jeudi 19 juillet 2007

Kill Bill - vol. I


st parfois quand on veut se faire plaisir qu’on fait également plaisir aux autres. Tarantino l’a bien compris à travers ses films, et plus encore avec Kill Bill.

1993 : Quentin Tarantino réalise Pulp Fiction. Sur le plateau, il discute avec Uma Thurman d’un film sur une experte en arts martiaux qui se vengerait des assassins de sa famille, quelque chose dans la tradition des films asiatiques grande époque. L’idée trotte dans la tête de QT pendant des années, jusqu’à écrire un scénario dantesque : 220 pages, offertes à Uma Thurman pour son 30ème anniversaire. Il décide aussi de travailler avec Robert Richardson, directeur photo de Tueurs-nés, à qui il envoie le pavé de plus de 200 pages accompagné d’un joli bouquet de rose. Et là, la nouvelle tombe : Uma Thurman est enceinte ! Refusant de se passer de sa muse, Tarantino prolonge la préproduction jusqu’en 2002. Parallèlement, QT a réussi à convaincre Miramax que Kill Bill passerait mieux en diptyque.

Le tournage débute, et Tarantino s’éclate : après avoir passé plus d’un an à regarder des films d’action asiatiques, et s’être repassé en boucle The Killer, Coffy et Pour une poignée de dollars, le cinéaste s’amuse à glisser ça et là des références visuelles à ses films cultes et à ses propres films, s’entraîne avec ses actrices par solidarité et pour pouvoir montrer exactement le mouvement qu’il désire (il devait également interprété Peï Meï dans Kill Bill 2 mais il a du abandonné cette idée vu le travail qu’il avait), tourne au mythique Beijing Film Studio, épuise son opérateur steadycam, se ramasse un coup de boule (!) de Chiaki Kuriyama pendant son combat contre Uma Thurman, dépense 65 000 dollars en sabres japonais, utilise 500 litres de faux sang, tourne pendant 8 semaines la scène de bagarre dans le restaurant (alors que le tournage complet de Pulp Fiction ne demanda que 10 semaines), fait appel au studio Production I.G. pour la séquence animée du film (les responsables de Ghost in the Shell ou Jin-Roh, la brigade des loups), écrit de nouvelles scènes vu ses rushes, et surtout tourne « à l’ancienne » : peu d’effets numériques, que des effets traditionnels, du câble au geysers de sang contrôlé à distance en passant par les modèles réduits.

Résultat ? Tarantino nous revient six ans après Jackie Brown avec une forme impressionnante, réalisant tout simplement avec Kill Bill – vol. 1 l’un de ses sommets techniques. Côté scénario, ne nous voilons pas la face, le film est assez mince, comme tous les films d’action et de vengeance par ailleurs, mais Tarantino parvient pourtant à doser ce qu’il faut de moments d’action purs par rapport à des moments plus calmes. Et surtout, il sait comment nous tenir en haleine du début à la fin.

Non, c’est vraiment dans la réalisation que Tarantino prouve que « génie » est un mot inventé pour lui : au sommet de sa virtuosité, Tarantino parvient à intégrer une série de références dans un film personnel : de Leone à Battle Royale, de Bruce Lee aux films de Chang Cheh, de Brian de Palma à They call her one eye, le réaliateur est parvenu à assimiler chacun de ces films au point qu’il parvient à nous faire croire qu’ils sont les siens dans sa mise en scène. Un tour de force cinéphilique qui contribue à la critique de son style, mais qui permets aussi une approche radicalement différente de Kill Bill, non plus comme un film tendance gore mais comme un vibrant hommage à un cinéma de genre tombant en désuétude à l’heure du numérique et de l’action violente et décérébrée (style Rob Cohen). Tarantino pousse même l’hommage à l’utilisation exclusive de musiques de films pour créer sa propre b.o.

Techniquement, il prouve aussi qu’il sait comment cadrer une action, comment la découper et même que sa virtuosité n’est plus à démontrer (à l’image de ce plan-séquence dans le restaurant) tout comme il n’hésite pas à mélanger les genres (35 mm, dessin animé, noir et blanc…) et à utiliser des couleurs dominantes pour nous plaire. Sa stylisation de la violence trouve écho dans cette lutte entre The Bride et les Crazy 88 (utilisation du noir et blanc suivi d’un fort clair-obscur, montage rythmé, raccords impeccables) mais surtout dans ce combat final entre The Bride et O-Ren Ishii, dans ce jardin japonais couvert de neige, où les mouvements lents et précis ont le contrepoint musical de Don’t let me be misunderstood de Santa Esmeralda. Un cinéaste que l’on jugeait violent prouve ainsi qu’il sait rendre cette agressivité belle pour ne pas dire poétique.

Côté casting, Tarantino sait aussi mélanger les genres et les générations comme personne, de l’admirable Uma Thurman aux mythiques Sonny Chiba et Gordon Liu, en passant par de l’international avec Lucy Liu, Julie Dreyfus ou encore Vivica Fox. Si on ne profite pas encore du retour de Michael Madsen, on salive déjà des courtes apparitions de Daryl Hannah et David Carradine, les deux has-been que mister QT a décidé de ramener sur le devant de la scène comme à l’accoutumée. La direction d’acteur, ça le connaît le Tarantino, pensez donc vu le temps qu’il passe a créer ses personnages, et il fait encore preuve ici de quelques éclats, dont Uma Thurman assez surprenante, rendant son personnage d’ancienne tueuse sympathique, tandis que le monde qui l’entoure nous paraît affreux.

S’il n’est assurément pas le sommet de sa carrière, Kill Bill reste une étape importante dans l’œuvre de Tarantino, démonstration de savoir-faire jusqu’au générique final dont le scénario un peu faible au regard de ses précédentes œuvres empêche le film d’accéder au rang de chef-d’œuvre incontestable. Il a eu celui de film culte dès sa sortie, ce qui n’est déjà pas rien.

Note : ****

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