jeudi 31 mai 2007

Les cinq secrets du désert (Five graves to Cairo)


Billy Wilder n’a pas toujours été le cinéaste indépendant que l’on connaît : il aussi dû travailler pour les studios à ses débuts, et Les cinq secrets du désert fait partie des films de commande qu’il a reçu.

Réalisé pendant la guerre (1943), clairement propagandiste (comment les Alliés ont pu vaincre Rommel en Afrique), Les cinq secrets du désert part d’une idée relativement simple et déjà vue : un officier britannique se retrouve malgré lui dans un hôtel où débarque les Allemands, dirigés par le Maréchal Rommel, et prend l’identité d’un valet mort quelques jours plus tôt. Mais le dit valet était en fait un espion, et l’Anglais se voit contraint de jouer double jeu, tout comme la servante française qui attendait elle aussi les Allemands…

Le trio vedette, composé de Franchot Tone, Anne Baxter et Erich Von Stroheim, est en effet mémorable : Tone joue les Anglais typiques, tour à tour cynique et à l’humour acide, sans sombrer dans l’excès ; Anne Baxter reste convaincante avec ce petit accent français, déstabilisante dans son aversion pour les Alliés et se refusant à jouer les sentimentales comme aurait pu l’être son rôle ; mais celui qui écrase tout et tout le monde, c’est Von Stroheim, dont la simple présence électrise l’écran. Selon la légende, Von Stroheim, cinéaste maudit, proposa de nombreuses idées à Wilder concernant son personnage, et le résultat est là : un Rommel plus vrai que nature, froid, implacable mais pas tortionnaire, un poil arrogant mais respectueux, dont l’homosexualité latente est plus d’une fois sous-entendue. Pour compenser ce trio relativement dramatique (même si l’officier britannique à le sens du bon mot), Wilder propose un Akim Tamiroff angoissé et un Fortunio Bonanova en général italien à la créativité étouffée, tant comme militaire que comme chanteur d’opéra. Deux rôles comiques qui allègent le film et le rendent plus agréable.

Le film se distingue aussi par son côté plus psychologique que dans les autres films du genre. Certes, il y a bien quelques scènes de batailles et de bombardements, mais l’ensemble se déroulant en huis clos, sous tension permanente, donne au film une autre dimension, moins tape à l’œil et qui aurait fini par être dépassée. L’humour distillé tout au long du film, surtout dans les dialogues, et le sens du détail sont les autres éléments d’un scénario dont la simplicité est rapidement occultée par une écriture peu commune pour l’époque.

Enfin, la réalisation de Wilder permet au film de tenir la distance : d’un noir et blanc remarquable (par ailleurs nominé aux Oscars), elle possède un rythme soutenu, constant, où les rebondissements se chevauchent sans se tirer dans les pattes ou, pire, lasser le spectateur. Il y a bien entendu des erreurs de réalisme (les Allemands parlant anglais à leur espion, un seul homme se lançant à la poursuite du traître…) mais on en fait vite table rase.

Un film de commande réussi, moins personnel que certaines œuvres de Wilder mais néanmoins plaisant.

Note : ***

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