mardi 7 août 2007

Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari)


Alors connu comme un bon assistant-réal et un cinéaste sympa (Le colosse de Rhodes, joli succès), Sergio Leone devait marquer considérablement le Cinéma de son empreinte avec son second film, le western Pour une poignée de dollars.

On a souvent cru que c’était Sergio Leone qui avait initié le genre, mais il existait déjà une vingtaine de westerns italiens au moment du film, à l’exception que Pour une poignée de dollars fut le premier de ces westerns à sortir d’Italie. En fait, à l’époque, le cinéma italien souffre, est en plein déclin même. Comme le western européen fait un tabac là où il sort (principalement en Allemagne), Leone trouve une bonne occasion de démystifier un genre qu’il n’aime finalement que très peu, aussi bizarre que cela puisse paraître. Il décide de faire un remake de Yojimbo d’Akira Kurosawa, lequel ne fut pas prévenu et demanda par la suite des droits d’auteur, à savoir 15% des recettes mondiales et l’exclusivité des droits de distribution au Japon. Kurosawa avouera que ce film lui rapporta bien plus que Yojimbo à son époque… Toujours est-il que Leone monte tant bien que mal son projet, avec des fonds provenant d’Italie, d’Allemagne et d’Espagne. Steve Reeves et James Coburn déclinent le rôle de l’Homme sans nom, Charles Bronson déclare que c’est le plus mauvais script qu’il ait jamais lu, Henry Fonda ne connaîtra le scénario qu’une fois le film sortit (il changea d’agent après que celui-ci ait refusé sans le consulter) et Richard Harrison dit poliment nom avant de diriger Leone vers la série Rawhide, où le jeune Clint Eastwood fait forte impression. Pour le rôle de Ramòn, Leone propose d’emblée Gian Maria Volonte, mais les producteurs sont frileux vu le caractère imprévisible de l’acteur. Mais Leone ne démord pas, Volonte a un visage qui l’intéresse. Finalement les producteurs cèdent.

Le tournage se passe relativement bien : Eastwood compose lui-même son personnage (look vestimentaire + cigare, alors qu’Eastwood déteste le tabac) et trouve la bonne interprétation de suite, tandis que Leone excède le jeu théâtral de Volonte pour accentuer la folie de son personnage. D’après certains, Leone fut si perfectionniste qu’il fit déraciner un arbre et le replanta à l’entrée du décor, simplement parce qu’il trouvait qu’il collerait bien dans le paysage. A la sortie du film, le succès est au rendez-vous, et avant même de pouvoir découvrir le western sur leurs écrans, les Américains font de l’œil à Leone. En 1967, le film sort aux USA (alors qu’il fut tourné en 1964) avec une scène que Leone renie : une introduction avec Harry Dean Stanton en homme de loi condamnant l’Homme sans nom. Pour Leone, c’est un abus, dénaturant le sens même du personnage (que Leone s’amuse à comparer à l’Ange Gabriel pour venir de nulle part, régler les problèmes et repartir vers nulle part à nouveau).

Ainsi naquit le premier volet de la plus illustre trilogie de western italien, le fameux « western-spaghetti » comme on l’appelait péjorativement à sa sortie. Il est important de noter que tous les éléments du genre, et du style Leone par ailleurs, se trouvent déjà présents dans ce film : cadrages serrés, pleine utilisation du Scope, montage rythmé par la musique d’Ennio Morricone et souci de réalisme. On a souvent penser que Leone cherchait un style à travers ces acteurs typés et son Ouest brutal et sale ; en fait il n’en est rien. Comme l’avouait lui-même le cinéaste, c’était surtout par souci de vérité historique qu’il faisait ça ; il ne faudrait pas oublier que Leone est issu du néo-réalisme. Plusieurs thèmes de Leone se retrouvent également dans ce film : la vengeance, la cupidité, l’avidité et même l’amitié.

Le duo Eastwood-Volonte est quant à lui tout simplement saisissant. Il faut dire que les personnages qu’ils composent sont réussis, entre l’ironie et le cynisme de l’Homme sans nom et la folie destructrice de Ramòn. Ce n’est pas un hasard si Leone les réutilisera dans le film suivant, ces deux acteurs qui parviennent, et ce toute la durée du film, à éclipser leurs partenaires, gueules patibulaires devenues stéréotypes du western contemporain.

Pour la petite histoire, Sergio Leone et Ennio Morricone étaient dans la même école enfants, puis se sont perdus de vue. Le hasard faisant ben les choses, Leone contacta Morricone par hasard pour la musique de son film, et fut convaincu par un thème que Morricone avait composé plus tôt. Leone déclarera que Morricone n’était pas son compositeur mais son scénariste, véritable clé de ses films rythmant les scènes ou, mieux, les dirigeant à sa place, et ce dès le film suivant où la musique sera diffusée sur le plateau pour mettre l’équipe dans l’ambiance. Avec le résultat que l’on connaît.

Et c’est ainsi que Pour une poignée de dollars devaient révéler une multitude de talents et définir les bases d’un genre vite dénaturé il est vrai, mais qui a considérablement marqué le cinéma qui a suivi (Tarantino en chef de file). Merci monsieur Leone.

Note : ***

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