samedi 9 juin 2007

Garde à vue


Simplicité est parfois synonyme d’efficacité en matière de cinéma : c’est en tout cas ce que nous donne à penser des films comme Garde à vue.

Quatre acteurs, un décor, une durée très courte et aucune action : voilà la recette du film de Claude Miller. Il suffit de savoir tirer profit de ces éléments pour faire un bon film. L’outil pour ce faire, c’est un roman, A table !, de John Wainwright, que Michel Audiard file aux productions Ariane Films. C’est le coup de foudre, on lègue le film à Claude Miller, qui connaît une mauvaise passe alors, et Audiard se charge des dialogues. Pas de bons mots cette fois, non, des mots qui touchent, qui font mal, qui nous dévoilent petit à petit qui sont les personnages qui les utilisent. A l’époque, Audiard en a marre des comédies vaudevillesques, et s’occupe de films policiers en tout genre ; pourtant, c’est avec Garde à vue qu’il va démontrer tout son génie, son sens du verbe bien utilisé au bon moment.

Pour réciter ces phrases assassines, un quatuor de choc : une confrontation au sommet entre Lino Ventura et Michel Serrault, avec pour les observer Guy Marchand et Romy Schneider. Hormis Ventura, chacun est utilisé à contre-emploi : Guy Marchand interprète un flic violent et à l’humour très limite, Romy est une femme fatale froide (paradoxe ?) et Serrault, immense, est un personnage que l’on déteste, et qui pourtant nous mène en bateau : est-il coupable ou non ? Même Ventura, impeccable, en doute, et les revirements de situations n’aident en rien à y voir plus clair dans cet interrogatoire peu orthodoxe.

L’intelligence de Miller, c’est de laisser le film aux acteurs, de se laisser porter par les présences et les charmes de ces quatre comédiens principaux, sans chercher à faire de l’esbroufe où à trop en montrer. On ne connaît rien en dehors du commissariat, on ne connaît rien des personnages, on ne connaît même rien de l’enquête si ce n’est quelques inserts montrant ici les cadavres et là le fameux phare. De l’épure dans les décors, de l’épure dans l’action, même de l’épure dans les mouvements de caméra, comme si Miller observait avec une certaine retenue cette garde à vue d’un notaire accusé d’un double meurtre de fillettes.

Une fois n’est pas coutume, saluons le splendide thème de George Delerue, qui glace le sang dans son côté enfantin puisque, dans ce film, les enfants n’ont visiblement pas leurs places.

A sa sortie, le film est un succès : Grand prix du Cinéma Louis Lumière, le Prix Méliès, le Prix du meilleur scénario au Festival de Montréal en 1981, 8 nominations aux Césars 82 dont 4 de gagnés (Meilleur Montage, Meilleure adaptation, Meilleur second rôle masculin, Meilleur acteur pour Michel Serrault) et un remake soutenu par Gene Hackman, immense fan de ce film. Pourtant, 25 ans plus tard, il reste toujours ces images du film dans les mémoires : un Serrault s’écroulant petit à petit, un Ventura plein de sang-froid jusqu’au retournement final, une Romy Schneider glaciale, une musique entêtante, un soir de Saint Sylvestre dramatique, une tragédie shakespearienne, un film qui ne vieillira probablement jamais.

Note : ****

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