jeudi 9 août 2007

Accattone


Accattone révéla au monde entier une personnalité qui allait marquer de son empreinte l’art italien moderne : Pier Paolo Pasolini. Ecrivain, poète, théoricien de l’art et de la littérature, c’est pourtant en tant que cinéaste qu’il allait devenir célèbre.

De par son sujet, que Pasolini connaît bien pour avoir enseigné des années dans ces bidonvilles, Accattone s’inscrit dans la lignée du néo-réalisme italien. Mais Pasolini est tout aussi proche des Rosselini et De Sica qu’il ne l’est de la poésie d’un Fellini (à l’image du rêve final d’Accattone) (quoi de plus normal, Pasolini ayant été scénariste pour Fellini sur Les nuits de Cabiria). Ainsi, si le film possède toutes les caractéristiques du célèbre courant cinématographique, il contient aussi les germes du style pasolinien : un certain lyrisme tragique, la question du sexe dans la vie courante, un mélange de cinéma social et de métaphores et une direction d’acteur exemplaire.

Si Pasolini parle des bidonvilles, il ne sombre cependant pas dans le misérabilisme exacerbé : si certains ne mangent pas à leur faim, c’est aussi parce qu’ils refusent de travailler honnêtement. Pourquoi vendre sa force de travail à un patron qui ne fera que nous exploiter ? Le film tient alors plus des Vitelloni de Fellini que du Voleur de bicyclette de De Sica, malgré la musique mélancolique (et sublime) de Bach qui ponctue le récit et lui donne un aspect des plus tragiques. A noter que l’idéologie marxiste fait déjà aussi son bonhomme de chemin dans l’esprit de l’auteur, très engagé socialement contre la bourgeoisie.

Malgré son sujet délicat, Accattone ne sombre jamais dans le drame froid, ni dans l’attaque directe de la bourgeoisie ; il n’en demeure pas moins un appel à la conscience populaire pour qu’elle réagisse à la situation précaire de cette sous-classe prolétarienne.

Les interprètes sont plus vrais que nature, puisqu’ils proviennent réellement de ce milieu défavorisé. Franco Citti, l’interprète principal, mérite d’ailleurs amplement le bien qu’on a pu dire de sa performance : il en joue pas, il est Accattone. Une association fructueuse et qui se reproduira sur six autres films (Mamma Roma, Œdipe roi, Porcherie, Le Décaméron, Les contes de Canterburry et Les Mille et une nuits). Tant qu’on est dans le casting, il faut noter la présence de Bernardo Bertolucci en tant qu’assistant. Ce dernier passera à la réalisation l’année suivante avec La Commare Secca, auquel Pasolini participera en tant que scénariste.

Accattone se révèle donc une première œuvre étonnante, maîtrisée et quasi spirituelle (la quête du bonheur d’Accattone est en fin de compte le fil conducteur du récit), début d’une carrière étonnante et hélas trop courte.

Note : ****

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