dimanche 22 juillet 2007

Le Seigneur des Anneaux : la Communauté de l’Anneau (Lord of the Rings : the Fellowship of the Ring)


Peter Jackson décida de tourner les trois films en une seule fois (pour un budget total de 300 millions de dollars), une première dans l’histoire du cinéma. Pendant que Jackson retravaillait le script quotidiennement et cherchait une équipe solide, la préproduction allait bon train : 12 millions d'anneaux posés à la main pour les cotes de maille, 48 000 pièces d'armes et d'armures fabriquées, 19 000 costumes, 15 000 éléments de costumes, 10 000 masques, 2 000 armes, 1 600 paires de pieds de Hobbits, 350 décors construits et plus de 100 lieux de tournage, 200 masques d'orques et 159 prothèses de nez pour Gandalf furent conçus, tandis qu’on prépara un an à l’avance la plantation du village des Hobbit pour qu’elle fasse authentique. Peter Jackson estimait que la Nouvelle-Zélande pouvait offrir tous les décors nécessaires à une telle entreprise. Parallèlement, après n’avoir pu obtenir Russel Crowe, Jackson offrit le rôle d’Aragorn à Viggo Mortensen, lequel accepta sans hésitations sur conseil… de son fils.

Le tournage débuta enfin, et l’entreprise était de taille : 2 400 techniciens au total (dont 180 infographistes, 114 rôles parlés, 45 techniciens de décors, 40 tailleurs, designers, cordonniers, brodeuses et bijoutiers et 2 forgerons) travaillaient sur le film, adaptation d’un scénario de 400 pages et dont certaines scènes nécessitait jusqu’à 700 acteurs, ou encore 250 chevaux, le tout dirigé par 5 équipes allant parfois jusqu’à 148 personnes. On ajoutera à cela les 20 602 figurants utilisés pour 915 000 mètres de pellicule au total. Peter Jackson exigeait la perfection : le scénario fut ainsi retravaillé chaque jour durant le tournage pour coller au mieux aux acteurs ; les journées duraient parfois jusqu’à 16 heures, et il demandait à ses acteurs d’apprendre le langage elfique ; il obtint même la participation de l’armée néo-zéalandaise pour les scènes de bataille avant que celle-ci ne du renoncer. Amoureux de son pays, il utilisa des kilomètres de moquettes pour protéger certains endroits de tournage ; bricoleur et plaisantin, il utilisa pour les bruitages des cris d’animaux divers (opossums, baleine, tigre, cheval…) et même pour les Cavaliers noirs… le cri de sa femme ! Il décida pour contrer la censure que le sang des Orcs serait noir, et eut recours à quelques vieilles techniques d’effets spéciaux pour les Hobbits par exemple, en utilisant la perspective forcée (on place les personnages les plus grands près de l'objectif de la caméra pour les faire paraître plus imposants que les semi-hommes) et un système de plates-formes et de poulies permettant aux comédiens de bouger en même temps que la caméra pour maintenir cette perspective forcée (sans oublier la construction du décor à différentes échelles, l'utilisation d'images composites, de comédiens sur échasses ou de géants et de personnes de petite taille engagés comme doublure). Inversement, Jackson dépassa les limites de la technologie en matière d’effets spéciaux avec la technique dite de "prévisualisation" (pour visualiser en amont du tournage les scènes difficiles du film requérant notamment de nombreux effets visuels). Très tôt également, Peter Jackson et ses producteurs décidèrent d'utiliser l'étalonnage numérique sur la trilogie. Cette technique consiste à numériser le film, puis revoir chaque scène et modifier leur éclairage pour obtenir une photo unifiée, et finalement retransposer le long métrage sur pellicule.

A sa sortie, Le Seigneur des anneaux : la Communauté de l’Anneau était un succès, la critique (13 nominations aux Oscars, 4 statuettes (Meilleure musique, effets visuels, maquillages et photographie)) et le public (860 millions de dollars de recettes dans le monde) s’inclinèrent.

