jeudi 12 juillet 2007

Platoon


Lorsqu’on évoque les films sur la guerre du Vietnam, de grands noms sortent mais le plus réaliste d’un point de vue combat reste sans doute Platoon.

A l’époque, Oliver Stone est plus connu pour ses scénarios que pour ses films. Même Salvador est passé inaperçu et du coup, Stone traîne son scénar sur le Vietnam de boites de prods en boites de prods depuis 1976. Puis, finalement, il parvient à se dégoter un budget, et après quelques refus d’acteurs (Kyle MacLachlan, Keanu Reeves, Kevin Costner) se crée un casting qui dans quelques années en fera rêver plus d’un : Charlie Sheen, Tom Berenger, Willem Dafoe, Forest Withaker et Johnny Depp ! Ceux-ci, après une formation de 14 jours dans un camp militaire spécial, se lancent dans l’aventure sans savoir ce qui les attends…

Car jusqu’à alors, le Vietnam était un cauchemar, mais surtout spirituel (Apocalypse Now) ou moral (Voyage au bout de l’enfer), mais pas encore physique. Fort de son expérience personnelle, Stone veut donner une forme jusqu’à alors inédite à cette guerre : un conflit d’une violence inouïe, teintée de tragédie humaine.

Travaillant donc sur la pyrotechnie et le son, afin que le bruit des M-16 soit le plus réaliste possible, Oliver Stone pousse ses acteurs et son équipe à bout, sachant très bien que le film sera un succès. Et c’est le cas : le film cartonne au box-office, supplante le Full Metal Jacket de Kubrick et s’offre 4 Oscars (Meilleur Film, Meilleur Réalisateur, Meilleur Montage et Meilleur Son) sur 8 nominations. Avec bien sûr une reconnaissance mondiale à son auteur.

Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Eh bien le film a vieilli, et ce qui faisait sa force semble bien fade face à des Il faut sauver le soldat Ryan ou même Nous étions soldats. Heureusement pour lui, Stone n’avait pas tout misé sur cet aspect du film, mais aussi sur le côté « shakespearien » de son histoire et de ses personnages. Chris, par exemple, tel Hamlet, ne décide-t-il pas de venger son père (spirituel ici en la personne d’Elias) en tuant Barnes ? Evidemment, cette dimension dramatique est un peu délaissée au fil du récit, mais elle est bel et bien présente, permettant au film de ne pas boire la tasse dans les eaux du temps.

Les acteurs aussi y sont pour beaucoup. Si Sheen se démène comme un diable, cherchant à offrir au personnage un esprit suicidaire, ce sont bien Tom Berenger et Willem Dafoe qui dominent, l’un pour son rôle de « plus salop tu crèves » l’autre ne serait-ce que pour cette seule scène où il se voit mourir en croix, scène qui impressionna tellement Stone lui-même qu’il la garda – alors que les explosifs remplis de faux sang n’explosèrent pas. Mais mine de rien, c’est un inconnu (maintenant cantonné aux séries TV) du nom de Francesco Quinn qui parvient à se démarquer, dans son rôle de militaire grande gueule et froussard. C’est un peu aussi ça la classe de Stone : permettre aux seconds rôles d’avoir autant d’importance que ses têtes d’affiches, quitte parfois à voir ces derniers un peu évincés…

Le style de Stone est aussi clairement construit à l’époque, dans ce besoin de rajouter une dose de drame humain alors que ce n’est pas nécessaire. La surenchère n’est pas trop gênante ici, mais le coup des violons (le célèbre Adagio for strings de Samuel Barber) laisse plus de marbre qu’il n’émeut. Sans doute à l’époque était-ce un coup décisif, mais à l’heure actuelle, ça a considérablement perdu de son impact.

On regrettera donc que le côté visuel et sonore du film aient été un peu privilégiés au scénario dont on ne saurait nier la paternité à Stone. Moins métaphysique qu’Apocalypse Now, moins éprouvant que Voyage au bout de l’enfer, moins intellectuel que Full Metal Jacket ou moins offensant qu’Outrages, mais pourtant incontournable dans ce genre de cinéma.

Note : ***

0 Comments: