dimanche 29 juillet 2007

La Cité de Dieu (La Cidade de Deus)


Le cinéma sud-américain est en pleine expansion, c’est un fait. Il y a ainsi quelques réalisateurs qui parviennent à réaliser un film si marquant qu’il traverse les frontières comme ici Fernando Mereilles avec La Cité de Dieu.

A la base, un roman de Paulo Lins, un ancien enfant de la favela de Rio décrivant les conditions de vie dans le Brésil des bidonvilles. Un roman porté aux nues vu sa complexité (300 personnages à travers 600 pages) sur lequel Mereilles portait pourtant quelques réserves. Comme l’explique le cinéaste, la réalité du terrain a été décisive : « Lors de ma première visite à Cidade de Deus, j'avais parqué ma voiture dans une rue très animée et poursuivi à pied, escorté par un jeune complice des dealers, censé m'éviter les ennuis. A peine avais-je fait trente mètres dans la Cité, qu'un garçon me braqua par derrière avec un énorme pistolet. Il aurait fait feu sur le champ si mon accompagnateur ne s'était interposé. Cinq secondes plus tard, le gosse au pistolet s'était évanoui dans la nature. Le coeur battant, j'ai réalisé que Paulo Lins n'avait rien exagéré. ».

Deux ans avant La Cité de Dieu, Fernando Meirelles et Katia Lund réalisèrent comme première ébauche un court dans la favela même évoquée dans le film. Mais les difficultés rencontrées les dissuadèrent d'y tourner leur long métrage. Fernando Meirelles raconte : « une partie du film se déroule dans un lotissement de l'époque de la Cité, mais situé à l'autre extrémité de la ville. Son "propriétaire" avait la quarantaine et était plus stable que les gamins de 19 ans qui contrôlent d'autres zones. Il demanda à voir le scénario et posa certaines conditions comme fixer personnellement le montant du droit d'utilisation du site. Le tout à travers une série d'intermédiaires , car le monsieur était en prison. Après cela, nous n'eûmes pas le moindre problème. » Il restait alors le plus complexe : le tournage. Il faut dire que le nombre de personnages et la durée du récit (qui s’étend sur plusieurs années) et, par souci d’authenticité, le réalisateur décide de s’entourer d’acteurs inconnus, d’où gros casting à travers tout Rio. Aidé par Katia Lund (qui avait réalisé plusieurs documentaires dans les favelas), Mereilles sélectionna finalement 200 jeunes qu'il forma sur plusieurs mois à raison de deux jours par semaine, onze heures par jour. Le résultat est là : La Cité de Dieu est une bombe. Les ingrédients aident, c’est certain : un scénario très riche, des acteurs très crédibles et une réalisation à la fois virtuose et à multiple niveaux de lecture.

Tout d’abord, c’est la première fois qu’un film sur les favelas semble être aussi authentique, sans pour autant sombrer dans le pathos le plus absolu. Des bidonvilles, Mereilles retient la cruauté, la violence mais surtout le mal-être des jeunes qui y vivent, plongés dès leur plus jeune âge dans les gangs, la drogue et autres prostitutions. Un mal-être qui sied pourtant à certains, trouvant là l’occasion de mener une vie de pacha à la tête d’un gang, une vie « luxueuse » qui leur serait interdit s’ils travaillaient honnêtement. Mereilles refuse de juger cette jeunesse engluée bon gré mal gré dans une violence quotidienne, certains choisissant librement d’y rester alors que d’autres prient pour en sortir. En refusant de rendre ses personnages sympathiques si ce n’est le narrateur, Mereilles veut éviter le manichéisme.

Côté technique, le film est un électron libre, porte ouverte à toute une série d’effets visuels : accélérés, arrêts sur image, ralentis exacerbés, montage elliptique, rien n’est laissé au hasard pour une réalisation qui semble tenir par moment à la pub et au clip, à d’autres au pur cinéma. Mereilles s’amuse également à informer très à l’avance son spectateur, comme cette séquence hallucinante de Ze Pequeno chez un chamane lui remettant une amulette magique, qui condamnera son possesseur si celui-ci la porte pendant le coït ; un gros plan de cette même amulette sera discret lors du viol de la copine de Manu Le Coq…

Les acteurs, tous inconnus, sont simplement impressionnants, très justes à chaque instant du film. Le fait qu’ils décrivent ce qu’ils ont probablement vécu les aide, mais ils restent d’une authenticité rare, aidés en cela par un scénario dense mais qui ne délaisse pas l’humour, violent et réaliste avec ce côté Sergio Leone de décrire tout un pan de l’histoire d’un endroit, avec sa multitude de personnages et ses thèmes abordés comme l’amitié, l’amour ou simplement l’envie de se sortir de là. Il ne manque presque rien pour que ce film soit rebaptisé Il était une fois dans les favellas de Rio.

Film impressionnant car abordant un thème grave de manière très populaire, La Cité de Dieu mélange si habilement violence et humour, cinéma social et d’action qu’il a permis de découvrir un cinéma engagé dans un pays meurtri, le Brésil. Terrible.

Note : ****

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