse sur lui. Son désir le plus cher est de vivre dans un monde élégant et sophistiqué, tout le contraire du monde réel qui est plutôt décevant. Il a un plan pour que son rêve devienne réalité : vivre dans un monde parfait. Mais la réalité est toute différente. Rien n'est parfait. C'est pourquoi il devient fou ». Cet état d’esprit, Guillermo Toledo l’a très bien compris, et magnifie un personnage antipathique pour qu’on finit par avoir de la pitié. Monica Cervera, en manipulatrice, est tout simplement grandiose, et le reste du casting n’a absolument rien à envier à ses deux comédiens vu son niveau général.

Il est dommage que le film n’ait pas été pleinement reconnu à sa valeur : nommé à six reprises aux Goya awards (l'équivalent espagnol des Césars) dans les catégories Meilleur acteur, Meilleur second rôle masculin, Meilleure révélation féminine, Meilleure direction de production, Meilleur son et Meilleurs effets spéciaux, le Crime farpait ne remporta aucun prix, ne pouvant résister à la déferlante du Mar adentro d'Alejandro Amenabar.

Mais ce n’est pas grave, car à la vision du film le fait est là : un grand cinéaste vient de nous envoyer une bombe en pleine face. Et bon sang, son explosion nous a fait du bien !

Note : ****

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