mardi 3 juillet 2007

Les fantômes de Goya (Goya's ghosts)


On le sait depuis 20 ans, Milos Forman aime les biopics un peu « hors norme », aux antipodes de ce que prône Hollywood : Amadeus, Larry Flynt, Man on the moon sont autant d’exemples du talent de Forman de présenter un personnage célèbre en dénonçant ce qui ne tourne pas rond autour de lui. Surtout si cela lui permet d’égratigner l’image de l’Amérique vers laquelle il a été obligé de migrer. Cette fois, dans Goya’s ghosts, ce n’est pas tant le peintre que ceux qu’il côtoie (le frère Lorenzo et Inès) qui intéressent Forman. L’occasion de dénoncer l’Inquisition était trop belle pour la laisser passer, mais bizarrement Forman ne se limite pas à un seul point de vue cette fois : critiquant l’Eglise et ses méthodes ultraconservatrices et totalitaires, le cinéaste s’en prend aussi aux révolutionnaires français en pointant du doigt la faiblesse de leur mouvement, eux qui se croyaient les héros d’une Espagne souffrante alors qu’ils n’étaient vraiment pas désirés. Pour la première fois dans un film de Forman, personne n’a raison, ni mérite de salut au générique de fin. Pas de happy end ici, le film est résolument sombre, sans doute l’un des plus sombres de Forman. Mais hélas, malgré cette innovation dans sa narration, Forman se laisse aller à quelques facilités scénaristiques, et tire certaines de ses scènes bien trop en longueurs.

Malheureusement la mise en scène ne sauve pas les meubles : étrangement classique, la reconstitution de l’époque n’a d’égal que le calme de 90% du film. Le film est intimiste, certes, mais un rien trop lent, sans le rythme et le souffle qui ponctuait Amadeus et le propulsait au firmament. Serait-ce dû à l’âge sans cesse avancé de Milos Forman, qui fête ses 75 printemps cette année ? Peu certain, beaucoup de cinéaste ne se laissant pas aller à cette excuse. D’autant que l’ironie et l’agressivité du cinéaste ont rarement été si virulentes, à l’instar de ce final sous des airs enfantins joyeux dont aucun des personnages ne sort indemne.

Milos Forman reste aussi un directeur d’acteur exceptionnel : s’étant entouré d’un casting plus qu’admirable (Stelan Skarsgard, Michael Lonsdale, Nathalie Portman, Javier Bardem), le réalisateur prouve une fois de plus qu’il saurait rendre fascinant un chien se grattant l’oreille. Si beaucoup ont reproché le fait de voir un nordique interprété Goya, il faut tout de même admettre que Skarsgard interprète avec conviction et réalisme le peintre génial et quelque peu opportuniste, dépeignant le monde qui l’entourait au travers de métaphores visuelles troublantes et sombres. Michael Lonsdale est quant à lui admirable en Evêque tout-puissant, autant que ne l’est Nathalie Portman en muse innocente d’une part et en catin de l’autre. Mais c’est bel et bien Javier Bardem qui mérite les applaudissements, tour à tour calme et à vif, lâche et fourbe, animé d’une volonté de se préserver et opportuniste.

Dommage que le scénario un peu trop prévisible et une mise en scène un peu trop académique (même si clairement fascinée par l’univers de son peintre de héros) ne rendent pas justice à un quatuor d’acteur d’exception, dont l’un d’eux parvient à atteindre les sommets presque sans efforts. Une leçon de direction d’acteur à défaut d’une leçon de cinéma comme grand retour.

Note : ***

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