jeudi 5 juillet 2007

C'est arrivé près de chez vous


En Belgique aussi, les contes de fées existent, même s’ils sont teintés d’humour second degré et de pas mal de mousse d’une bonne blonde. Voici par exemple l’histoire d’un film sur lequel personne ne misait, voici l’histoire de C’est arrivé près de chez vous.

Il était une fois trois allumés dont l’humour n’avait d’égal que la puissance du coude au comptoir : Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde. Alors que Benoît connaissait quelques disputes avec les études en général, ses amis Rémy et André ne pouvaient pas se vanter de faire mieux, si ce n’est que eux se voyaient déjà réaliser des films. Après un premier court métrage ensemble (Pas de C4 pour Daniel-Daniel), nos trois amis décidèrent, pour le film de fin d’études de Rémy, de décrire le quotidien d’un serial killer en parodiant quelque peu une émission très prisée (et très voyeuriste) à l’époque : Striptease.

Une chose en amenant une autre, le film de fin d’études se transforma en premier long métrage pour nos joyeux lurons, pas si joyeux que ça quant il fallait monter le film : appels à la famille et aux amis (Benoît invita même a famille sans jamais lui dire le sujet du film), fouilles des poubelles des studios pour récupérer des morceaux de pellicule, tournage sans autorisations et véritables tournées chez Malou, bref la bande eut bien des difficultés à arriver au bout de ses peines, et il fallut plus d’un an pour arriver au but ultime : Cannes.

Se rendre à ce prestigieux festival était déjà merveilleux pour nos héros nationaux, mais ils n’étaient pas encore au bout de leurs surprises (et pour dire vrai, nous non plus) : projeté en séance de minuit, le film attira bien vite l’attention des festivaliers. « Viens vite, il y a des Belges qui ont fait un truc de fou ! » s’exclamait un spectateur, tandis qu’un inconnu du nom de Quentin Tarantino se battait avec 4 gardes de la sécurité pour aller voir le dit film de dingue. Trois récompenses plus tard, nos amis rentrèrent dans leur plat pays en abandonnant à la vue de tous leur bébé. Le résultat ne se fit pas attendre : le film culte de la décennie, pourquoi pas même de l’histoire du cinéma belge, attirait tous les curieux, repoussant les plus sensibles d’entre eux pour fasciner les amoureux du cynisme et de l’humour noir. Preuve avec cette affiche qui choqua : à la base, ce n’était pas un dentier mais une tétine de bébé qui voltigeait parmi les flots de sang. Mais la censure trouva cela « de trop »…

Quel était donc le secret de cette réussite ? Le scénario à double niveau sans doute : d’une part une satire féroce et sans concession de la télé réalité, du voyeurisme et de la place du spectateur dans ce qu’il regardait (l’équipe documentaire participant activement aux meurtres de Benoît au fil du temps) mais d’abord et surtout à un ton débridé et un humour que l’on avait encore jamais osé jusque là : du veilleur de nuit noir à la mamy cardiaque, de l’anniversaire sanglant au cocktail référant au petit Grégory Villemin, chaque phrase, chaque situation poussait à son paroxysme la limite du bon goût et n’hésitait d’ailleurs pas à la franchir allègrement. Il faut dire que notre « héros » n’en est pas un : assassin pour le plaisir autant que pour l’argent, raciste et sans égard pour femmes, vieillards et enfants, son amour de la poésie n’épargne en rien ce côté détestable qui émane de lui alors que, honte à nous, on ne peut s’empêcher de l’adorer, de réciter à sa place ses répliques devenues cultes.

Qu’aurait été un tel personnage si ce n’était pas Benoît Poelvoorde qui l’avait interprété ? Quelque chose de totalement différent, et allons plus, quelque chose d’indigeste. Pour son premier vrai film, Poelvoorde écrase déjà tout, laissant deux types de cadavres sur son passage : les morts du films et nous, morts de rire. La comédie est un art très délicat, et Poelvoorde y excelle comme nul autre de sa génération.

Malheureusement, le film a bien du mal à tenir ses promesses, et si l’humour reste présent longtemps, on ne peut s’empêcher de regretter que la seconde moitié du film traîne, tire en longueur, soit moins inoubliable que la première partie, et il arrive parfois que le sourire qu’on ne pouvait plus effacer de notre visage s’en aille de lui-même.

Mais qu’importe ! Le film est ce qu’il est, autrement dit une pierre précieuse rare car brut, sans influence quelconque si ce n’est le caractère déjanté de ses trois auteurs, et dont l’humour acide traverse les âges et les générations sans prendre la moindre ride. Moralité : la personnalité dans un film, ça fait beaucoup, la bière ça fait le reste. Cinéma, cinémaaaaaa !!!!!

Note : ***

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