dimanche 29 juillet 2007

Uniformes et jupons courts (The Major and the Minor)


Le premier film est toujours une épreuve difficile : certains s’en sortent avec brio, pour d’autres c’est la cata. Uniformes et jupons courts permet à Billy Wilder de rejoindre cette première catégorie de cinéastes.

Enfin, soyons francs et précis, il ne s’agit pas vraiment de son premier film, mais les conditions de tournage de Mauvaise graine furent telles que l’on peut ne pas le considérer comme un film à part entière. Pour son premier film américain donc, Billy Wilder bénéficie d’atouts non négligeables : suite à sa réputation de scénariste, les producteurs lui font confiance, et il s’attache les services de Ginger Rogers comme actrice principale, fraîchement « oscarisée » (dont la performance est grandiose, même si l’on ne croit pas un instant qu’elle est une enfant) ainsi que Ray Milland, idéal en héros naïf et à cent lieux de son prochain rôle chez Wilder, Le poison. Par chance, le film est un succès commercial, et Wilder va enfin pouvoir devenir un cinéaste à part entière. Par chance ? Pas vraiment, si le film réunit tous les ingrédients d’une comédie réussie, c’est avant tout grâce au talent du cinéaste.

Tout d’abord, le scénario : partant sur une idée simple quoique quelque peu absurde (une femme se fait passer pour une gamine pour payer le train moins cher), la trame narrative est le prétexte à un enchaînement de gags s’appuyant tant sur un humour de situation que sur des dialogues savoureux (et équivoques). Le récit est calibré « comédie », sans pour autant laisser de côté la romance. Pas de temps morts, l’histoire reste captivante de bout en bout. Mais, plus fondamentalement, le film pousse déjà la réflexion sur l’amour adolescent, des années avant le Lolita de Nabokov, où cet homme d’âge mûr tombe malgré lui sous le charme d’une gamine de 12 ans. Bien moins sulfureux que l’adaptation de Kubrick ou plus encore du livre original, cette fausse idée d’érotisme n’empiète pas sur le film mais reste, sur le fond, l’exemple même que Wilder était déjà à l’époque un moraliste ironique.

Reste que la mise en scène de Wilder, pour une première oeuvre, est d’assez bonne facture, aussi rythmée que celle de Lubitsch, et aussi drôle qu’un film Hawks en forme. Si elle n’a pas encore la classe et l’ingéniosité des prochains films, la « Wilder’s touch » fait déjà effet dans cette comédie sans prétention véritable, si ce n’est divertir. On regrettera cependant un certain classicisme, que l’on pardonnera pour une première œuvre, mais qui ne laisse pas véritablement de souvenir marquant après la projection. Mais pour rire, ça, on a ri.

Il y a également dans ce film les thèmes favoris du cinéaste : déguisements, obsessions sexuelles, femme fatale à sa manière, quiproquos, moquerie des institutions (en l’occurrence l’armée)… Si le film n’est donc pas une œuvre essentielle dans la filmographie du cinéaste, elle n’en a pas moins une place de choix puisqu’elle pose d’emblée l’univers de Wilder.

Un film fort sympathique, qui n’a pas pris de ride en plus de 60 ans notamment grâce à un sens de la réplique inouï, des acteurs menant tambours battants un scénario certes déjà vu mais qui possède ce petit plus signé Billy Wilder. Et ça fait toute la différence.

Note : ***

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