dimanche 22 juillet 2007

Le Seigneur des Anneaux : les deux tours (Lord of the Rings : the two towers)


Au vu des événements qui devaient prendre place dans le second film, les effets spéciaux allait devoir atteindre un niveau inédit, quelque chose de vraiment révolutionnaire pour être à la hauteur : le peuple Ent, Gollum et surtout la bataille du Gouffre de Helm où 10 000 Uruk-Aïs devaient assiéger la ville allaient nécessiter un travail technique considérable.

Gollum par exemple nécessita plus de 100 maquettes et 1000 dessins pour être parfait : pour sa création, il fallait d’abord capturer tous les mouvements et ensuite les retranscrire sur ordinateur, avant de post-synchroniser la voix. Andy Serkis, l’acteur qui interprétait Gollum, peaufina son personnage en lui donnant une voix tronquée (l’acteur soignait sa gorge quotidiennement avec du « jus Gollum » d’ailleurs, composé de citron, de miel et de gingembre) et en s’inspirant des héroïnomanes en manque. Le peuple de Ent nécessita des animatroniques immenses, comme Silvebarbe dont la poupée mécanique mesurait plus de 5 mètres (à titre de comparaison, la tour de Orthanc en miniature mesurait plus de 8 mètres). Une image de Gollum nécessitait ainsi près de 8 minutes pour être rendue par ordinateur, tandis qu’une image de Silvebarbe pouvait demander jusqu’à 48 heures.

Evidemment, le grand moment du film restait la bataille du Gouffre de Helm. Elle nécessitait 4 mois de tournage, de nuit, et il en fut tirer environ 20 heures de rushes. Visuellement, Peter Jackson s’inspira du Triumph of the Will de Leni Riefenstahl tandis que pour le son, il n’hésita pas à enregistrer 25 000 supporters de cricket chanter un cri de guerre. Mais le plus dur était à faire : donner vie à plus de 10 000 soldats en même temps. Weta Workshop, la société d’effets spéciaux de Peter Jackson, mit ainsi au point un logiciel révolutionnaire, baptisé Massive, capable de créer d'innombrables entités numériques, chacune dotée de sa propre personnalité et de sa propre indépendance. « J'ai mis au point ce programme en l'imaginant comme une vie artificielle, et non en la considérant comme un système d'animation de foule », explique le concepteur du programme Stephen Regelous. « Massive travaille en créant des agents qui possèdent leurs propres caractéristiques aléatoires et ont la capacité de prendre leurs propres décisions dans une situation de foule. Pour que ces agents réagissent naturellement à leur environnement, il fallait qu'ils disposent des même sens que nous, humains, pour l'appréhender. Ils sont donc dotés de la vision, de l'audition, du toucher quand ils entrent en collision avec les autres agents. Ils perçoivent leur environnement. Chaque agent est en outre doté de ses propres traits de caractère : l'agressivité, l'audace, la lâcheté... Il faut y ajouter les paramètres qui définissent quel est leur degré de saleté, leur taille, leur fatigue. Il y a d'innombrables paramètres qui entrent en jeu pour déterminer comment ces agents se comportent. Ce sont des entités uniques ». On atteint donc des sommets, comme le précise Richard Taylor, responsable de Weta : « Chacun de ces personnages possède son propre éventail de mouvements militaires, son répertoire d'action. Tous ces éléments ont été intégrés aux personnages. Chaque personnage numérique a été crée dans les moindres détails : il devait donner l'impression de posséder sa propre volonté, sa propre détermination, pour compléter le jeu des acteurs réels. On ne devait absolument pas déceler la différence. (...) Certaines des scènes que l'on voit au Gouffre de Helm défient l'entendement : ces batailles titanesques créées par Massive avec des dizaines de milliers de soldats qui s'agitent dans une atmosphère de colère et de mort, et tout cela a été crée numériquement... »