Ce qui frappe bien évidemment, c’est l’avancée technique du film, même encore à l’heure actuelle, qui lui a permit de séduire autant les foules : du village Hobbit à la ville des Elfes, Jackson nous offre un spectacle visuel d’une beauté renversante, aidé d’une part par une photographie numériquement parfaite et des décors naturels comme on en voit rarement. Pour accompagner cela, Jackson n’a visiblement pas lésiné sur les effets spéciaux, lesquels servent le récit avant tout et sont plus d’une fois remarquables, à l’instar de ce long prologue sur la première Bataille de la Terre du Milieu. Hélas, comme tout premier épisode d’une saga, la présentation des personnages et la mise en place de l’intrigue se fait hélas un peu trop lentement, si bien qu’il faut attendre une bonne heure si pas plus pour pleinement entrer dans le film. Difficile de comparer l’épisode d’Hobbitsbourg aux mines de la Morea par exemple, le premier manquant cruellement de ce souffle épique qui plane sur le reste du film. Ce n’est qu’à partir de la quête que nous prenons vraiment notre pied, ce que nous avons vu jusqu’ici étant certes plaisant mais un peu plat, surtout après le prologue.

Si de prime abord la mise en scène de Peter Jackson semble plus classique que d’habitude, il est amusant de noter le penchant habituel du cinéaste vers le cinéma trash : ainsi, l’aspect des Orcs est soigneusement travaillé pour être effrayant, et la naissance des Uruk-Aïs rappelle ces vieux films d’horreur que Jackson affectionne tant. Le Seigneur des Anneaux se démarque ainsi radicalement d’Harry Potter et l’école des sorciers, sorti à la même époque, par un approche non seulement plus adulte mais aussi plus sombre et violente du cinéma fantastique ; il faut dire que l’univers de Tolkien s’y prêtait d’emblée, contrairement à celui de J.K. Rowling à ses débuts. Mélangeant ainsi subtilement matte-paintings, effets classiques et numériques ou plans entièrement créés par ordinateurs, Peter Jackson prouve qu’il n’est pas un manchot, mieux qu’il possède une vision artistique définie qui lui permet de s’insérer dans l’univers de Tolkien et de s’en approprier certains éléments pour les faire siens.

Il est difficile de juger le script final, le roman étant de toute manière bien plus riche et puissant que le film. Cependant, Peter Jackson semble avoir été honnête avec l’œuvre originale, ne supprimant pas les intrigues secondaires et ne délaissant pas l’humour distillé ça et là pour relâcher un peu la pression. Un rien prévisible, le scénario ne manque cependant pas de précision dans sa première partie et de rythme dans sa seconde.

Côté acteurs, Viggo Mortensen est définitivement celui qui l’emporte, malgré des pointures comme Ian Holm. Christopher Lee et Ian McKellen, vétérans du cinéma, sont fidèles à eux-mêmes : admirables. Elijah Wood est relativement surprenant, offrant peut-être sa meilleure performance des trois films, tandis qu’on ne peux encore profiter pleinement de John Rhys-Davies ou Hugo Weaving. Dans l’ensemble des prestations honnêtes et réussies.

Mais le véritable secret du film, ce qui a concrètement propulsé la mise en scène de Jackson au sommet reste la musique d’Howard Shore. Il faut dire que le compositeur a passé près de deux ans sur la b.o., s’inspirant parfois de Wagner et de musiques celtiques. Sans le mélange incroyable de vigueur, de calme, de souffle épique et de mélancolie, on a un peu de mal à imaginer ce que serait le résultat final. Assurément, Howard Shore est au même titre que Jackson et Fran Walsh (scénariste du film et femme de Jackson) l’une des pierres angulaires de l’œuvre, offrant aux images ce petit plus… magique.

Réussi, Le Seigneur des Anneaux : la Communauté de l’Anneau l’est assurément, mais ne mérite peut-être pas le statut de chef-d’œuvre absolu qu’on lui a offert dès sa naissance ; il s’agit d’une base solide à l’une des plus grandes sagas cinématographiques de tous les temps, ce qui en soi est déjà plus qu’un exploit.

Note : ***

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