Comme libéré du poids de la réussite, le succès de la Communauté de l’Anneau ayant d’office remboursé les trois films, et n’ayant plus besoin déposer les bases d’un univers complexe (au maximum rajouter quelques éléments relativement simples), Peter Jackson signe avec Les Deux Tours l’épisode le plus réussi car le plus abouti de la trilogie. Exit quelques moments de flottements, une coupure du film en deux parties ou des moments romantiques un peu trop longs, cette suite se concentre désormais sur le véritable enjeu de l’intrigue : la préservation de la Terre du Milieu de l’armée de Sauron. Batailles dantesques, monstres hideux, remise en question des personnages, jeux de faux semblants, trahisons et amours interdits, tous les éléments de l’heroic-fantasy sont en place pour un divertissement de la même durée que le premier film. Bien plus sombre que la Communauté de l’Anneau, les Deux Tours est parsemé de revirements de situations pour se jouer du spectateur, et de moments de bravoure comme on aime en voir au cinéma. Le rythme change aussi, beaucoup plus soutenu et rapide, ne s’extasiant plus sur tel ou tel décor plus que nécessaire et allant droit à l’essentiel, instaurant au passage un climat tendu qui ne trouvera son dénouement qu’à la fin de la bataille de Helm. Peter Jackson semble avoir trouvé sa vitesse de croisière et, sans léser le moindre de ses personnages, en apporte de nouveaux tout aussi intéressants que ceux déjà connus : le roi Théoden, sa nièce, Saroumane bien plus présent… On regrette seulement de ne pouvoir jouir un peu plus de la présence de Grima Langue-de-serpent, vite dégagé du récit malgré l’excellent Brad Douriff (la version longue lui rend mieux justice paraît-il).

Côté acteurs aussi, à croire que le film a été tourné chronologiquement, semblent avoir une approche bien plus personnelle de leurs personnages, comme s’ils parvenaient à capter tout leur essence même. Viggo Mortensen reste le meilleur des acteurs visibles, car le meilleur de tous est paradoxalement celui qu’on ne voit pas : Andy Serkis. L’interprète de Gollum parvient ainsi à insuffler assez d’âme à son personnage pour que l’on y croit, et vu le travail nécessaire pour son personnage, on peut même dire qu’il est l’acteur ayant le rôle le plus difficile ! Malheureusement, et malgré l’insistance de New Line et Peter Jackson, Serkis ne sera jamais nommé à l’Oscar pour la simple et bonne raison que l’acteur nommé doit être visible à l’écran. Plutôt dur, surtout au vu de sa performance qui écrase les autres. Elijah Wood semble un peu moins en phase avec son personnage, ou est-ce fait exprès ? Sean Astin en fait parfois un peu trop, tout comme Orlando Bloom, tandis que John Rhys Davies reste le comique de la bande, Bernard Hill un roi Théoden prétentieux à souhait et Miranda Otto la meilleure interprète féminine du film (qui, il est vrai, n’en compte pas tant que ça…)

Enfin la musique d’Howard Shore, à l’instar de la mise en scène de Jackson, opte aussi pour un ton plus sombre, plus dramatique, sentant l’imminence du danger.

Bien qu’il fut un succès public plus important encore que le premier film (910 millions de dollars de recettes dans le monde), le Seigneur des Anneaux : les Deux Tours semble avoir été le moins apprécié des films par les critiques (6 nominations aux Oscars et 2 statuettes (Meilleurs effets visuels et Meilleur montage sonore)) ; pourtant, il s’agit bel et bien du meilleur épisode de la saga, plus dense et sombre que le premier film, plus épuré et moins noyé par son budget que le troisième. Film dont les rebondissements n’ont d’égal que les moments d’anthologie, de la bataille de Helm à ces flash-backs de tendresse entre Aragorn et Arwen, et dont l’issue semble dès le début dramatique, se refusant à offrir la moindre lueur d’espoir sans l’entourer de plus de danger encore, les Deux Tours est devenu une référence en la matière. Ce n’est que juste mérite après tout.

Note : ****

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